Les investissements étrangers représentent un facteur important d’intégration mondiale et participent au développement économique et social des pays demandeurs. Ils constituent une source de prospérité, lorsqu’ils sont orientés vers l’investissement productif, créateur d’emplois et de richesse. Pour ce faire, il est plus que nécessaire de créer les conditions d’attractivité et d’assainir le climat des affaires. L’Algérie dispose de plusieurs atouts et recèle de grandes potentialités humaines, économiques et énergétiques : pétrole, gaz, phosphate, fer, or, uranium, zinc… sont autant de domaines à explorer et de matières à exploiter. Elle occupe une position stratégique qui la place au centre d’intérêts régionaux voire mondiaux. Pour attirer les investisseurs étrangers l’Algérie vient de se doter d’une nouvelle arme législative et de nouveaux instruments de conquête de capitaux. Les réformes engagées par l’Etat sont à saluer à plus d’un titre. En ce qui concerne notre sujet, la loi 22-18 du 24 juillet 2022 relative à l’investissement (J.O N° 50 du 28.07.2022) en est l’expression la plus concrète.
Par Lies Hamidi
Docteur d’Etat en Droit
Directeur de l’IDEG
Les investissements envisagés par le nouveau dispositif se déclinent en trois secteurs d’éligibilité : secteurs prioritaires, secteurs des zones et secteurs des investissements structurants.
1 – Les secteurs prioritaires
- Eligibilité
Sont éligibles à ce régime, les investissements réalisés dans les domaines d’activité suivants : mines et carrières, agriculture, aquaculture et pêche, industrie, industrie agroalimentaire, industrie pharmaceutique et pétrochimique, énergies nouvelles et renouvelables(…). Néanmoins, il est à noter que certaines activités sont exclues du régime des secteurs prioritaires et partant non éligibles aux mesures incitatives de la loi 22-18 (voir décret exécutif N° 22-300 du 8.9.2022 fixant les listes des activités des biens et services non éligibles aux avantages, J.O N°60 du 18.9.2022).
Par ailleurs, Comme cela a été mentionné lors d’un article précédent, parmi ces investissements, il y a ceux qui relèvent de secteurs stratégiques (ports et aéroports, chemins de fer, industries pharmaceutiques…) et qui demeurent assujettis à une participation d’actionnariat national résident à hauteur de 51% (loi N°20-07 du 4 juin 2020 portant loi de finances complémentaire pour 2020, et autres lois de finances modificatives).
A titre d’illustration de secteurs stratégiques dans le domaine pharmaceutique, deux leaders se détachent et forment une force de frappe économique redoutable en termes de croissance et de développement : les groupes Biopharm et Saidal .Le groupe Biopharm en est l’exemple vivant. De par sa structure organisationnelle, ses compétences managériales et l’âme créatrice de son Directeur Général, Dr. Abdelouahed Kerrar, le groupe Biopharm embrasse plusieurs activités: la distribution de produits pharmaceutiques au regard de ses grandes capacités de stockage, à travers la société Biopharm distribution , certifiée selon le référentiel ISO 9001, la répartition et la livraison de médicaments aux officines sur l’ensemble du territoire national, à travers la société Biopure, la promotion et l’information médicales grâce au dynamisme de son équipe commerciale, à travers la société HHI (human health information), la gestion des infrastructures et des prestations logistiques pour le compte du groupe, à travers la société Biopharm logistic, la production de médicaments (des dizaines de génériques couvrant les principales classes thérapeutiques),à travers la société Biofam et bien d’autres activités tout aussi dynamiques qu’énergiques.
Le groupe Saidal un autre leader incontesté est également présent avec force dans l’industrie du médicament. Il est spécialisé dans le développement, la production et la commercialisation de produits pharmaceutiques et s’affirme, également, dans la fabrication de médicaments génériques qui permet de contribuer à la réduction des importations et l’ouverture sur les marchés extérieurs. Il dispose de plusieurs unités de production et exporte ses produits vers plusieurs pays d’Afrique. Le groupe Saidal s’est lancé, en 2021, dans la production du vaccin anti Covid en partenariat avec la société chinoise Sinovac Biotech.
1.2- Mesures incitatives
Les investissements éligibles au régime des secteurs prioritaires bénéficient des avantages suivants, entrant directement dans la réalisation de l’investissement:
– au titre de la phase de réalisation : exonération des droits de douane pour les biens importés, franchise de la TVA pour les biens et services importés ou acquis localement, exonération du droit de mutation, à titre onéreux, et de la taxe de publicité foncière pour toutes acquisitions immobilières, exonération de droits d’enregistrement exigibles pour les actes constitutifs de sociétés et les augmentations de capital, exonération des droits d’enregistrement, de la taxe de publicité foncière ainsi que de la rémunération domaniale portant sur les concessions de biens immobiliers bâtis et non bâtis, exonération de la taxe foncière sur les propriétés immobilières pour une période de dix (10)ans, à compter de la date d’acquisition.
– au titre de la phase d’exploitation: exonération pour une durée allant de trois (3) à cinq (5) ans de l’impôt sur les bénéfices de sociétés (IBS) et de la taxe sur l’activité professionnelle (TAP).
2-Les secteurs liés à la zone géographique
2.1- Eligibilité
Sont éligibles à ce régime, les investissements réalisés dans des localités relevant des hauts plateaux, du sud et du grand sud, de localités disposant de potentialités en ressources naturelles à valoriser, de localités dont le développement nécessite un accompagnement particulier de l’Etat.
Il s’agit, ici, de régions spécifiques, isolées et dépourvues d’infrastructures de base. Ces investissements sont indispensables à l’émergence de nouveaux pôles de croissance et de développement. C’est le résultat d’une politique volontariste de l’Etat qui consiste à lutter contre les disparités régionales et à occuper les zones d’ombre, éloignées des centres de vie et démunies de toutes commodités nécessaires à une vie décente.
