La réaction de la société civile a permis de mettre en avant la responsabilité sociale des entreprises, suite aux scandales alimentaires et au viol permanent de notre écosystème.
La RSE (responsabilité sociale des entreprises) est un concept qui prend en compte les préoccupations sociales, économiques et environnementales. Il s’agit pour l’entreprise, d’intégrer le contexte national et international dans son développement et sa croissance, selon le slogan de René Dubos: «penser global, agir local».
On est dans la mondialisation qui suppose des échanges, des liens d’interdépendance économique et une libre circulation des biens et des services. L’air que nous respirons n’a pas de frontière: la responsabilité et l’engagement sont planétaires.
La RSE s’est traduite par la mise en place de la norme 26000, un outil de progrès et d’ascension sociétale au service des entreprises. La RSE est guidée par 7 questions centrales:
– L’environnement,
– Les bonnes pratiques des affaires,
– Les relations et conditions de travail,
– Les droits de l’homme,
– La gouvernance de l’organisation,
– L’engagement sociétal,
– Les questions relatives aux consommateurs.
Cette dernière question est fondamentale dans notre réflexion, car elle met en jeu la santé des citoyens, notamment avec tous les scandales sanitaires et alimentaires.
Toutes les organisations sont concernées par cette norme (syndicats, associations, collectivités territoriales, entreprises, …etc.)
Voilà ce que dit Jacques Huybrechts dirigeant d’entreprise et fondateur d’entrepreneurs d’avenir, dans une préface, à propos de la norme 26000, que nous estimons d’une grande pertinence.
La norme «est un moteur à réaction pour l’entreprise et son écosystème. C’est une âme, un cœur et l’énergie vitale nécessaires à l’entreprise moderne. L’entreprise est plus que jamais confrontée à la désincarnation, résultats de phénomènes conjugués de dénaturalisation, délocalisation, dématérialisation et financiarisation. Ce processus de perte identitaire est la conséquence de l’évolution d’un capitalisme de flux mondialisés à la recherche de productivité et de rentabilité à tous crins. L’ISO 26000 peut être un rempart et un contre modèle à cette triste et funèbre évolution (…)». Et nous ajouterons, une piste de départ vers un nouveau modèle de gouvernance, une mondialisation à visage humain.
Comment faire pour sortir de la logique du profit au détriment de la santé du consommateur ?
La société civile a un rôle crucial à jouer. Avec l’insécurité alimentaire, elle doit se prendre en main et faire face au pouvoir de l’argent. Aussi, elle tente de s’organiser en recréant les liens sociaux et en aspirant à une vie meilleure, différente de celle proposée par les maîtres du profit maximum.
Lors du 37ème comité pour la sécurité alimentaire mondiale, plusieurs activistes représentant différents mouvements sociaux (peuples solidaires, Attac, Artisans du Monde…), ont remis au ministre français de l’agriculture 31539 signatures, recueillies dans le cadre de la pétition « ne jouez pas avec notre nourriture », symbolisées par 31539 grains de blé.
Quelle belle image, quelle belle métaphore. C’est toute une rhétorique. De tout temps, la gerbe de blé a symbolisé le bonheur et la prospérité.
Aujourd’hui, le blé, symbole de pureté et d’allégresse, peut se transformer en malheur, en catastrophe humanitaire, par les manipulations génétiques de l’homme. Après le soja et le mais, modifiés génétiquement, l’Argentine devient le premier pays à produire et commercialiser le blé transgénique, résistant aux maladies et à la sécheresse.
Présentement, tous les secteurs de l’activité économique sont touchés par les scandales alimentaires : poulet à la dioxine, lait à la mélamine et au nitrite (engrais utilisé dans l’agriculture), lasagnes à la viande de cheval, bœuf aux hormones, petits pains à la teinture chimique, faux beurre, vin au vinaigre. Même les produits dits naturels, fruits, légumes ou céréales, n’y échappent pas: tomates, concombres, carottes, choux au formol. La liste est longue et les scandales nombreux.
