L’investissement issu de capitaux nationaux et /ou étrangers en Algérie constitue le cœur du développement économique et social. Aussi, la loi N° 22-18 du 24.07.2022 relative à l’investissement (journal officiel du 28 juillet 2022, N° 50) est venue couronner près de six décennies de «lutte législative et réglementaire» en matière d’investissement (du premier code régi par la loi N°63-276, discriminatoire et restrictif, au nouveau dispositif de la loi N°22-18, ouvert et attractif, que d’efforts soutenus et d’engagements réitérés).
Par Lies Hamidi
Docteur d’Etat en Droit
Directeur de l’IDEG
La loi nouvelle s’applique aux investissements économiques de production de biens et services, réalisés par des personnes physiques ou morales: elle s’adresse à tous les investisseurs quelle que soit leur origine géographique ou leur statut juridique, nationaux ou étrangers, résidents ou non-résidents.
Le principe de non-discrimination est dévoilé, dès les premières lignes du Code, par une puissance publique qui se veut volontaire dans l’acte d’investissement.
La mesure est d’autant plus importante que l’investisseur étranger surveille de près les faveurs accordées aux investisseurs du pays d’accueil par rapport à celles réservées à l’investisseur d’un pays tiers. C’est la règle du traitement national, de l’égalité et de la transparence, qui est mise en exergue par le nouveau dispositif juridique et applicable à tous les investisseurs, qu’ils soient nationaux ou étrangers. L’Etat, pilote et stratège du développement économique, se doit d’unir et d’assembler les investisseurs à travers des mesures juridico-légales lisibles et prévisibles et des objectifs clairement affichés, en vue d’encourager l’investissement et d’asseoir l’innovation et la recherche.
Précisément, la loi N°22-18, selon l’article 2, vise plusieurs objectifs (07) à la fois. Elle a pour but:
1- Développer les secteurs prioritaires à forte valeur ajoutée
Il s’agit, ici, de favoriser l’émergence de secteurs d’activité innovants ou à fort potentiel d’innovation. En effet, les activités à haute valeur ajoutée se caractérisent par le développement de secteurs à haute intensité de technologie et de connaissances (fabrication de produits informatiques, électroniques et optiques, produits pharmaceutiques de base et autres préparations plus élaborées, produits chimiques améliorés…). Ces activités à forte valeur ajoutée ont pour dénominateur commun une rentabilité optimale et une valeur monétaire plus élevée: la transformation augmente l’importance commerciale ou d’échange. Il est évident, par exemple, qu’un pétrole vendu à l’état brut est moins rentable qu’un produit raffiné duquel découle une variété d’autres produits: propane, butane, mazout lourd, huiles lubrifiantes, asphalte, essences (produits spéciaux à base de naphte, carburant aviation, essence à moteur…). D’autres dérivés du pétrole peuvent contribuer à la croissance économique et la création d’emplois: le polyéthylène est utilisé dans l’industrie automobile, dans les tuyaux et profilés, dans les sacs poubelles et les sacs de congélation, le polypropylène sert aux articles moulés par injection pour les industries de l’électroménager, de l’ameublement et du jouet, le polycarbonate rentre dans la composition des casques de motos et des bouteilles… Tous ces produits constituent de véritables créneaux rentables, à profit élevé et à forte valeur ajoutée.
2- Assurer un développement territorial durable et équilibré
Voilà une approche territoriale de développement nouvelle, par rapport aux codes des investissements précédents, mise en avant par les pouvoirs publics. C’est une incursion intéressante dans le champ de l’aménagement du territoire et de la lutte contre les déséquilibres territoriaux (équilibre entre des impératifs économiques et sociaux, respect de l’environnement et prise en compte de la dimension écologique…): la recherche d’un compromis entre des intérêts qui seraient divergents et qui concernent l’économique, le social et les questions environnementales: le développement territorial durable et équilibré est un facteur d’affirmation identitaire et de cohésion sociale.
3- Valoriser les ressources naturelles et les matières premières locales
Il est question, ici, d’exploiter au mieux les ressources naturelles (pétrole, or, minerai, zinc et cuivre sont autant de richesses à valoriser). Les ressources non valorisées peuvent être source d’instabilité macro-économique (dépenses publiques inconsidérées, inflation, détérioration de l’environnement social, imprévisibilité des facteurs de développement économique…).
D’aucuns considèrent à travers la littérature dite de la «malédiction de ressources», qu’il existe une distorsion entre ressources naturelles et développement (volatilité des prix des matières premières, épuisement des ressources fossiles non-renouvelables, non-maitrise du prix mondial des matières premières….). Des pays comme le Japon, la Corée du sud ou encore Hongkong, constitués d’iles et dépourvus de ressources naturelles, connaissent des niveaux de croissance et de développement supérieurs à ceux de pays dotés de ressources énergétiques ou autres (gaz, pétrole, minerais…).
4- Favoriser le transfert technologique et de développer l’innovation et l’économie de la connaissance
Le transfert technologique est un formidable outil de développement, le moteur de l’économie et de la compétitivité. Il peut revêtir différentes formes (commerciale, industrielle, informationnelle…).
