Careem Algérie, une plateforme de réservation de voiture de transport avec chauffeur (VTC), est présente en Algérie depuis octobre 2019. Elle a été stoppée dans son élan par Coronavirus. La baisse des indices de cette pandémie et la confiance induisant la reprise économico-sociale, ont motivé Careem Algérie à revenir à la scène, qu’il n’a, en vérité, jamais quitté. C’est dans cet esprit que la directrice générale Careem Algérie, Lamia Rouaz, qui répondait dans cet entretien aux question de notre partenaires DZ-Charikati, revient sur l’ambition de l’entreprise qu’elle dirige.
Pouvez-vous nous retracer l’historique de Careem ?
Careem a vu le jour il y a 8 ans, à Dubai, aux Emirats arabes unies (EAU). Ses fondateurs sont : le pakistanais, Mudaissir Sheikha, et le suédois, Magnus Olson. Depuis, elle est implantée dans 13 pays de la région MENA (Moyen Orient et Nord de l’Afrique). La plateforme de réservation de VTC, a été mise en ligne dans le but de faciliter la vie des citoyens, qui souffrent notamment de manque, voire d’absence de moyens de transports.
Comment se porte Careem, surtout depuis cette trêve due au Covid-19 ?
Son activité a nettement été ralentie depuis le Covid-19, ou plus du tiers (33%) du personnel, soit 560 employés, a été perdu, et 10% au niveau national (1 sur 10 employés).
Quels sont les objectifs de Careem Algérie ?
Nous voulons devenir la Supper App de la région MENA. Notre ambition est renforcée par cette distinction : l’application Careem ne comporte pas que le transport, mais aussi la livraison de vos marchandises et aliments, l’envoi du crédit entre particuliers.
Pour la livraison, l’employé-utilisateur de Careem sera chanceux de recevoir son déjeuner lorsque son boulot l’étreint et le cloisonne dans son bureau. Aussi, quand trop occupé il ne peut envoyer un objet demandé en urgence par son épouse, ses enfants ou ses proches et amis.
Quand à l’envoi du crédit, cela préfigure le futur, qu’on appelle l’e-paiement, le m-paiement, le mobile-banking, déjà en vogue dans d’autres pays. Il n’en demeure pas que la pandémie ne permet pas encore, une plus claire projection dans le futur.
Que comptez-vous apporter de plus en Algérie ?
Avant de vous répondre, un détail : Racheté par Uber Technologies, le géant mondial de VTC, Careem, demeure toutefois, une entité autonome, préservant sa marque. Ce rachat s’est traduit, en revanche, par le transfert de connaissances, dont l’expertise locale pour définir des stratégies locales pour optimiser et qualifier le service. La finalité étant pour le client est d’avoir un meilleur accès de services.
C’est ce qu’on projette de faire en Algérie, à la lumière de ce que je viens d’avancer. Faire de Careem la première application en utilisation et services applicatifs, en Algérie, d’ici 2 ans. D’autant que la typologie de l’Algérie, avec une pénétration du digital y plaide fortement. Celle-ci étant plus importante que l’Egypte, par exemple, ou nous comptons 22 millions de comptes Facebook pour 40 millions d’habitants, contre moins d’abonnés en Egypte pour 100 millions. A relever que Careem a réussi en Irak et en Palestine, pays souffrant plus que l’Algérie, de problèmes de transport, de lacunes bancaires, d’illtrécité digitale. Ce que Careem a fait ailleurs, ne pourra-t-il pas le faire ici ? Je pense que c’est faisable.
L’Algérie est aussi avantagée par une vastitude spatiale immense. Nous sommes seulement au centre de la capitale, pas encore bien couvert Zéralda, à l’ouest d’Alger, ni à Bab Ezzouar, à l’est, ou le besoin en transport est important.
La demande évolutive en matière de transport par l’Algérien, via notamment, la vastitude de l’Algérie qui dicte l’indispensabilité de la disponibilité de moyens de déplacement, mais aussi l’extension continuelle en urbanisation, traduite entre autres par l’édification périodique de nouvelles villes et cités. Ce sont là, des facteurs qui nous encouragent à davantage espérer faire quelque chose en Algérie.
Toutefois, il est du rôle de l’Etat d’investir dans l’existant en termes d’infrastructures de transport public, et partant, de permettre aux acteurs, dont Careem, via plus de liberté et d’options, pour améliorer les transports.
