Labellisation et promotion des produits : Cap sur les richesses du terroir

Labellisation et promotion des produits : Cap sur les richesses du terroir

Des huiles d’olive algériennes récompensées dans des salons internationaux, à l’image de « Numidia », de la marque Ifri d’Ouzellaguen, et « Dahbia » de la région des Hauts Plateaux de Djelfa, ainsi que la figue de Beni Maouche et la datte Deglat Nour labellisées, sont des exemples assez édifiants des possibilités que recèlent les produits algériens du terroir de s’imposer dans le marché mondial et de constituer une activité économique assez rentable- en création de richesses, d’emplois et de fiscalité-, et puissamment porteuses de valeurs culturelles et patrimoniales dans un monde qui, singulièrement, dans ce domaine précis, tend de plus en plus à s’uniformiser et à effacer la diversité des cultures et consacrer la domination du grand capital, qui plus est, sans la garantie de la qualité sanitaire et gastronomique des produits en circulation.

Par Amar Naït Messaoud

Dans le contexte de notre pays, les efforts tendus vers la diversification économique, afin de sortir de l’hégémonie de l’industrie extractive des hydrocarbures, sont censés exploiter tous les créneaux et potentialités qu’offrent le sol, la nature et la ressource humaine algériens, laissés jusqu’ici en friche.

Pour certaines activités, relevant des produits du terroir et de l’artisanat, devant accompagner le secteur touristique et mettre en valeur la culture et le patrimoine du pays, il s’agit de replonger dans des pratiques et traditions qu’il y a lieu d’encourager afin de les moderniser et les mettre au diapason des défis commerciaux, économiques et d’échanges culturels de ce début du 21e siècle.

Il s’agit, dans cette période de changements économiques de grande envergure- que la seule notion de « transition » ne saurait couvrir-, de valoriser l’ensemble des produits algériens qui ont une histoire, un itinéraire de fabrication ou de traitement au sein des familles et de communautés.

ABANDON D’UNE TRADITION ET D’UNE ÉCONOMIE

Dans le cas de certains produits agricoles, l’Algérie a été dépassée par des pays dont l’industrie de la transformation est toute récente.

Les magasins et supérettes algériennes regorgeaient bien, jusqu’à un passé récent, de bocaux turcs remplis de confitures, de deux ou trois abricots conservés, de raisin sec, de certains fruits des bois, de miel, de figues sèches et d’autres produits venus de Turquie, de Thaïlande ou d’Andalousie.

L’aisance financière, ayant régné entre 2004 et 2014, avait accéléré le phénomène de l’importation de ces produits que l’on aurait pu bien traiter ou fabriquer en Algérie et dont certains à l’image des figues sèches, ont une histoire bien sigillée dans nos montagnes.

Une histoire récente vaincue par les facilités d’importation et, en partie, par l’attractivité des villes et du salariat.

Au même moment où des pays émergents ou même de niveau moyen développaient une offensive commerciale, l’Algérie laissait dépérir ses vergers de cerisiers, ravagés par le capnode; laissé partir en fumée l’arbousier, d’autres fruits des bois et des ruches, ravagés par les incendies de forêts; délaissé les vieux métiers familiaux consistant à traiter les figues en vue de leur séchage, de fabriquer des nattes et des couffins en alfa et en sparte, de confectionner des objets domestiques en cuivre,…etc.

La rente pétrolière a perverti les valeurs du travail et ouvert l’Algérie aux quatre vents de l’importation tous azimuts, y compris dans le domaine de l’artisanat et des produits du terroir.

DES DIFFICULTÉS QUI OBÈRENT LA PROMOTION DES VIEUX MÉTIERS

Cette extraversion de l’économie algérienne l’a entraînée- par le moyen de la mono-exportation dans une certaine fragilité, charriant avec elle la perte des métiers ancestraux et des pratiques qui faisaient partie de l’économie domestique.

Espérer rebondir dans ces créneaux, dans le contexte actuel de la crise financière, est bien légitime. Mais, l’entreprise n’est pas de tout repos.

Car, en perdant le capital de connaissance et de pratiques sur au moins deux générations, il faudrait des efforts considérables de formation et de soutien à consentir par les pouvoirs publics et les milieux culturels, associatifs et universitaires.

Les grandes difficultés qui grèvent les efforts de ceux qui, contre vents et marées, continuent à pratiquer les métiers traditionnels, par lesquels sont obtenus des produits du terroir et des pièces d’artisanat- allant d’une simple bague d’argent de Beni Yenni jusqu’ au tapis d’Aflou, en passant par la poterie de Maâtka et les nattes de Bou Saâda-, apparaissent au grand jour lors des différents festivals, organisés généralement en été.

Les praticiens n’ont cessé, à l’occasion de ces manifestations, de faire connaître aux responsables locaux et aux responsables centraux qui viennent pour l’inauguration, leurs problèmes liés à la disponibilité de la matière première, à la formation, à l’octroi de sièges appropriés à l’exercice de ces métiers, et à la commercialisation.

POUR QUE LA DIVERSIFICATION NE SOIT PAS UN VAIN MOT

Au niveau de la diplomatie économique et du marketing qui est censé lui être lié, le segment des produits du terroir et de l’artisanat peine à acquérir le rang censé être le sien. Jusqu’il y a quelques années, il ne fait pas partie de la nomenclature des segments à promouvoir à l’exportation.

C’est que, malgré la crise des recettes pétrolières survenue en 2014, le créneau de l’importation avait continué à être prépondérant dans la typologie de l’économie nationale, incluant même les produits de fantaisie et du faux artisanat.

Oui, des pièces fabriquées complètement par un processus industriel, n’ayant d’esthétique artisanale que de grotesques motifs, suggérant un ersatz d’art, sont importées à partir de la Chine et présentées comme d' »authentiques » produits artisanaux du Céleste Empire.

Pour que la diversification économique ne soit pas un vain mot, et pour que l’économie et la culture se fertilisent- comme dans l’histoire glorieuse des villages et villes algériennes d’antan-la prise en charge des produits du terroir et de l’artisanat s’avère un impératif de premier ordre.

Dans certains pays développés, la crise financière et économique des années 2008-2009 et celle survenue avec le Covid 19, ont boosté ces créneaux dans une dynamique exceptionnelle, incluant la production d’une agriculture biologique, la valorisation optimale des musées, l’ouverture des créneaux de l’écotourisme et la production culturelle locale.

Avec la dynamique de la diversification progressive de l’économie algérienne enclenchée au cours de ces dernières années ayant permis des recettes hors hydrocarbures de 7 milliards de dollars-, la brèche ouverte par les produits du terroir et d’artisanat doit prendre les dimensions d’une porte largement ouverte.

Les conditions d’un tel saut ont été exprimées à différentes occasions, par les producteurs et les artisans eux-mêmes : formation, accès à la matière première ou semi-produits pour certains créneaux, abattements fiscaux, promotion par l’organisation des salons, en Algérie et à l’étranger, diplomatie économique offensive.

A. N. M.

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