La transformation digitale est devenue un thème en vogue en dépit de son ancienneté dans le lexique économique et le système entrepreneurial. La pandémie mondiale en a accéléré la mise en œuvre. L’Algérie et la France l’ont adoptée et reconnue la même année. Ce qui n’est pas rien. Dans cet entretien, Kamel Alabane, spécialiste de la question, présente, en détails, les enjeux et les applications de toute stratégie digitale, en définissant, également, les aspects liés à l’industrie 4.0 et l’industrie 5.0. Tout un programme.
Eco Times : La transformation digitale. Tout le monde en parle. Mais qu’en est-il au juste ? Et comment se fera son mode de mise en œuvre en Algérie ?
Kamel Alabane : La transformation digitale est loin d’être un sujet récent, elle constitue un sujet d’étude et de débat depuis qu’Internet est devenu public en 1990, en mettant le client (client, et collaborateur) au centre de sa chaîne de valeur. Je cite par exemple, le courrier électronique, la connexion à distance et le transfert de fichiers.
La transformation digitale, ou par son synonyme, la digitalisation, est le processus qui consiste à remplacer les métiers manuels par les toutes dernières alternatives ou prouesses numériques.
A partir de l’an 2000, avec l’apparition des différentes plateformes des réseaux sociaux, le terme de la digitalisation est devenu le buzzword, mais qui n’est devenue, reconnue et utilisée en France qu’en 2014, presque en même temps qu’en Algérie.
La pandémie a accéléré la stratégie de la transformation digitale.
La Covid-19 a accéléré l’adoption de la technologie numérique de plusieurs années.
Pour qu’on puisse mettre en œuvre la transformation digitale, nous avons besoin de changer l’état d’esprit, les croyances et les habitudes. Il faut convaincre les dirigeants des organisations de l’importance de la digitalisation, il faut leur assurer la confidentialité de leurs données par des lois simples et claires, mais qui, malheureusement, n’est pas le cas de toutes les entreprises privées qui respectent la confidentialité.
Un point très important dans toutes les organisations, c’est la gouvernance. La gouvernance doit bâtir une stratégie sur un des enjeux importants, qui est la transformation digitale ; elle va impérativement, offrir des bénéfices qui s’articulent autour des opportunités de création de valeur, que ce soit par l’engagement et la fidélisation des clients, la création d’un nouveau produit ou service, ou par la mise en œuvre d’un nouveau business model.
A fin de rendre la mise en place de cette digitalisation possible et efficace, il faut suivre les étapes suivantes :
- Mettre en place et à jour une gouvernance basée sur une organisation autant horizontale que verticale avec une culture positive ;
- Fixer une vision et identifier les objectifs à atteindre ;
- Changer le mindset et éliminer le déni : sur ce point il faut se focaliser sur le prochain « DIGITAL AFRICAN SUMMIT » le 31 mai 2022 et le valoriser comme Qatar le fait pour la coupe du monde ;
- Diagnostiquer les organisations et faire sortir les axes de développement et d’amélioration ;
- Mettre la digitalisation dans le cadre de management de projet avec des indicateurs de performance efficace, basée sur la valeur ajoutée et non sur la quantité ;
- Former des leaders digitaux : le top management représenté par le Président-directeur général (P-dg) ou les chefs d’organisations, ce sont eux qui peuvent façonner et guider une transformation digitale réussie ;
- Etre dans une démarche de co-création entre les différentes catégories socioprofessionnelles ;
- Libérer l’innovation et l’initiative ;
« L’étape de transformation signifie que les usages numériques permettent intrinsèquement des innovations et des créativités dans un domaine particulier, plutôt que de simplement améliorer et soutenir les méthodes traditionnelles. », dit-on. Cela est-il réalisable dans le milieu de l’Entreprise algérienne?
Sur cette question, si la gouvernance a l’esprit et la faculté d’accepter la pérennisation de l’entreprise, et si l’initiative et l’innovation sont au cœur de la gouvernance, c’est à ce moment là, que l’entreprise va favoriser, aider et participer à la transformation digitale.
Industrie 4.0. De quoi s’agit-il au juste à l’ère de la 5.0 qui pointe déjà son nez ?
