Le Centre international d’information sur le gaz naturel, Cedigaz, évalue les réserves prouvées mondiales de gaz naturel à 205 507 milliards de mètres cubes au 31 décembre 2022.
Par Abderrahmane Mebtoul
La structuration du Mix énergétique mondial au 01 janvier 2023 est composée du pétrole 32%, du gaz naturel 24%, du charbon 27%, du nucléaire 3%, du renouvelable, y compris l’énergie hydraulique 14%.
Cette structure est appelée à évoluer entre 2030/2040/2050, avec une croissance du gaz qui représenterait plus de 30%, le pétrole 25% , le nucléaire 10% , l’hydraulique et, les énergies renouvelables dans toute leurs composantes, y compris l’hydrogène vert et bleu 35%, et entre 2035/2040/2050, environ 60 à 65% de la consommation mondiale d’énergie sera constituée de la combinaison du gaz naturel, des énergies renouvelables l’Énergie hydraulique., l’Énergie éolienne, l’Énergie solaire, la Biomasse , la Géothermie et le développement de l’hydrogène vert et bleu.
Quelle sera la place du gaz de schiste décarboné au sein de la structure du gaz dans le cadre de la transition énergétique ? Celle-ci pouvant être une opportunité, les Etats Unis d’Amérique en 2023 étant devenus le premier producteur mondial grâce à cette ressource, mais devant évaluer les risques où selon l’Agence américaine de l’Énergie, les réserves rentables au cours du prix actuel dans le monde du gaz de schiste seraient d’environ 207 billions de mètres cubes.
Des réserves réparties comme suit : la Chine 32, l’Argentine 23, l’Algérie 20, les USA 19, le Canada 16, le Mexique 15, l’Australie 12, l’Afrique du Sud 11, la Russie 8 et le Brésil 7 billions de mètres cubes où pour l’Afrique, d’autres pays, comme la Libye, le Maroc, l’Egypte, la Tunisie, le Soudan et le Botswana possèdent des réserves non négligeables mais les études de faisabilité sont toujours à un stade embryonnaire.
1.-Neuf précisions sur le gaz de schiste s’imposent
Premièrement, la fracturation est obtenue par l’injection d’eau à haute pression (environ 300 bars à 2500/3000 mètres) contenant des additifs afin de rendre plus efficace la fracturation dont du sable de granulométrie adaptée, des biocides, des lubrifiants et des détergents afin d’augmenter la désorption du gaz.
Deuxièmement, la rentabilité du gaz de schiste implique de la comparer à la structure des prix actuels au niveau international, prix très volatil ayant fluctué entre janvier 2023 et février 2024 entre 28 et 50 dollars le mégawattheure expliquant pour l’instant la préférence des contrats à moyen et long terme, ne pouvant pas parler d’un marché de gaz comme celui du pétrole, (marché segmenté géographiquement) les canalisations représentant en 2023 environ 65% de la commercialisation, mondiale, le GNL donnant plus d’autonomie dont le prix est supérieur de 2 à 3 dollars supé- rieur au GN allant vers 50% horizon 2030.
Tenant compte du cout du transport, devant contourner toute la corniche de l’Afrique pour arriver à l’Asie (l’Iran, le Qatar et la Russie ayant un avantage comparatif, le marché concurrentiel pour l’Algérie étant l’Europe et l’Afrique.
Troisièmement Il faut savoir d’abord que le gaz de schiste est concurrencé par d’autres énergies substituables et que les normes internationales donnent un coefficient de récupération moyen de 15/20% et exceptionnellement 30%, pouvant découvrir des milliers de gisements mais non rentables financièrement, les réserves se calculent selon le couple prix international des énergies et coût.
Quatrièmement Il faut perforer des centaines de puits pour avoir 1 à 2 milliards de mètres cubes gazeux par an, plus de 1000 puits pour dépasser plusieurs dizaines de milliards de mètres cubes gazeux, chaque puit ayant un volume de production spécifique
Cinquièmement : La durée de vie d’un puit ne dépasse pas cinq années, devant se déplacer vers d’autres sites assistant à un perforage sur un espace déterminé comme un morceau de gruyère.
Sixièmement : Pour s’aligner sur le prix de cession actuel, devant tenir compte de la profondeur pour la technique traditionnelle de la fracturation hydraulique (le coût n’est pas le même pour 600 mètres ou 2000/3000 mètres supposant le bétonnage), le coût du forage du gaz non conventionnel d’un puits devrait être moins de 5/7 millions de dollars pour être rentable, alors que selon les experts il donnerait dans la situation actuelle 18/20 millions de dollars par puits
Septièmement : L’exploitation de ce gaz implique de prendre en compte que cela nécessite une forte consommation d’eau douce, et en cas d’eau saumâtre, il faut des unités de dessalement extrêmement coûteuses, autant que les techniques de recyclage de l’eau.
