La dévaluation du dinar, planifiée par la loi de Finances 2021, risque de fragiliser une économie qui souffre déjà de scories structurelles. Une étude publiée sur le site «Conjointure-dz.com», estime inéluctable une nouvelle dévaluation du dinar à partir de la fin de l’année en cours. La référence pour avoir une idée de la valeur de notre dinar, reste le square Port Said, la «bourse» informelle de la devise, qui est le baromètre pour apprécier ou déprécier la valeur du dinar. Selon cette étude, le taux de change du dinar par rapport au dollar est passé par trois périodes depuis une année. Durant la période qui va de la mi-mars à la mi-avril, le cabinet d’étude note une nette dévaluation du dinar, avec un taux de change qui est passé de moins de 120 DA pour un dollars à 128 DA pour un dollar vers la mi-avril.
Par Réda Hadi
Entre début avril 2020 et début avril 2021, le dinar a vu son taux par rapport au dollar, chuter de plus de 5,6%, et par rapport à l’euro, de 14,5%. «Ce mouvement aura, à coup sûr, un impact sur les prix, les variations du taux de change se répercutant clairement sur les prix », souligne l’étude, qui ajoute que «les prix évoluent aussi à court terme sous l’effet d’autres variables, notamment l’augmentation de la masse monétaire».
Pour Billel Laouali, expert financier, «en fait, le marché informel de la devise suit de près la courbe de la dévaluation du dinar opérée par les autorités. La loi de Finances 2021 table, en effet, sur une dépréciation progressive du dinar sur trois ans : un taux de 142 dinars pour un dollar américain en 2021, 149,71 dinars en 2022 et 156 dinars en 2023». Et de préciser qu’ « il s’agit, en fait, d’une poursuite de la dévaluation du dinar destinée depuis ces dernières années à gonfler les recettes fiscales pétrolières par effet de change».
Les rentrées pétrolières chutent alors que les dépenses publiques, selon la loi de Finances 2021, sont en augmentation de 10 %. «Ces dévaluations ne sont pas faites, comme il est de tradition, pour attirer les investisseurs et favoriser les exportations hors hydrocarbures, mais seulement pour doper le budget de l’État par l’effet de la conversion en dinars des recettes pétrolières libellées en dollars», précisent des observateurs.
Selon l’universitaire et expert en économie, Souahlia Ahmed, «la réévaluation du dinar n’est pas encore d’actualité chez la Banque d’Algérie (BA). Elle ne le sera pas tout de suite et probablement pas avant longtemps» a-t-il souligné chez des confrères. A ce sujet, il convient de rappeler que le ministre des Finances s’est récemment exprimé sur ce sujet et a assuré, le 14 mars dernier, que le redressement de la monnaie nationale est actuellement en cours d’exécution.
L’Effet macro-économique
Ces propos suffiront-ils à diminuer la dégringolade de notre monnaie ?
Pour d’autres économistes, les paramètres macro-économiques ont une grande importance qu’il faut savoir analyser. Il est donc primordial de bien anticiper le taux de croissance de l’économie du pays. En effet, le taux de croissance de l’économie dépend de ce qui se passe ailleurs, c’est-à-dire de l’évolution de l’économie des principaux partenaires économiques et commerciaux du pays. Il dépend aussi des dépenses de l’Etat pour l’équipement et de sa politique fiscale. Il y a donc interaction entre les volets dépenses et recettes d’une Loi de Finances.
Pour Billel Laouali «le cadrage macroéconomique de la LF 2021, en particulier celui du dinar, a suscité de vives réactions». Précisant sa pensée cet expert affirme qu’«une dépêche de l’APS en date du 19 octobre 2020 nous a informé que la LF 2021 se basait sur une valeur moyenne de 142,2 dinars pour un dollar en 2021, 149,31 dinars en 2022 et 156,78 en 2023. Le jour de publication de cette dépêche, la valeur d’un dollar était de 128,8 dinars et la valeur moyenne sur l’année de 126 dinars. Ce cadrage macroéconomique annonçait donc une forte baisse du dinar en termes nominaux : 11,45% en 2021 ; 4,9% en 2022 et 4,8% en 2023. En tenant compte des taux d’inflation postulés dans la LF 2021 (4,5% en 2021 ; 4,05% en 2022 et 4,72% en 2023), et en prenant une inflation de 1,5% pour les partenaires économiques de l’Algérie, nous obtenons une baisse du dinar en termes réels de : 8,25% en 2021 ; 2,3% en 2022 et 1,5% en 2023».
Face à cette forte chute du dinar, les patrons algériens, ne savent plus où donner de la tête, car quand les pouvoirs publics parlent de dépréciation, eux soutiennent fortement qu’il s’agit d’une véritable dévaluation. Beaucoup soutiennent que cette érosion du dinar face à la principale devise d’échange va mettre la trésorerie des entreprises à rude épreuve, alors que celles-ci nourrissent d’ores et déjà les pires inquiétudes depuis l’introduction, dans le projet de loi de finances 2021, d’une mesure imposant le paiement à terme des importations.
R. H.