Plus inquiétant, selon des spécialistes, des molécules de synthèse sont commercialisées, en très grand nombre dans le monde, particulièrement dans l’alimentaire (fruits, légumes, thé, café, boissons…).Certaines études sont terrifiantes. Elles suggèrent que notre alimentation est peut être la cause de certaines maladies comme Alzheimer ou Parkinson. La journaliste Marie- Monique Robin nous apprend, ça donne froid dans le dos, que nos hormones et notre système reproducteur sont bouleversés: les perturbateurs endocriniens, terme désignant des agents chimiques (qui se trouvent dans la nutrition et les emballages entre autres), sont susceptibles de nuire à la santé. Ils peuvent conduire à des altérations organiques telles que la croissance, le comportement ou encore la fonction sexuelle et génitrice.
Les partisans du tout économique mettent en péril tout ce qui entoure la vie humaine : eau, atmosphère, végétaux, air….Notre planète terre est menacée. Le bras de fer qui oppose pouvoir politique et pouvoir économique semble à l’avantage du second. C’est d’autant plus regrettable que plusieurs études scientifiques établissent un lien entre l’alimentation et les répercussions désastreuses sur l’environnement. « À titre d’exemple, les émissions de gaz à effet de serre qui découlent de la production d’un kilogramme de bœuf peuvent représenter jusqu’à 140 fois celles d’un kilogramme de légumineuses ! » (Olivier Boiral, Laurence Guillaumie et Patrick Provost : quotidien d’information, le Devoir, 25 octobre 2019).
D’aucuns recommandent de changer nos habitudes alimentaires en diversifiant les apports protéiques et en réduisant la consommation des trois blancs (sel, sucre, gras): «les trois poisons de l’extinction humaine», oserons-nous dire !
Il ne faut surtout pas compter sur les intervenants de l’industrie agro-alimentaire, pour une consommation alimentaire saine et sans conséquences sur la santé: la rentabilité constitue l’outil premier dans l’acte de vente. Les mercenaires de la malbouffe laisseront les consommateurs «creuser leurs tombes avec leurs dents». Pourvu que ce ne soit pas les leurs. Ils les préféreront même sans dents, pour mieux ingurgiter leurs produits douteux, aux multiples colorants : des additifs chimiques aux noms barbares, nuisibles à la quiétude et au bien-être du consommateur (glutamate de sodium, nitrate de sodium, acides gras trans, benzoate de sodium). Tous ces ingrédients, signalés sur des étiquettes par des codes indéchiffrables (E 100 à E 199 pour les colorants artificiels), peuvent agir sur notre métabolisme et favoriser certaines maladies: diabète, cancers colorectaux, complications cardio-vasculaires, etc.
Faut-il, pour mettre fin aux agissements criminels de ces vendeurs de mort, à ceux qui veulent nous imposer un modèle d’alimentation sans valeur nutritionnelle, déclencher une «grève alimentaire ciblée»: se nourrir de protéines végétales et s’abstenir de consommer les aliments transformés. Ces aliments que les lobbys de l’industrie agro-alimentaire vantent à coup de milliards, à travers des publicités mensongères. Ces dernières polluent le paysage médiatique et distillent de fausses informations sur la composition des produits transformés, de nature à induire le consommateur en erreur.
Devant les comportements fautifs et irresponsables des lobbyistes, révélateurs d’un sentiment d’avidité profonde, même les 14 dieux grecs réunis ne sauraient puiser leur force dans le pardon. «Le pardon couronne la grandeur», pas la cupidité.
Au total, il est temps de sortir notre citoyenneté de son état léthargique et «affronter» les lobbys de la «nourriture colorée», aux moyens financiers colossaux, mais sans noblesse d’âme et sans épaisseur humaine.
Lies HAMIDI
Docteur en droit