Huitièmement : Prévoir les effets nocifs sur l’environnement, (émission de gaz à effet de serre), la fracturation des roches pouvant conduire à un dés- équilibre spatial et écologique. Et en cas de non maîtrise technologique, elle peut infecter les nappes phréatiques au Sud, l’eau devenant impropre à la consommation avec des risques de maladies comme le cancer.
Neuvièmement : Peu de pays dont les USA maîtrisent, encore imparfaitement, cette technologie de fracturation hydraulique.
Un co-partenariat incluant des clauses restrictives avec d’importantes pénalités en cas de non-respect de l’environnement et la formation des Algériens pour tout opérateur étranger.(pour l’Algérie le dossier que j’ai eu l’honneur de diriger entre 2014/2015 est de retour dans l’actualité, réalisé sous la direction du professeur Abderrahmane Mebtoul assisté des cadres du Ministère de l’Energie, de Sonatrach et d’experts indépendants: gaz de schiste opportunités et risques 8 volumes 980 pages 2015 Premier Ministère )
2- Des techniques en cours protégeant l’environnement et économisant l’eau et les produits chimiques
Aujourd’hui, pour récupérer le gaz de schiste, la technique utilisée est la fracturation hydraulique, consistant à injecter un fluide consistant d’environ 90% d’eau, 8 à 9,5% de «propane» (sable ou billes de céramique) et 0,5 à 2% d’additifs chimiques – sous très haute pression.
Au niveau tant de la communauté scientifique que des opérateurs, l’objectif premier est d’améliorer la fracturation hydraulique. Les recherches s’orientant sur la réduction de la consommation d’eau, le traitement des eaux de surface, l’empreinte au sol, ainsi que la gestion des risques sismiques induits.
Concernant le problème de l’eau qui constitue l’enjeu géostratégique fondamental du XXIème siècle (l’or bleu), selon les experts, trois types de fluides peuvent être utilisés à la place de l’eau : le gaz de pétrole liquéfié (GPL), essentiellement du propane, les mousses (foams) d’azote (N2) ou de dioxyde de carbone (CO2) et l’azote ou le dioxyde de carbone liquides.
L’utilisation des gaz liquides permet de se passer complètement ou en grande partie d’eau et d’additifs. Pour les mousses, par exemple la réduction est de 80 % du volume d’eau nécessaire étant gélifiées à l’aide de dérivés de la gomme de Guar.
Ainsi sans être exhaustif, du fait de larges mouvements écologiques à travers le monde, des alternatives à la fracturation hydraulique sont encore à un stade expérimental et demandent à être plus largement testées, l’objectif étant de minimiser l’impact environnemental de la fracturation hydraulique tant pour les volumes traités que pour la qualité des eaux et de diminuer significativement la consommation d’eau et/ou d’augmenter la production de gaz.
La fracturation au gel de propane est en cours d’utilisation sur environ 400 puits au Canada et aux États-Unis (plus de 1.000 fracturations déjà effectuées). L’eau pourrait aussi être remplacée par du propane pur (non-inflammable), ce qui permettrait d’éliminer l’utilisation de produits chimiques. Les premiers puits utilisant cette méthode ont été fracturés avec succès en décembre 2012 aux États-Unis.
Nous avons la fracturation exothermique non-hydraulique (ou fracturation sèche) qui injecte de l’hélium liquide, des oxydes de métaux et des pierres ponce dans le puits, la fracturation à gaz pur peu nocive pour l’environnement surtout utilisée dans des formations de roche qui sont sensibles à l’eau à maximum 1500 m de profondeur ; la fracturation pneumatique qui injecte de l’air comprimé dans la roche mère pour la désintégrer par ondes de chocs, n’utilisant pas d’eau, remplacée par l’air mais utilisant certains produits chimiques en nombre restreints ; enfin la stimulation par arc électrique (ou la fracturation hydroélectrique) qui libère le gaz en provoquant des microfissures dans la roche par ondes acoustiques, utilisant selon les experts pas ou très peu d’ eau, ni proppants ou produits chimiques, mais nécessitant beaucoup d’électricité.
Selon certains experts, à l’horizon 2025/2030/2035, outre les différentes sources d’énergies renouvelables combinant l’Énergie hydraulique, l’’Énergie éolienne, l’Énergie solaire., la Biomasse et la géothermie, l’hydrogène vert, bleu et blanc devant faire des calculs de couts par comparaison, est une piste sérieuse enrichissant le « mix » ou le bouquet énergétique mondial pourrait aussi permettre de produire directement de l’énergie tout en protégeant l’environnement.
En conclusion, l’on devra laisser pour exposer les arguments, pour ou contre , aux experts de l’énergie et non aux généralistes qui ne connaissent pas ce dossier complexe et en associant la société civile dont les association chargées de la protection de l’environnement face aux impacts du réchauffement climatique et en dernier lieu seul le conseil national de l’Energie sous la haute autorité du président de la république est habilité à trancher sur ce dossier sensible.
(*) Sous réserve d’un dialogue social et des techniques nouvelles pour la protection de l’environnement