Les États, en tant que régulateurs de l’activité économique, sont les premiers responsables de la chaîne alimentaire. Ce n’est pas tant la réglementation qui fait défaut dans la liste des scandales alimentaires que la traçabilité des produits consommés (rupture du point de vigilance).
C’est, à l’évidence, cette absence de vigilance qui a amené tous ces scandales à s’accomplir. Oui mais voilà, les conséquences de l’irresponsabilité des États sont énormes. Elles sont sociales et économiques, elles sont surtout sanitaires et humaines.
En réalité, les États peinent à imposer des mesures de contrôle et de surveillance, un système d’information et de communication fiable et pertinent. Il y a, là, tous les ingrédients d’une gouvernance altérée.
Pourtant, les institutions internationales, gouvernementales et non gouvernementales, auxquelles appartiennent ces États, collaborent et participent aux travaux de l’organisation internationale de normalisation (ISO). Celle-ci a pour principale mission d’élaborer des normes universelles qui permettent, par la traçabilité, de «suivre le trajet d’un aliment à travers des étapes précises de production, de traitement et de distribution de denrées alimentaires». Il suffit d’appliquer leurs recommandations.
Responsabilité, transparence, information et État de droit
Précisément, la notion de bonne gouvernance, développée par la Banque mondiale, repose sur la responsabilité, la transparence, l’information et l’État de droit. Elle est large. Elle s’adresse à tous les acteurs de la chaîne de la bonne gouvernance: aux citoyens, aux institutions publiques, aux agents économiques, et à tous ceux qui détiennent une autorité économique, politique, sociale et qui sont censés l’exercer dans l’intérêt de la communauté, dans l’intérêt général et public.
Un règlement européen recommande, à juste titre, de fournir aux consommateurs des informations fiables visant l’éducation nutritionnelle du public et le choix des denrées alimentaires en toute connaissance de cause (archives parlement européen).
Il est intéressant, pour ce faire, de citer la définition de la responsabilité sociétale par la commission européenne: «intégration volontaire par les entreprises de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et leurs relations avec leurs parties prenantes» (archives commission européenne).
On est loin du respect de cette définition, pour des entreprises irrespectueuses de l’environnement et des bienfaits du globe.
De même, la responsabilité sociale et sociétale des entreprises est apparue au grand jour. Elle est liée à des concepts nouveaux, introduits par des associations soucieuses de la protection de la santé des citoyens, de leur bonheur et de leur épanouissement. Ils ont pour nom: environnement, écologie, développement durable.
Toutes ces recommandations ont un dénominateur commun: information et communication.
Peu importe qu’il y ait du chien, du chat ou de la larve de crocodile dans la nourriture qu’on consomme, l’important c’est de le savoir et d’ingurgiter son aliment en toute conscience.
Les bizarreries alimentaires varient d’une contrée à une autre. Dans certains pays, la consommation d’insectes et autres bestioles sont recherchées et appréciées par les fines bouches. Il ne s’agit pas ici, «de tremper son camembert dans son chocolat chaud ou de mettre du poivre dans son café». Non, il s’agit «d’abominations gastronomiques dégoûtantes, repoussantes et répugnantes», diront certains.
En vérité, la consommation de tout aliment, aussi bizarre soit-il, n’est ni condamnable, ni répréhensible en soi, dès lors qu’elle fait partie de la culture, de la tradition et des habitudes culinaires de ces pays.
Tromperie et tricherie
Ce dont il s’agit dans notre réflexion, c’est de tromperie et de tricherie sur la composition des substances utilisées dans la fabrication de denrées alimentaires (cheval à la place du bœuf, porc à la place de la volaille…).
Ici, toutes les populations sont concernées et l’étendue de leur conviction vaste: manger du chien ou du chat en Asie est permis. Ailleurs, eu égard à la valeur affective qui nous rattache à ces animaux, leur consommation est prohibée. Tout dépend du contexte et de «l’histoire culinaire» de ces populations: culture et traditions y sont mêlées. En Inde, outre le fait qu’elle soit considérée comme une mère nourricière, la vache est associée à différentes divinités et selon la tradition, «des millions de dieux vivent dans son corps». D’où la sacralité du bovin indien.
En effet, les tabous alimentaires sont nombreux et diversifiés. Ils sont sanitaires, ils sont cultuels et culturels, ils sont moraux et psychologiques, bref les consommateurs trouvent dans la liste de ces tabous l’ancrage de leur action ou de leur inaction (consommer ou s’abstenir de consommer avec discernement).
Face à des comportements déviants, il est plus que nécessaire de renforcer les contrôles sanito-alimentaires et de sanctionner lourdement les entreprises défaillantes: c’est le rôle de l’État dépositaire de l’autorité publique, garant de la sécurité et de la santé du consommateur et «guerrier du droit», pourrait-on dire.
Ainsi, en France, par exemple, dans l’affaire du lait infantile lactalis (plusieurs nourrissons ont été atteint de salmonellose), la commission d’enquête parlementaire, qui a été mise en place, a clairement mis en exergue la responsabilité des industriels et par-delà celle de l’État. Selon le président de cette commission Christian Hutin, il est important de « contrôler les contrôleurs (……….)» et assurer l’indépendance de ces derniers (documents du parlement français). Il y a à l’évidence un conflit d’intérêt, lorsque c’est l’entreprise défaillante qui s’autocontrôle. L’éthique n’est pas au rendez-vous, pour des industriels coupables à tout le moins de négligence. Il ya lieu de relever que le lait infantile «Lactalis», contaminé par la bactérie salmonelle, a été importé par l’Algérie et déclaré impropre à la consommation. Une opération d’incinération a, dès lors, été entreprise par le groupe GICA (groupe industriel des ciments d’Algérie), en collaboration avec la direction de l’environnement de la Wilaya de Sétif (source APS 2017).
Mercenaires de la malbouffe, purifiez vos âmes
Il est, donc, du devoir, de tout un chacun, de protéger la planète des prédateurs de l’argent facile. Ceux- là même qui exposent la vie des citoyens à tous les dangers, pour assouvir leur désir. Ils font partie de la race des «saigneurs». N’est pas seigneur qui veut, affirmons-nous.
Vous, les mercenaires de la malbouffe, purifiez vos âmes. Ne soyez pas heureux du malheur des autres. N’anticipez pas leur extinction par vos actes irresponsables, pour gagner toujours plus et satisfaire votre égo. Vous n’êtes pas éternels. Apaisez votre conscience et prenez rendez-vous avec la mort. L’histoire, sans être convoquée, ne saurait pardonner aux oublieux du sort et du destin de l’humanité et qui construisent leur bonheur sur le dos d’autrui.
Les États se doivent de judiciariser avec fermeté et détermination ces comportements immoraux, empreints de cupidité et de malveillance : consacrer et sanctifier la force de la loi sur la loi de la force, tel devrait être le crédo de l’engagement de l’État envers des consommateurs, tout à la fois abusés et désabusés.
Lies HAMIDI
Docteur en droit