En Algérie, dans combien de wilayas Careem est présent ?
Nous ne sommes, comme indiqué, présents qu’au niveau de la capitale. Il faut savoir que la grandeur d’Algérie, et même d’Alger, est une chance qui renforce notre position d’aller vers l’avant. Donc, Alger-Tipaza, Alger-Boumerdes, Alger-Blida, et ce, pour ne citer que ces itinéraires, sont des trajets longs et semblables à des voyages, qui suggèrent la disponibilité de transport régulièrement.
Actuellement, vous n’avez pas de visées pour se déployer vers d’autres wilayas ?
Les objectifs d’atteinte optimale de prestation de services dans la capitale, sont le préalable à toute ambition de se déployer à travers le territoire national.
Une extension qui, justement, demeure tributaire de la demande formulée par un besoin émanant de wilayas. Cela, Careem l’a déjà prévu via des interfaces qui déterminent les pics (pick up) de la demande de transport, dans un lieu donné, à un moment indiqué. Careem est, dans ce cadre, forte de l’apport de 2 000 ingénieurs basés dans un centre de recherche en Allemagne, qui demeurent à l’affut et à la base de la technologie évolutive en matière d’applications numérique et du digital en général.
Nous avions projeté une extension vers les wilayas périphériques à la capitale, mais le Coronavirus a tout bloqué. Comme vous le savez, nous nous sommes implantés en Algérie qu’en octobre 2019, le Coronavirus est survenu en mars 2020, c’est dire la courte durée de notre activité, qui ne permettait une bonne présence à Alger.
Des délais temporels pour s’étendre… ?
Les délais sont liés à l’atteinte optimale de nos objectifs qualitatifs en termes de prestations de service. Careem Algérie peut fixer janvier comme date, mais nos responsables décident que cela demeure impossible car le service optimum n’a pas été atteint. Donc, nous allons s’y soumettre à la décision de notre hiérarchie.
Pourquoi ne pas, par exemple, installer temporairement et les brigades de captains (chauffeurs), là ou le pic de la demande est atteint, dans un lieu donné, à l’heure indiquée et dans une période déterminée ? Cela permettra à Careem de jauger de l’opportunité de s’étendre.
Careem a déjà prévu cette option, en digitalisant les Pick Up. L’avantage, ici, est que l’application n’a pas été achetée mais développée par les 2 000 ingénieurs dans notre site technique en Allemagne. Le recours également à l’intelligence artificielle (IA) a été un supplément incontournable. Nous disposons, donc, d’un système de géo-localisation pour suivre le déplacement des chauffeurs, le lieu et l’heure de la demande, les heures de pointe, la demande et la fréquentation des usagers.
Il faut aussi investir dans l’homme, en procédant à des recrutements pour renforcer votre flotte…Qu’en pensez-vous ?
A vrai dire nous n’avons pas de flotte, car ce sont les captains qui assurent cette mission, qui utilisent leur propre véhicule pour un service public, au profit d’une clientèle qui a téléchargé l’application Careem sur son téléphone mobile et en fait usage. Comme vous pourriez le relever captain est un terme valorisant, ce qui veut dire que celui qui est reconnu comme chauffeur est le capitaine de son véhicule, le maitre à bord. Il peut être un retraité qui s’occupe le matin, ou un fonctionnaire ou un étudiant, qui son exercice terminé, travaille en fin de journée pour arrondir sa fin du mois.
Y a-t-il une norme captain par population à respecter?
Le ratio nombre de captains par rapport aux habitants, devait être défini par les statistiques des transports publics. En Algérie, on en manque. A Dubai, par exemple, une cartographie des transports, intégrant tous les outils de transport dans la même application, existe. Cela a permis l’élaboration d’un ticket unique, englobant tous les moyens de transport que peut prendre l’usager d’un point A à un point B.
Careem, a justement l’expertise nécessaire pour réaliser cette cartographie, avec, bien sur, l’appui des pouvoirs publics.
L’objectif ce n’est pas de révolutionner le secteur des transports en Algérie, nous voulons seulement participer à la révolution. Et ce n’est que le début..
