Kamel Rezig livre le détail de la situation en 2019 : Une année noire pour l’Economie
L’économie nationale demeure dépendante des hydrocarbures. Les chiffres avancés, hier, à l’APN par le ministre du Commerce et de la promotion des exportations, Kamel Rezig, lors de la présentation d’un projet loi concernant le règlement budgétaire de l’exercice 2019, montre encore une fois, la vulnérabilité de notre économie.
Par Akrem R.
En effet, la croissance enregistrée durant exercice n’a pas dépassé les 0,8% contre une prévision de 2,6% dans la LF 2019, soit une croissance négative de -1,8% par rapport aux prévisions et – 0,4% par rapport à 2018 ou le taux de croissance a été de 1,2%. Ainsi, les exportations hors hydrocarbures étaient de l’ordre de 16,43 milliards de DA contre 17,40 milliards prévus dans la LF 2019.
Quant aux exportations hors hydrocarbures, Rezig a fait savoir dans son exposé qu’elles étaient à 3990,4 milliards de DA soit, en baisse de 558,4 milliards par rapport à 2018 (4548,8 milliards) et une différence négative de – 263,9 milliards DA par rapport aux recettes prévues dans la LF de l’année concernée (4254,3 milliards). La moyenne du prix de baril de pétrole était de 64,4 dollars, alors que dans la LF elle était prévue à 60 dollars, contre 71,3 dollars (2018), rappelle-t-il. Cette année a vu également la baisse du taux de change de 2,8%, passant de 116,6 DA /dollar (2018) à 119,4 DA un dollar contre 118 DA le dollar dans la LF, soit une hausse de 1,4. S’agissant des exportations globales, le ministre affirme qu’elles ont atteint les 35 milliards de dollars (34,9 milliards selon les prévisions) contre 41,4 milliards en 2018, soit une baisse de 6,1 milliards. Les exportations en hydrocarbures représentent pratiquement la totalité des exportations globales réalisées. Elles ont atteint 32,9 milliards de dollars contre 33,2 milliards prévus et 38,9 milliards en 2018. Dans ce cadre, le ministre Kamel Rezig a précisé que la fiscalité pétrolière représente 98,25% du budget de l’Etat. Sur les 2563,38 milliards de DA engrangés, 2518 milliards ont été alloués au budget de l’Etat. Quant aux importations, l’Algérie a réussi de réduire sa facture de 4,4 milliards de dollars, passant de 46 milliards en 2018 à 41,9 milliards en 2019. Toutefois, la balance commerciale a enregistré un déficit de 6,9 milliards de dollars contre 5,2 milliards en 2018, soit une hausse du déficit de 1,7 milliards. Cette situation, Le ministre l’a expliqué par le recul des exportations de 6,1 milliards de dollars. Ce qui a conduit le gouvernement à puiser dans les réserves de changes pour combler ce déficit, dont celui de «nos réserves hors Or qui sont passées de 79,9 milliards à 62,8 milliards. L’autre chiffre inquiétant, est la hausse de la dette publique, avoisinant les 9320,2 milliards de DA, dont la dette interne, qui représente, à elle seule, 9186 milliards contre seulement 133,6 milliards de DA de dette externe. En somme, ces chiffres montrent que la situation économique en 2019 était difficile pour diverses raisons, notamment suites aux bouleversements politiques qu’a connus le pays. L’expert en économie, Ahmed Saouahlia, a expliqué ces taux de croissance faibles par la situation politique du pays et l’absence de réformes économiques. « Maintenant et avec la mise en œuvre de nouveaux plans visant la relance économique, les choses vont certainement changer. Mais la cadence des réformes n’a pas encore atteint sa vitesse de croisière», a-t-il souligné, tout en espérant que 2022 sera celle de la croissance et l’application du Plan de relance pour atteindre l’objectif escompté, à savoir, une diversification réelle de notre économie. L’inverse sera désastreux pour le pays, a mis en garde l’enseignant universitaire. «La diversification de notre économie et l’amélioration de notre croissance exigent une grande volonté et des gestionnaires compétents», plaide-t-il, tout en recommandant de s’orienter vers les secteurs productifs (agriculture, industrie et le commerce interne et externe). Dr Saouahlia a souligné, par ailleurs, la nécessité de lancer des réformes profondes dans les secteurs bancaire, financier et des impôts, afin de donner une nouvelle dynamique à notre économie et booster l’investissement national et étranger.
A.R.
Dr Ishak Kherchi, expert en économie : «Notre problème réside dans l’application des programmes de réformes »
L’expert en économie, Ishak Kherchi, a affirmé que la dépendance de notre économie à plus de 98% de la manne pétrolière est chose logique. Les différents politiques et programmes pour la diversification de notre appareil productif sont restés lettre morte. En clair, dira notre intervenant, « dans notre pays nous avons un sérieux problème avec l’exécution des plans et des programmes», citant l’exemple du Plan de relance 2020-2024 élaboré en août 2020, suite au choc pétrolier, où les prix du Brent avaient atteint le plancher (moins 30 dollars). L’expert a appelé à l’évaluation périodique de nos politiques et programmes économiques afin de remédier aux insuffisances, en apportant les corrections nécessaires. « Nous ne pouvons pas avancer d’un seul pas en avant si nous ne procédons pas à l’organisation d’assises nationales pour l’évaluation de ce qui a été décidé dans le plan d’action de 2020-2024. L’Arabie saoudite qui a mis en place sa stratégie du développement à 2030, organise, annuellement, des évaluations périodiques en apportant les ajustements nécessaires. Contrairement à nous. Un plan a été mis en place, mais l’application fait défaut. Pourquoi ? La réponse est que nous réagissons sous la pression lorsque les prix du pétrole sont en baisse. C’est ce que nous avons fait en été 2020. Une fois les prix du pétrole augmentent on abandonne nos réformes !», a-t-il souligné. À cet effet, Dr Kherchi, a appelé à l’application du Plan de relance économique et l’organisation d’assises nationales pour son évaluation, en associant toutes les organisations patronales et également le Cnese. Questionné sur les prévisions économiques pour 2022, l’intervenant a affirmé qu’elle sera riche en matière de programmes et de plans, soit une année économique par excellence, et verra, notamment, l’organisation des conférences de relance pour l’Agriculture, le Tourisme et les Mines. Ainsi, les prix du pétrole seront entre 70 à 80 dollars voire, à 100 dollars, ajoute-t-il. Ceci permettra à l’Algérie de lancer des programmes de développement, affirme-t-il, estimant que le véritable défi pour cette année, c’est l’application et l’évaluation. En outre, l’expert a indiqué que le pouvoir d’achat des ménages poursuivra sa détérioration, et ce, en dépit des efforts consentis par l’Etat, notamment avec la révision du l’IRG et de la note indiciaire. Les prix de plusieurs produits connaissent une flambée sur le marché, suite aux dysfonctionnements de la chaine de production et, également, à la politique de rationalisation des importations. Cette dernière est à l’origine des perturbations sur le marché local de certains produits, à l’instar de lait en poudre, conclut-il.
Propos recueillis par Akrem R.