Kamel Chikhi, Professeur et consultant : «Les systèmes de distribution n’ont pas beaucoup évolué en Algérie»

Kamel Chikhi, Professeur et consultant

Kamel Chikhi est titulaire d’une licence en gestion économique, d’un magister en Marketing, d’un doctorat en sciences de gestion de l’université de Tlemcen (Algérie) et du CIHEAM IAM-Montpellier (France) et d’une habilitation universitaire de l’université de Sidi Bel Abbés. Il a été, notamment, « financier » responsable de la comptabilité de gestion à la cellule de la Banque Mondiale de la wilaya d’Ain Témouchent et directeur d’un bureau d’études et de consultations agricoles à Tlemcen. Il a enseigné les sciences de gestion et le marketing pendant 20 ans aux facultés des sciences économiques, commerciales et de gestion de l’université de Tlemcen et de celle de Sidi Bel Abbés, et consultant auprès d’établissements d’enseignements supérieurs privés. Actuellement, il est Professeur en sciences de gestion à l’Ecole Supérieure de Management de Tlemcen (Algérie), chef de projet de recherche et de formation universitaire « PRFU » et responsable d’équipe de spécialité master en Marketing Agroalimentaire. Il est également chercheur associé au niveau de l’unité de recherche en sciences sociales et santé (GRAS) de l’université d’Oran2. Ses principaux intérêts de recherche sont : le comportement et les attitudes des consommateurs envers les pratiques de management et de marketing, les nouvelles tendances et modèles de consommation, le management, et les stratégies d’affaires, en particulier des entreprises agroalimentaires. Il a publié plusieurs ouvrages et articles scientifiques dans des revues nationales et internationales. Ecoutons-le, nous décortiquer les systèmes de distribution en Algérie, leurs failles et leurs remèdes.

Entretien réalisé par Zoheir Zaid

Ecotimes : « Les systèmes de distribution en marketing » est votre récent livre. Pouvez-vous nous en révéler la genèse et quel impact pourrait-il avoir sur la distribution en Algérie ?

Kamel Chikhi : Tout à fait. L’ouvrage « Les systèmes de distribution en marketing », a été publié en 2023 aux éditions itinéraires scientifiques. Il compte 162 pages. Il s’adresse aux étudiants universitaires et ceux des grandes écoles de management et de commerce, aux enseignants de l’enseignement supérieur ainsi qu’aux professionnels exerçant dans le domaine et souhaitant avoir une synthèse complète de la distribution et de la logistique.

La distribution étant l’élément fondamental du mix-marketing, permettant d’acheminer les produits du lieu de production jusqu’à la vente finale. Elle constitue, donc, la phase essentielle pour mettre les produits et/ou services à disposition des consommateurs.

La gestion de la distribution est très complexe, constituée de systèmes englobant des fonctions, des acteurs, des circuits et des canaux.

La distribution est évolutive, suivant les innovations technologiques et commerciales. Les entreprises peuvent se différencier en choisissant une stratégie de distribution adaptée à leurs produits et à leurs clientèles ; alors que chaque pays cultive son modèle de distribution suivant les préférences du marché et les habitudes des consommateurs. En effet, il n’existe pas un modèle unique de développement des entreprises de distribution.

En Algérie, la grande distribution gagne du terrain mais lentement. Cela est dû au fait que les petits commerces de proximité et les marchés informels principalement pour les produits de large consommation sont le principal réseau de distribution dans le pays.

Les systèmes de distribution n’ont pas beaucoup évolué en Algérie. D’où la raison pour laquelle l’ouvrage permet aux futures professionnelles du domaine de la distribution et de la logistique d’élargir leurs compétences managériales et leurs réflexions afin que la distribution en Algérie se développe.

Cet ouvrage, synthétique et concret, comprend tous les mots clés des systèmes de distribution. Soutenu par des illustrations pratiques adaptées au cas d’Algérie, le livre constitue un ensemble de cours simplifiés : l’évolution de la distribution et ses défis ; la gestion et les stratégies de la distribution, le marketing des entreprises de distribution et le marchandising ; les informations et les comportements dans la distribution et enfin ; le e-commerce et la logistique de la distribution.

La distribution alimentaire en Algérie : comment est-elle structurée ? Et quel maillon manque à la chaine ?

