Si l’agriculture traditionnelle a peiné à se redresser et à remplir les fonctions que l’on attend d’elle, les premiers signes d’une amélioration sont constatés. Reste que ce type d’agriculture ne progresse pas au sens attendu par l’évolution des mentalités que l’on observe au niveau mondial. De par certains facteurs exogènes, l’agriculture dite traditionnelle sera remplacée progressivement par une autre dite Bio. Si ce nouveau type d’agriculture peine a émerger, il n ‘en demeure pas moins, que tous les spécialistes s’accordent à dire que sa place se fera tôt ou tard chez nous.
Par Akram R
Si la courbe de progression pour l’agriculture bio en Algérie n’est que difficilement ascendante, il n’en demeure pas moins que les potentialités sont fortes et ne peuvent que progresser.
En effet, l’agriculture biologique (organique) en Algérie est un domaine prometteur au vu des capacités disponibles, selon les spécialistes qui appellent au développement de ce type de production agricole, à travers le renforcement de la sensibilisation quant à son importance pour l’environnement et la santé et l’appui des cadres juridiques la régissant.
Plusieurs pays ont aménagé durant les quatre dernières années d’importantes superficies destinées à l’agriculture biologique, ont fait remarquer ces spécialistes, relevant l’importance pour l’Algérie de lancer une réflexion pour une part de cet important marché mondial, d’autant que l’agriculture organique est un « patrimoine » en Algérie qu’il convient de relancer.
Dans ce cadre, Mme Doubi Magui, experte en certification des produits bio au programme d’appui à la diversification industrielle et à l’amélioration du climat des affaires « padica », financé par l’Algérie et l’Union européenne (UE), a affirmé dans une déclaration à l’APS que la valorisation de l’agriculture biologique en Algérie commence par l’accompagnement de l’agriculteur, précisant que « l’Algérie produisait des cultures biologiques non encore valorisées et non recensées ».
Mme Doubi a, en outre, précisé que l’agriculteur produit même des produits agricoles organiques sans qu’il sache classer ses produits comme produits bio, d’où, selon elle, l’importance de l’aider à déterminer les différents produits organiques, voire même les surfaces agricoles qui peuvent accueillir ce type de cultures.
Pour la même responsable, les produits agricoles biologiques sont très demandés sur le marché international, notamment en Europe, en particulier après la propagation de la pandémie de Covid-19 qui a amené de nombreux consommateurs dans le monde à rechercher des produits biologiques propres et sans substances chimiques.
Ce type d’agriculture nécessite, selon l’experte, la préparation des superficies agricoles sans aucun recours aux produits chimiques pendant une période allant de 1 à 3 ans, et la réalisation des analyses périodiques en laboratoire pour déterminer si le sol est adapté à cette agriculture, tout en utilisant des engrais naturels appropriés.
Elle a en outre souligné l’existence des instituts spécialisés en Algérie qui agissent dans ce sens. Néanmoins, dira-t-elle, leur activité reste encore limitée, au vu du manque d’intérêt accordé par les investisseurs à ce type d’agriculture.
De plus, Mme Doubi a précisé que « les produits biologiques exportés par l’Algérie sont très peu nombreux, ce qui nécessite d’œuvrer pour le renforcement de la production et le développement des opérations d’exportation, d’autant que la qualité est bonne et demandée à l’étranger », suggérant la création d’un label spécial pour ces produits.
Elle a également déploré l’inexistence, à ce jour, d’un recensement exhaustif montrant la qualité et la quantité des produits biologiques présents en Algérie.
De son côté, le spécialiste de l’agriculture biologique à l’Université d’Oran, Abed Fateh a appelé la tutelle à être « un incubateur » des recherches menées sur cette agriculture et à œuvrer pour leur concrétisation sur le terrain, à travers le renforcement de son cadre légal.
« L’agriculture biologique a son propre cahier des charges et vise à préserver la santé, les ressources naturelles du pays (sols et eaux souterraines) et la fertilité des terres, ce qui la rend synonyme du développement durable car préservant l’aspect écologique », a-t-il expliqué.
« Nous avons perdu beaucoup d’expertise en matière de produits biologiques en Algérie », a-t-il dit, soulignant que « beaucoup de sols non adaptés peuvent être traités par des engrais bio et préparés pour ce type d’agriculture ».
« De nombreux agriculteurs pensent à tort que le recours aux engrais chimiques est de nature à améliorer le rendement agricole. Or, celui-ci dépend de tout un processus technique et pas seulement des engrais », a-t-il expliqué.
Selon lui, la seule solution, face à la hausse de la demande mondiale de produits biologiques, est d’associer l’Université à cette démarche par la mobilisation des diplômés dans cette spécialité aux côtés des investisseurs, et ce, en coordination avec le ministère de tutelle, les chambres d’agriculture et les instituts.
Selon des organismes spécialisés en agriculture biologique, près de 100 pays dans le monde ont élaboré des législations et des réglementations adaptées à ce type d’agriculture.
En 2018, le marché bio mondial a réalisé plus de 100 milliards de dollars de chiffres d’affaires, alors que le bio représente à peine 1,5% des superficies cultivées.
Pourtant tout aussi prometteuse qu’elle soit, l’agriculture bio en Algérie connait des problèmes.
Le Bio et l ‘écosystème
La mondialisation, qui a fait du mode de consommation un moule taillé sur mesure par les mastodontes de l’industrie alimentaire, a également, malgré elle, permis la promotion du marché du bio.
Les consommateurs algériens ne pouvaient donc pas rester en dehors de ce mouvement mondial en faveur d’une alimentation saine et respectueuse des savoir-faire ancestraux. Nous assistons à une multiplication d’échoppes et d’espaces dédiés à la vente des produits bio, du terroir
Les réseaux sociaux ne sont pas en reste dans ce mouvement «écologico-alimentaire» puisque différents supports en ligne proposent des produits biologiques. Produits cosmétiques ou d’hygiène (savons, maquillages, crèmes nourrissantes ou d’entretien), produits alimentaires (fruits, légumes, huiles, fromages, etc.), produits du terroir et artisanat (alimentaires ou décoratifs), etc.
Mais face à cette offre multiple et variée de produits, le consommateur algérien exprime un besoin sans avoir la garantie que ce qui lui est proposé est réellement à 100% biologique ou de bonne qualité. «Beaucoup en Algérie continuent de confondre produits naturels, produits du terroir et produits bio. Or, l’un n’implique pas forcément l’autre ; tous les produits naturels ne sont pas forcément des produits bio, ni même du terroir. De même que tous les produits du terroir qui sont commercialisés en Algérie ne sont pas non plus bio ni même fabriqués avec des produits naturels.
En Algérie, beaucoup de producteurs et de commerçants jouent, consciemment ou par ignorance, sur cette confusion. Tandis que nombre des consommateurs algériens ne savent pas comment l’éviter ou la déjouer. En Algérie, c’est surtout la consommation et donc la production de produits dits ‘naturels’ qui a le plus de succès. Puis vient celle des produits du terroir qui enregistrent une évolution assez encourageante.»
«Cela ne veut pas dire que les produits biologiques n’ont pas de plus en plus le vent en poupe auprès d’une certaine catégorie de consommateurs algériens. Mais les conditions effectives de leur certification en Algérie rendent la chose encore très anecdotique pour l’instant ; bien que les choses semblent évoluer progressivement vers des jours meilleurs pour la consommation ainsi que la production de tels produits en Algérie
L’agriculture biologique est un ferment de l’agriculture durable sur lequel peut s’appuyer l’économie d’un pays.
A. R.