La crise actuelle en Europe de l‘Est, n‘influera nullement sur les approvisionnements en blé, a rassuré, hier, le ministre l’Agriculture et du développement rural, Mohamed Abdelhafid Henni, précisant néanmoins que, s‘agissant de la tension sur la pomme de terre, le système Syrpalac a montré ses limités et qu’il y a lieu de trouver urgemment des solutions définitives.
Par Réda Hadi
Pour ce qui concerne le blé, l’Algérie a pris ses devants et reçu l’assurance de ses fournisseurs que les quantités commandées seront bel et bien livrées, a affirmé le ministre sur les ondes de la radio nationale. «L‘objectif a affirmé le ministre, est d’assurer la sécurité alimentaire, conformément aux instructions du président de la République. L’Algérie a pris ses dispositions et a anticipé ses achats des céréales pour constituer des stocks de sécurité». Des stocks qui seront réapprovisionnés, au fur et à mesure, de leur utilisation.
Le ministre rassure, donc, sur la disponibilité du blé : «L’Algérie est quasiment autosuffisante et en fonction des années, nous importons des quantités d’appoint. Nous avons jusqu’à la fin de l’année 2022 pour le blé dur et jusqu’à fin août 2022 pour le blé tendre»
«Le pays dispose d’espaces de stockage suffisants dépassant les 44 millions de quintaux. Avec l’apport des capacités de stockage au niveau des minoteries et des semouleries (privées), ces capacités s’élèveront à 66 millions de quintaux»,
Le ministre, face à une demande croissante de pain blanc, a suggéré de développer la culture du blé tendre pour couvrir en partie nos besoins, et ce, d’autant plus que «nos agriculteurs maîtrisent l’itinéraire technique».
Un projets en ce sens, est d’ailleurs en cours et sera soumis au Gouvernement et au président de la République car, l’objectif, rappelle M. Henni, «c’est de produire localement pour réduire les importations».
Abordant le cas de la tension sur la pomme de terre, M. Henni a reconnu les limites du système Syrpalac, car malgré l’accompagnement administratif et financier dont bénéficient les acteurs de ce marché (primes de multiplication et de stockage), chaque année, les mois de mars et d’octobre sont des périodes de soudure difficiles, et obligent au déstockage de grandes quantités de ce légume. «Il faut trouver des solutions définitives», insiste le ministre et de préciser que «la vente directe de la pomme de terre de l’agriculteur au consommateur au prix de 60 dinars (DA) le kilogramme, sera maintenue durant le mois de Ramadhan pour éviter toute spéculation ou augmentation des prix». Cette filière sera réorganisée pour éviter les périodes de soudure (octobre et mars), durant lesquelles les prix augmentent.
Multiplication des marchés et points de vente de proximité
Pour parer à éventuelles pénuries de produits et hausses des prix , le ministre a affirmé que les efforts d’approvisionnement du marché et des points de vente, pour faire baisser les prix, seront multipliés pendant le mois de Ramadhan : «Entre 1200 et 1300 marchés de la Rahma seront approvisionnés durant le mois sacré», auxquels s’ajoutent les «quelques 160 points de vente», où le prix du kilogramme de viande ovine est fixé à 1100 DA.
La volaille sera proposée à un prix raisonnable
Pour la filière avicole, il a cité la signature d’une convention-cadre entre le Conseil national interprofessionnel de la filière avicole (CNIFA) et l’Office national des aliments du bétail (ONAB), en vue d’assurer la disponibilité des viandes blanches à des «prix raisonnables», aux alentours de 330 DA le kg. Il a affirmé également que le ministère travaille, actuellement, pour trouver une solution alternative liée aux prix élevés des produits destinés à l’alimentation des volailles (maïs et soja) sur les marchés mondiaux soulignant que l’Algérie a déjà entamé la production du maïs fourrage.
Production de semences
S’agissant de la production de semence végétales, il a déclaré que l’Algérie compte produire ses propres semences et développer cette activité sur une période de 4 années à travers la culture «in-vitro», de manière à réduire les importations et de ne plus dépendre de l’étranger. «J’ai reçu des instructions du Premier ministre pour remettre en état la banque de germes animale et végétales qui sera inaugurée le mois de mai prochain », a annoncé M. Henni.
R. H.
M Radja Ahmed Ingénieur agronome : «La spéculation tue l‘agriculture»
M. Radja Ahmed, Agronome et conultant à la FAO (Fonds des Nations Unies pour l‘agriculture et l’alimentation), estime que si que des progrès ont été faits en agriculture, souligne, néanmoins, que la spéculation reste un problème fondamental que l‘on doit régler au plus vite. Sinon, comment expliquer que la hausse de la production agricole n’ait pas eu un grand impact sur la facture alimentaire ? S’interroge-t-il.
Commentant la dernière prise de parole du Ministre de l’agriculture et du développement rural, il nous a affirmé que «les décisions vont dans le bon sens, certes, mais en amont, il reste encore à faire. Ce qui a été annoncé est loin d’être une solution définitive, mais juste une réponse donnée à un moment donné. L‘agriculture doit être reformée, à commencer par l‘abolition de la spéculation. C ‘est une question épineuse mais il faut y répondre. Pour moi, l‘agriculture ne peut être performante et subvenir à nos besoins, sans une maîtrise de la chaîne de production en amont et en aval. Elle doit être débarrassée de tout parasitage. Il y a des données incontournables pour réussir. A titre d ‘exemple, ce ministère n’a jamais mis en place un système fiable de collecte de statistiques agricoles. Il ne procède pas, comme cela se fait dans les pays développés et d’autres pays voisins, à des enquêtes régulières par échantillonnage et scientifiquement fiables (dont personne ne pourrait raisonnablement contester les méthodes), pour estimer les productions agricoles et les autres grandeurs de notre agriculture, telles que les superficies, les rendements, les équipements, les différents types de cheptel, l’emploi, les salaires agricoles»
M. Radja, pour conclure, dit : «Il est certain que l’Algérie n’a pas les potentialités pour arriver à l’autosatisfaction sur le plan alimentaire. L’Algérie sera toujours un pays structurellement déficitaire dans certains produits agricoles. Mais elle a encore des marges devant elle qui sont relativement importantes, que ce soit pour les maraîchages, les céréales, le lait ou la viande. Nous avons des rendements faibles de la pomme de terre ou des céréales, comparativement aux pays voisins et à des pays qui ressemblent climatiquement au nôtre».
Propos recueillis par R. H.