Le secteur des produits alimentaires et des boissons est très sensible, il est important aussi bien pour les citoyens que pour les pouvoirs publics, c’est leur préoccupation quotidienne à laquelle les professionnels du secteur doivent répondre.

La distribution alimentaire vit en Algérie depuis de longues périodes d’instabilité des quantités et des prix, en plus des problèmes liés aux marchés désordonnés ou aléatoires, et des déséquilibres au niveau des voies de distribution des points de production aux niveaux intermédiaires en passant par la consommation.

La chaîne de distribution des produits alimentaires passe traditionnellement par plusieurs canaux. Du producteur au grossiste, au détaillant et/ou par les commerçants et les non-commerçants (courtiers).

La division des systèmes de soutien à l’agriculture de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) note que, « tandis que les consommateurs aisés se rendent dans des supermarchés pour faire du shopping, les résidents urbains à faible revenu se rendent généralement dans des magasins ou des cours à proximité de leur domicile (appelés marchés populaires) ou achètent auprès des vendeurs de rue. Dans le même temps, il n’y a pas eu d’expansion rapide sur les nouveaux marchés urbains, et les marchés actuels ne sont pas en mesure d’accueillir le nombre croissant de détaillants.»

Le manque d’espace et d’opportunités de marché dans les petites villes font émerger des marchés dits « aléatoires », qui comblent une lacune importante dans la chaîne de distribution alimentaire, mais créant des problèmes liés au trafic, à la santé et à l’environnement.

Les marchés de détail informels et les vendeurs de rue sont une source d’emplois et de revenus pour les catégories pauvres !

Selon les données de 2016, le programme des marchés locaux a consisté en la réalisation de 635 marchés intérieurs sur 783 marchés de quartier prévus, le restant à réaliser étant de 148 unités. A ce jour, plusieurs marchés couverts sont achevés mais toujours fermés.

Parallèlement, les entreprises agroalimentaires, 2e industrie du pays après l’énergie, est un secteur dominé par les industries privées (approximativement 95% vs 05% du public). Majoritairement, ce sont des petites entreprises plus proches de l’artisanat et familiales.

Le PIB industriel est alimenté à hauteur de 50% par les industries alimentaires (2023), comptant 31 000 entreprises employant 170 000 travailleurs. Les filières les plus importantes sont : céréales, lait, eaux et boissons, sucre.

On observe que le nombre d’entreprises agroalimentaires se multiplient par deux tous les 10 ans, de 1988 à 2018. A titre d’exemple, on en compte près de 432 minoteries, 21.000 boulangers et 100.000 revendeurs de pain, 15 entreprises du groupe public GIPLAIT et plus de 100 entreprises privées de taille très variable, et près de 700 entreprises de boissons.

Les canaux et circuits de distribution manquent à ces entreprises, ce qui leur permettra d’écouler leurs produits, d’améliorer leurs performances commerciales et d’exporter, et surtout de développer leurs activités productives. Certaines industries agroalimentaires algériennes gèrent elles mêmes la distribution de leurs produits car les réseaux de distribution sont souvent traditionnels et parfois même archaïques.

Y-a-t-il de nouvelles formes de commerce alimentaire ?

Oui, les chaînes de vente au détail sont les nouvelles formes de commerce alimentaire. Les chaînes de vente au détail sont les formes les plus modernes de distribution des produits agricoles et des produits alimentaires transformés de renommée internationale. Elles sont les magasins modernes réduisant la domination des marchés informels. Les pouvoirs publics espèrent que leur croissance, en particulier dans le secteur de l’épicerie, aura un impact positif sur les produits locaux.

Quel est l’importance de la grande distribution en Algérie et son impact économique ?

Actuellement, on compte près de 4.260 supérettes, 342 supermarchés et 57 hypermarchés en Algé- rie. Force est de constater que la grande distribution évolue mais très lentement, les petits commerces de proximité et les marchés informels dominent la vente au détail particulièrement pour les produits alimentaires dans le pays.

Il est vrai qu’en Algérie, l’essor de la grande distribution va non seulement contribuer au progrès des systèmes de distribution surtout pour les entreprises productives nationales et locales, épingler la domination des marchés et commerces informels, mais il va participer à l’atténuation du taux de chômage et certainement améliorer le pouvoir d’achat des consommateurs.

Z. Z.

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