Le tabagisme représente un véritable problème de santé publique en Algérie et provoque plus de 15 000 morts par an, soit une moyenne de 45 décès chaque jour. Selon le ministre de la santé de la Population et de Réforme hospitalière, Abderrahmane Benbouzid, dans une allocution prononcée à l’occasion de la Journée mondiale sans tabac, célébrée cette année sous le slogan: «Tabac et Covid-19: je m’engage à arrêter de consommer du tabac», que «l’Algérie est exposée au danger du tabagisme du fait de la propagation de la consommation du tabac à fumée chez les personnes âgées entre 18-74 ans avec un taux de prévalence de 16,2% en 2017 et 8,8% chez les jeunes de 13-15 ans»
Par Réda Hadi
Au palmarès des causes de décès les plus récurrentes à l’échelle de la planète, le tabac occupe la seconde place, avec un taux de 21%, juste après les accidents de la circulation (28%), et avant la drogue (10%). En Algérie, plus de 15 000 fumeurs meurent annuellement des effets du tabagisme, 7 000 d’une crise cardiaque, 2 000 à 3 000 du cancer du larynx et poumon et près de 1500 autres de l’artériosclérose, les 4 000 restants sont directement liés à pas moins de 25 maladies en relation avec le tabagisme. Selon des statistiques non confirmées, la consommation de tabac à fumer est de 15,3% chez les plus de 15ans, 27% chez les hommes, 1,7% chez les femmes, 5,7% pour le tabac à chiquer.
Fait grave à signaler : cette tendance qui s’installe dans certains salons de thé «branchés» de la capitale, proposant le «Narguilé» aux jeunes. En apparence inoffensive, cette pratique se révèle d’une grande nocivité: fumer le narguilé pendant une heure de temps, équivaut à consommer 200 cigarettes par jour, sans parler des maladies que l’on peut contracter par la salive, telles que la tuberculose et l’hépatite virale.
Le tabac, un coût élevé pour le système de Santé national
S’il est connu que le tabac est générateur d’un grand nombre de pathologies, l’estimation de l’impact financier de leur traitement par le système national de Santé est très mal appréhendée dans notre pays.
Certains médecins épidémiologistes ont tenté d’avoir une approche la plus juste sur la base des données recueillies sur le terrain en 2016. On apprend, ainsi, qu’une chimiothérapie coûte en moyenne, 112 484 DA, une chimiothérapie + anti-angiogénique, vaudrait 224 995 DA. En somme, pour un seul patient atteint de tabagisme (cancer), après les différents bilans, pré-bilans et traitements symptomatiques, reviendrait à 1051. 432 DA. Une moyenne à multiplier par le nombre de patients à traiter !
Augmentation régulière des quantités de tabacs consommées
Il n’existe certes pas de chiffres officiels sur la consommation finale de ce produit nocif, mais celle-ci peut être estimée à partir des statistiques disponibles en matière d’importations. En effet, la production agricole de tabac sur le territoire national étant insignifiante, c’est l’importation qui constitue la source principale d’approvisionnement du marché national, qu’il s’agisse de l’achat des intrants destinés à la transformation, ou des tabacs importés sous forme de produits finis. Et en prenant comme hypothèse que les quantités potentielles de cigarettes provenant de la contrebande sont négligeables, on peut considérer les quantités importées de tabacs comme un bon indicateur de la consommation finale de ce produit sur le territoire national.
En 2005, 12 286 tonnes de tabac ont été importées, soit, un ratio de 0,373 kg /habitant tandis qu’en 2019, 19 091 l’ont été pour un ratio de 0,440 kg/habitant. L’évolution est significative de la montée du tabagisme
Dissuasion par les prix : L’Algérie à la traine
Il est vrai que le prix du tabac en Algérie a connu, au cours des cinq dernières années, quelques augmentations non négligeables qui n’ont pas manqué de freiner la tendance, observée depuis le début des années 2000, à la croissance de sa consommation.
Dans la réalité, notre pays connait, en termes de prix, d’immenses retards par rapport au reste du monde. Notre pays se situe à la 85ème position sur un total de 104 pays dans lesquels les prix d’un paquet de 20 cigarettes (paquet de référence de la marque Marlboro), ont pu être relevés, selon des données de l’OMS. Le prix du tabac en Algérie est encore très loin du niveau qu’il a atteint dans un grand nombre de pays à travers le monde.
Une fiscalité peu adaptée
En Algérie, la fiscalité appliquée aux tabacs est variée et multiforme, mais reste globalement d’un niveau qui ne la distingue pas particulièrement de celle appliquée pour les autres activités économiques, alors que son effet nocif est partout reconnu. Mais surtout, le dispositif fiscal en place n’est pas visiblement calibré pour refléter l’objectif d’une lutte efficace contre la consommation du tabac.
Lors de cette journée anti-tabac, M. Benbouzid a réaffirmé la volonté politique de l’Algérie de lutter contre le tabagisme et a affirmé que son département a mis en place «53 unités de consultation d’aide au sevrage tabagique dans le cadre de la stratégie nationale de lutte antitabac», soulignant que ces unités sont réparties à travers l’ensemble du territoire national.
R. H