En application de l’article 28 de la loi 22-18, le décret exécutif N°22-301 du 8 septembre 2022 (J.O N° 60 du 18 septembre 2022), est venu préciser la liste des localités relevant des zones auxquelles l’Etat accorde un intérêt particulier.
2.2- Mesures incitatives
Les investissements éligibles au régime des zones bénéficient des avantages suivants:
– au titre de la phase de réalisation : mêmes avantages que ceux des secteurs prioritaires.
– au titre de la phase d’exploitation : exonération pour une durée allant de cinq (5) à dix (10) ans, à compter de l’entrée en exploitation, de l’impôt sur les bénéfices des sociétés (IBS) et de la taxe sur l’activité professionnelle (TAP).
Il y a lieu d’indiquer que la durée d’exonération, liée à la zone géographique, est supérieure à celle des investissements liés aux secteurs prioritaires. C’est dire l’intérêt qu’attache l’Etat à sortir ces régions de l’isolement et de l’éloignement. Toutefois, il est important de signaler que tous les investissements ne sont pas éligibles aux avantages de la loi 22- 18 : certaines activités sont exclues de la sphère du régime des zones (voir décret exécutif N°22-300 du 8.9.2022, DU 8 septembre 2022, fixant les listes des activités, des biens et services non éligibles aux avantages, J.O N° 60 du 18.09.2022).
3-Les secteurs liés aux investissements structurants
3.1-Eligibilité
Sont éligibles au régime des investissements structurants ceux à haut potentiel de création de richesse et d’emplois susceptibles d’augmenter l’attractivité du territoire et de créer un effet d’entrainement sur l’activité économique pour un développement durable : ce sont ceux qui contribuent à la substitution aux importations, à la technologie, au savoir-faire et à la diversification des exportations. En termes d’emploi et de financement, les investissements structurants sont ceux dont l’emploi est égal ou supérieur à 500 employés et dont le montant de l’investissement est supérieur à 10 milliards de dinars (décret exécutif N°22-302 du 8.9.2022, J.O N° 60).
L’investissement structurant permet de créer un effet d’entrainement sur d’autres activités. Il impacte le développement et influe sur l’emploi et l’activité économique, compte tenu de sa pérennité et de son potentiel de croissance. Les projets structurants représentent un enjeu majeur pour des territoires en mal d’investissements. Ils ont un impact réel en termes de synergie et de développement local. Les exemples liés à ce secteur sont nombreux : ports, aéroports, nouvelles villes et parcs d’attractivité, gestion de déchets (récupération, traitement, recyclage…), énergies alternatives (solaire, éolienne, hydraulique, géothermique, marine….).
3.2-Mesures incitatives
Les investissements éligibles au régime des secteurs structurants bénéficient des avantages suivants :
– au titre de la phase de réalisation : mêmesavantagesqueceuxdessecteurs des secteurs prioritaires.
– au titre de la phase d’exploitation : exonérationpouruneduréedecinq (5) à dix (10) ans, à compter de l’entrée en exploitation, de l’impôt sur les bénéfices des sociétés (IBS) et de la taxe sur l’activité professionnelle (TAP).
Le bénéfice des avantages au titre de la phase d’exploitation est subordonné à l’établissement d’un procès-verbal de constat d’entrée en exploitation, par l’agence algérienne de promotion de l’investissement (A.A.P.I).Quant à la durée des avantages accordés, elle est déterminée sur la base d’une grille d’évaluation (décret exécutif N° 22-302 du 8.9.2022, J.O N°60).
Les investissements structurants peuvent bénéficier de l’accompagnement de l’Etat pour la prise en charge, totale ou partielle, des travaux d’aménagement et d’infrastructures nécessaires à leur concrétisation, sur la base d’une convention entre l’investisseur et l’Agence agissant au nom de l’Etat. La convention est conclue après son approbation par le gouvernement.
L’aide de l’Etat est précieuse, s’agissant de terrains, de bâtisses et autres dépenses de même nature : le foncier industriel constitue le plus souvent l’obstacle premier pour tout investisseur. Que l’Etat prenne en charge ce problème, lors de l’établissement de la convention, ne peut qu’encourager l’investisseur et accélérer la dynamique de développement. C’est une initiative louable, compte tenu de l’indisponibilité des assiettes foncières et du coût d’acquisition. A ce titre, il y a lieu de saluer la décision des autorités publiques (Conseil des ministres du 24 avril 2022) qui consiste à récupérer le foncier industriel non exploité, aux fins de son octroi aux véritables investisseurs. Voilà une mesure salutaire qui pourrait permettre à l’Etat d’attribuer les terrains récupérés à d’autres capitaines d’industrie, dans le cadre de ce dispositif prometteur relatif à l’investissement.
Au final, la nouvelle stratégie de l’Etat doit reposer sur une volonté politique forte et des règles claires, lisibles et prévisibles. Une sorte de jouvence juridique débarrassée d’un environnement bureaucratique mortifère, sclérosant et paralysant. Tant de fois décriée par les plus hautes autorités de l’Etat, la bureaucratie constitue la plus grande menace et l’ennemi économique numéro un.
La loi sur l’investissement est le nouveau gage de la pérennité des engagements de l’Etat à l’adresse de ceux qui souhaitent contribuer à la croissance de l’économie algérienne et qui se veulent volontaires dans l’acte d’investissement: innovation, créativité, économie de la connaissance, technologies nouvelles… sont les maitres mots du nouveau dispositif juridique. Halte aux prédateurs et aux faux investisseurs, l’heure est au volontarisme économique.
L. H.