Mais oui vous pouvez avoir cette prétention de révolutionner le secteur…
Effectivement, nous pouvons en avoir. De prime abord, nous avons démocratisé le secteur, en ayant les tarifs les plus bas en VTC par rapport à nos concurrents. Nous sommes les seuls à avoir l’Assurance internationale, In Ride Insurance, qui fait office d’assurance durant le trajet, selon un barème d’indemnité fixé par nos soins, aussi bien au profit du captain que du client.
Cette assurance, on ne la trouve ni chez nos concurrents, ni, bien sur, chez les transporteurs publics et privés. Nous avons aussi, le NPS (Net Performer Score), un mécanisme de gestion, qui évalue aussi bien la satisfaction du captain que de celle de l’usager.
Careem Algérie offre des remises pour des itinéraires très fréquentés. Exemple, une remise est accordée aux usagers qui empruntent la route menant vers l’université des Sciences et de la Technologie Houari-Boumediène (USTHB), Bab Ezzouar.
Même si l’usager n’est pas étudiant… ?
Oui, il suffit qu’il dispose de l’application USTHB.
C’est encourageant pour les étudiants, en premier…
Effectivement. Car il faut savoir que le nerf de la guerre c’est le transport. D’ailleurs, une prise de conscience est observable ces derniers par les pouvoirs publics. Et ce, au vu des déclarations du président de la République, Abdelmadjid Tebbounce, concernant le transport aérien, de marchandises et ferroviaire.
Quels sont justement les critères de recrutement de captains ?
Le choix des captains obéit à : L’expérience en tant que conducteur, sa maitrise du volant, et aussi, à son caractère, si il est de tempérament calme, sociable et social, il sera admis. Le cas contraire, il est rejeté, et dans ce cadre, nous enregistrons beaucoup de demandes rejetées.
Nous procédons, pour cette évaluation comportementale, à un entretien psychotechnique.
La proportion des femmes ?
Pas plus de 10%, ce qui, à mes yeux, demeure faible.
Il se peut que les pesanteurs conservatrices plaident pour qu’il y ait peu de femmes dans les effectifs des captains ?
Pas forcément, car nous ne sommes pas aussi culturellement loin de l’Egypte, la Jordanie et même l’Irak et l’Arabie Saoudite, qui ont des femmes-captains !
L’état du véhicule entre-t-il en considération dans la sélection du captain ?
Pour le moment, non. Nous avons eu d’un coté, des véhicules neufs mais délabrés, et d’un autre, des véhicules anciens mais bien entretenues. La segmentation des véhicules est une option à l’étude chez Careem. Nous sommes à développer l’idée, pourquoi pas, de fixer des tarifs proportionnels à l’état et au standing du véhicule. Permettant ainsi, aux clients de payer plus pour un véhicule meilleur.
Des motivations pour captains ?
Oui bien sur, déjà le captain il dispose de 75% du montant de la course, dont 5% constituent l’impôt forfaitaire unique (IFU). Les 25% vont à Careem, dont 9% est la TVA. Ensuite, nos offrons des primes pour les endroits les plus fréquentés, à condition que le captain fasse la course dans un délai abordable. Tombola, récompenses des performances, réunions bimensuelles avec les meilleurs captains, sont autant d’initiatives qui fidélisent nos captains à toujours travailler avec Careem.
Avez-vous coordonné avec le ministère des transports et celui du numérique, sachant que vous êtes à cheval entre les deux secteurs ?
Nous avions entamé beaucoup de discussions avec les ministres du numérique et celui des transports. Il en ressort un bon vouloir d’améliorer ces deux secteurs. Il n’en demeure pas également, que le e-payement, l’amélioration du système bancaire, dont la Société d’automatisation des transactions interbancaires et de monétique (Satim), sont autant de chantiers qu’il faut mettre en œuvre afin d’atteindre le secteur.
Il faut aussi que le captain dispose d’un statut. Je pense au statut d’auto-entrepreneur, statut simple couvert par la Caisse national de sécurité sociale des non-salariés (Casnos) et la Caisse nationale des travailleurs salariés (Cnas). Il suffit, à notre humble avis, que les instances compétentes se réunissent autour d’une table et tranchent pour ce statut.
L’essor des transports est lié aussi à d’autres facteurs, notamment l’état des routes.
Il est encore prématuré de parler de l’après-Covid-19, mais il y aura, à mes yeux, l’après-baisse Covid-19 ou l’après-leçon Covid-19, comment s’y prépare Careem ?