Le transfert technologique doit s’accompagner d’éléments non-techniques liés à l’organisation et au management opérationnel. Par ailleurs, il ne faut pas compter sur ce transfert, pour connaitre l’essor et la prospérité, car l’acquéreur est contractuellement soumis à des contraintes d’utilisation et de diffusion. Autant dire que le transfert doit permettre seulement au consommateur de technologie de développer ses propres laboratoires de recherche et de constituer ses propres équipes scientifiques.
Sans l’innovation et l’économie de la connaissance, les pays en développement ne seront jamais à l’abri d’une dépendance pérenne. Les pays acquéreurs sont dans l’obligation d’assimiler le transfert technologique et de développer une capacité d’absorption par le recours au savoir, à la science et à la connaissance. Celle-ci est liée à un système éducatif et universitaire performants et «une intelligence sans cesse renouvelée».
5- Généraliser l’utilisation de technologies nouvelles
Mettre la technologie et l’innovation au service de l’humain est une nécessité de vie, de survie et de développement socio-économique. Seules la science et la connaissance peuvent améliorer la productivité, augmenter le revenu national, permettre d’accéder au mieux vivre et à la prospérité.
6- Dynamiser la création d’emplois pérennes et promouvoir la compétence des ressources humaines
La dynamique de l’emploi stable et pérenne est liée à la compétence de la ressource humaine, à sa créativité, à son inventivité et la recherche de secteurs innovants: services de la santé et des consultations à distance, services du bien être à domicile, services de l’aide à domicile pour les personnes âgées et dépendantes, services de la digitalisation et des évolutions numériques… sont autant de niches à explorer.
7- Renforcer et améliorer la compétitivité de l’économie nationale et sa capacité d’exportation
La compétitivité est un facteur important de pénétration des marchés étrangers. L’exportation est un métier qui suppose une ressource humaine capable de s’adapter aux besoins spécifiques de la clientèle et de ses approches culturelles et linguistiques. Les activités exportatrices sont créatrices de richesse et de croissance. Il est essentiel pour ce faire, d’élever la potentialité du produit à exporter en ayant recours à l’industrie de transformation: augmenter le degré de la valeur manufacturée est source de plus-value monétaire. Il est aisé de comprendre, ainsi, que la valorisation de l’industrie de transformation du bois est synonyme d’exportation de produits à fort potentiel de croissance (bois meuble à la place de copeaux de bois). Aujourd’hui, c’est toute la problématique des produits transformés qui est posée. Des pays comme Taiwan ou la Malaisie, jadis sous équipés, sont devenus les champions de l’export. Le premier pays représente plus de la moitié du marché mondial des puces électroniques et des micro-puces et le second grand exportateur de bois et dérivés.
Dans ce sillage, une enveloppe conséquente, au titre de son plan quinquennal 2022-2026, a été affectée par la compagnie pétrolière Sonatrach, au développement des industries de la pétrochimie et du raffinage: une volonté nettement affirmée par le gouvernement pour réduire l’importation des produits pétrochimiques.
C’est à l’Etat d’édicter des règles de droit qui s’imposent, qui garantissent l’ordre public et les fonctions régaliennes. C’est à lui, également, de faire prévaloir l’intérêt général sur l’intérêt individuel et de préparer le futur des générations à venir. Justement, les Sept (07) objectifs visés par l’article 2 de la loi ont le souci de l’amélioration durable des conditions de travail et de l’encouragement des initiatives novatrices, créatrices de richesse et de bien-être social.
Au total, faisons sienne cette nouvelle loi et approprions son contenu qui sera enrichi en tant que de besoin. Les textes légaux et réglementaires ne sont pas immuables ou figés. Ils s’adaptent au temps, à l’environnement et sont perfectibles. Les imperfections sont le propre de l’homme: nous apprenons du passé pour mieux préparer l’avenir. La perfection est l’ennemi de l’inventivité, de la créativité, de l’estime et de l’épanouissement de soi. La vérité n’est que provisoire. Elle n’est jamais définitive, c’est dans l’évolution des choses.
L. H.
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NOTE DE LA REDATION
Vu l’importance pour l’économie nationale du nouveau Code de l’investissement (loi N° 22-18 du 24.07.2022 – voir journal officiel N° 50, du 28 juillet 2022), Eco Times a sollicité la contribution de Lies Hamidi, Docteur d’Etat en Droit et spécialiste du droit des sociétés, pour une lecture profonde du contenu de cette loi tant attendue. Le nouveau Code de l’investissement contient de nouvelles dispositions, et trace ainsi une nouvelle démarche qui se veut un moyen efficace pour redynamiser l’économie nationale à travers l’impulsion d’une dynamique d’investissement à la mesure des ambitions du pays, depuis au moins l’accession à la magistrature suprême d’Abdelmadjid Tebboune. Ainsi, et afin de répondre à toutes les questions de nos lecteurs, parmi lesquels on compte tant les décideurs, les chefs d’entreprise que les investisseurs internationaux intéressés par la «destination Algérie», nous avons choisi de publier, chaque jeudi, à partir d’aujourd’hui, un article d’analyse élaboré par notre expert. Chaque édition apportera son lot de réponses les plus pertinentes les unes que les autres, en allant dans les détails les plus précis. Eco Times se fera ainsi le plaisir de répondre à toutes les questions de ses lecteurs, en ne ménageant aucun effort. Attendez la prochaine analyse, dans notre édition du jeudi prochain.