Alors que le Moyen-Orient s’enfonce dans une spirale de tensions entre l’Iran et l’entité sioniste, les prémices d’un nouveau choc mondial sans précédent refont surface. D’ailleurs, des experts estiment que tous les signaux d’un séisme énergétique mondial sont réunis, avec des effets potentiellement dévastateurs sur les marchés du pétrole, du gaz et sur l’économie mondiale dans son ensemble.
Par Akrem R.
Dans une analyse lucide et sans concession sur les conséquences de l’escalade militaire entre l’Iran et l’entité sioniste au Moyen-Orient, l’expert en géopolitique énergétique Mourad Preur a alerté sur les répercussions géoénergétiques de ce conflit, notamment une flambée des prix du pétrole et les menaces croissantes pesant sur les routes maritimes stratégiques.
Pour lui, cette situation annonce des configurations inédites des marchés pétroliers et gaziers, avec un impact majeur sur l’économie mondiale. «Tous les paramètres d’un puissant enchaînement chaotique sont en place au Moyen-Orient. La façade arabe du golfe arabo-persique représente à elle seule une capacité de raffinage de 4,7 millions de barils par jour. C’est la capacité de production combinée de tous ces pays», a-t-il alerté dans une déclaration à la radio nationale « Chaîne III ».
Les tensions géopolitiques se traduisent déjà par une flambée des prix du pétrole, qui a atteint 90 dollars le baril. Mais selon Mourad Preur, ce n’est peut-être qu’un début. «Si la situation s’envenime, rien n’empêche que le baril grimpe jusqu’à 200 dollars», affirme-t-il.
Et d’ajouter : «Nous avons vu en 1991, lors de la guerre du Golfe, que les marchés peuvent s’effondrer ou exploser sous la pression des États. Aujourd’hui encore, ils réagissent de manière psychologique, et souvent sous contrainte politique».
Les infrastructures pétrolières les plus vitales de la planète sont désormais en ligne de mire. Mourad Preure cite les champs de Ghawar (Arabie saoudite), Burgan (Koweït), et surtout le détroit d’Hormuz, par lequel transitent 20 % du pétrole mondial, soit 20 millions de barils par jour.
«Si l’Iran estime que sa survie est menacée, il n’hésitera pas à fermer le détroit d’Hormuz. Et là, c’est toute l’Asie qui sera privée d’approvisionnement. Sans compter Bab-el-Mandeb, à l’entrée de la mer Rouge, tenu par les Houthis, et qui constitue un autre point de fragilité», a averti Mourad Preur.
Une onde de choc sur les marchés du gaz
Ainsi le conflit n’épargne pas non plus le gaz, notamment à travers le champ géant South Pars, que l’Iran partage avec le Qatar. Si les tensions persistent, le Qatar pourrait être contraint de réduire ses exportations, affectant directement l’Asie et l’Europe, qui comptent sur le GNL pour leur sécurité énergétique.
«Le marché gazier est encore plus fragile que le marché pétrolier. Une seule attaque sur une unité de liquéfaction, et c’est tout un continent qui est plongé dans la crise», prévient l’expert.
Il ajoute : «L’Europe n’a pas rempli ses stocks, et lorsque les prix montent, le coût du stockage devient prohibitif.»
Preur a estimé que le monde est entré dans les prémices d’une crise multidimensionnelle, dont l’origine est énergétique, mais aux répercussions inflationnistes généralisées sur l’ensemble de l’économie mondiale.
Selon l’intervenant, un basculement géoéconomique est en cours. «Le monde entre dans une nouvelle ère, dont le centre de gravité économique se déplace vers l’Asie. L’Europe est affaiblie. Les États-Unis, en crise interne, cherchent à ralentir ce basculement, mais leur marge de manœuvre se réduit», a-t-il expliqué.
Il a également souligné que la transition énergétique, à elle seule, ne suffira pas à répondre à la demande mondiale croissante en énergie. «Donc le pétrole et le gaz resteront dominants jusqu’en 2050. C’est désormais un consensus. Et ceux qui contrôleront ces ressources contrôleront les équilibres futurs», a-t-il dit.
Une opportunité stratégique pour l’Algérie
Pour l’Algérie, cette crise représente à la fois un risque géopolitique et une opportunité stratégique. Mourad Preur insiste : l’Algérie doit adopter une posture offensive sur les marchés mondiaux. «Une crise, selon la posture qu’on adopte, peut être une menace ou une chance. Si on reste dans un coin du ring, on encaisse. Si on est au centre, on frappe», a-t-il lancé.
Avec la hausse des prix, les exportations algériennes peuvent bondir, mais il faut, selon lui, aller plus loin. Certaines entreprises européennes, fragilisées par la crise, représentent des opportunités d’investissement. «C’est le moment d’entrer dans leur capital, de nouer des partenariats solides», affirme-t-il.
Il évoque en particulier la France et l’Allemagne, où des prises de participation stratégiques dans des groupes industriels en difficulté, notamment dans le BTP, le ferroviaire ou les énergies renouvelables, pourraient être envisagées en échange d’un accès au marché algérien.
«L’Algérie dispose d’une monnaie rare aujourd’hui : une demande énergétique croissante. Elle doit s’en servir intelligemment pour négocier des positions solides à l’international», souligne-t-il.
Face à une crise sans précédent, l’Algérie dispose d’atouts majeurs : richesse énergétique, stabilité relative et position géostratégique. Mais, comme le martèle Mourad Preure, ces atouts ne suffisent pas. Ils doivent être activés par une stratégie offensive, intelligente et visionnaire, pour permettre à l’Algérie de peser dans la recomposition des équilibres mondiaux.
A.R.