En vérité, bien avant le Coronavirus, nous accordions à l’hygiène des véhicules un intérêt primordial. Nous recourrions même aux customers check, client mystérieux, pour constater le non-respect des règles hygiéniques par les captains. Un client mystérieux, dépêché par nos soins, et qui ne laisse rien apparaitre, commande un véhicule et vérifie si le captain s’est bien conformé au strict respect des dites-règles. La Covid-19 n’a fait que consolider notre approche en matière de santé, Careem ayant été durant cette pandémie, un adepte du protocole de santé dicté par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Outre l’hygiène, Careem est très à cheval sur la sécurité. Un volet, qui comprend quelques ingrédients. Nous citerons ”Security kit, le nom du chauffeur”, ”le centre d’appels”, ”Share my Ride ou je partage ma course”. Ce dernier élément cité permet à un usager de suivre l’itinéraire de son enfant qu’il a envoyé à bord d’un véhicule Careem, craignant pour lui un risque de kidnapping.
Concluons par la Responsabilité sociale des entreprises (RSE) de Careem Algérie. Qu’en est-il ?
En Algérie, la courte durée depuis notre installation ne nous pas encore permis une action solidaire, mais ça va venir. En revanche, à l’échelle internationale, Careem a notamment participé à la campagne de solidarité avec le Liban, pour le drame de l’explosion ayant touché, en 2020, le port de Beyrouth, la capitale.
Entretien réalisé par Zohir Zaid (DZ-Charikati)
Bio express de Lamia Rouaz
Lamia Rouaz, native de Cherchel, wilaya de Tipaza (Algérieà, à 42 ans, mariée, 2 enfants. Elle est détentrice de Magistère de l’Ecole supérieure de Commerce (ESC) d’Alger, et Exécutif MBA (Master of Business Administration) de l’Ecole des hautes études commerciales (EDHEC) de Lille. Intégrant la carrière professionnelle par le poste d’enseignante à l’ESC, Lamia Rouaz passera ensuite 15 ans de sa vie à Djezzy, depuis que cet opérateur téléphonique était baptisé Orascom Télécom Algérie (OTA). Elle y a assisté et surtout participé à l’évolution de l’entreprise depuis l’élaboration du logo, du design, ainsi que des techniques 2G, 3G et 4G.
Au sein de Djezzy, Lamia Rouaz a été tour à tour, cadre chargé de la Fidélité, ensuite chargé de Développement de Produits, Manager, directeur Marketing et, enfin, directeur général adjoint (DGA) chargé du Marketing, de la Planification stratégique et du Commercial. Ensuite, Lamia Rouaz est directrice générale pour l’Algérie à Red Bull, l’entreprise autrichienne spécialisée dans la production et la commercialisation des boissons énergisantes.
A propos de Careem
Careem est société de VTC, fondée en 2012, par Mudassir Sheikha, originaire du Pakistan, et Magnus Olsson de Suède. Depuis 2019, c’est une filiale du géant mondial Uber Technologies. Elle est implantée à Dubai, aux Emirats arabes unies (EAU). Actuellement, Careem est présente dans 100 villes de 13 pays, en Afrique, au Moyen Orient et en Asie du Sud. Les pays sont : EAU, Pakistan, Liban, Maroc, Qatar, Irak, Bahrein, Koweit, Egypte, Arabie Saoudite, Maroc, Palestine (2018), l’Algérie (2019).
Careem compte 1.5 millions auto-employés (captains), 1 million de courses par jour, 400 millions de clients. Elle se targue d’un chiffre d’affaires de 3.1 billion (mille milliards) de dollars.
Careem a réussi quelques actions collaboratives entre le public et le privé, dont la gestion des taxis à Dubai, le transport des pèlerins entre Djeddah et La Mecque et la demande des pompiers sur l’application Careem au Pakistan.
En Algérie, Careem peut succinctement améliorer le service public, rentabiliser le véhicule, assurer le remboursement en cas de prêt ANSEJ (Agence nationale de soutien à l’emploi de jeunes), contrôler la vitesse et réduire la mortalité. Aussi, développer le VTC pour le transport scolaire, sécuriser les lignes au profit des plus nécessiteux, une présence dans les zones rurales et enclavées. Sur le plan profondément numérique, Careem peut digitaliser le pick up (heure de pointe) et drop off (aire de débarquement), contrôler les voyageurs (électronique sign ups).