Avant de parler de l’industrie 4.0, il faut comprendre l’impact et les tendances de post-Covid 19 jusqu’en 2035.
La Covid-19 a provoqué des perturbations du comportement des consommateurs, par la nécessité de la distanciation physique et le changement de business modèle pour éradiquer la Covid et les variants.
Les tendances en post-Covid qui ont été accélérées, sont comme suit :
- L’économie mondiale par l’évolution rapide de l’industrie 4.0
- La société par rapport au travail hybride et l’automatisation
- Le secteur des affaires, comme commerce online et l’industrie pharmaceutique.
L’industrie 4.0, loin d’être une définition académique, correspond en quelque sorte à la numérisation de l’usine ; l’industrie 4.0 organise des processus de production induits par les innovations liées à l’internet des objets (IoT) et aux technologies du numérique afin d’exploiter les données.
L’industrie 4.0 a joué un rôle très important et décisif durant la pandémie dans nombreuses entreprises, mais la crise a mis aussi la transformation digitale sous une nouvelle pression due à la perte de plusieurs postes d’emploi.
L’industrie 5.0 qui est axée sur l’idée de combiner la créativité et le savoir-faire des êtres humains avec la vitesse d’exécution, la productivité et la cohérence des robots, est en train de prendre de l’avantage pour garder la production des entreprises, mais je pense que nous ne sommes pas prêts encore pour cette industrie à cause du taux du chômage très important dans le monde, outre que les personnes arrivent à peine à sortir d’une mauvaise expérience.
Comment la transformation digitale impacte la carrière professionnelle et ouvre de nouvelles perspectives ?
On se souvient, il y a quelques années, lorsque l’intelligence artificielle (IA) gagnait en popularité, la transformation digitale est devenue le slogan du siècle et le monde marchait sur la voie de l’automatisation et la numérisation. Les salariés avaient peur de la venue des robots, d’où la perte de leurs postes de travail. Cette évolution est appelée industrie 4.0.
Les changements ont été provoqués par la pandémie, y compris le travail à domicile, et d’autres formes de collaboration en utilisant des outils digitaux comme la visio-conférence.
Par contre, plusieurs secteurs comme la restauration, le transport aérien et d’autres, qui nécessitent des petites mains, vont automatiser leurs activités par self distribution, la livraison à domicile et la robotisation. La pandémie a rendu la reprise des activités précédentes très difficile.
Les personnes qui ont compris se sont adaptées à la situation, envisageant une reconversion professionnelle.
La transformation digitale a permis de développer plusieurs plateformes de e-Learning, une majorité est devenue gratuite pour permettre à des centaines de milliers de personnes de se former et de développer de nouvelles compétences pour une nouvelle carrière.
Le travail à partir de la maison est devenu une situation ordinaire et plus productif, l’innovation est devenue un moteur de relance de chaque activité, et l’humanité est devenue proche, même avec des frontières fermées, pour cause de pandémie.
Comment mesurer le succès de la transformation digitale ?
Les organisations lancent de plus en plus d’initiatives digitales, et les P-dg doivent vérifier si elles produisent des résultats commerciaux.
Avant de discuter des indicateurs du succès de la transformation digitale, il est impératif de prendre le temps et de sélectionner les meilleurs talents qui s’engagent dans ce changement de la digitalisation.
Lorsqu’on discute avec les chefs d’entreprise sur la transformation digitale et comment progresse la transition, ils répondent souvent par une liste d’initiatives en cours dans l’entreprise (exemple : nouveau produit ou nouveau service). Mais quand je demande comment quantifier l’impact sur le résultat, je sens le silence et l’incertitude qui s’installent.
Donner la priorité aux initiatives de digitalisation est une première étape essentielle. Les chefs d’entreprises (P-dg) devraient se demander aujourd’hui : « Mon organisation a-t-elle une feuille de route claire relative des priorités digitales, plutôt qu’un panier de projets numériques ? »
Le but de cette feuille de route n’est pas seulement d’aller d’un point A à un point B, mais d’exiger de l’entreprise de prioriser 3 à 5 initiatives qui ont le potentiel de faire la différence significative dans la performance globale de l’organisation.
Entretien réalisé par zoheir Zaid