Tant attendu par les opérateurs économiques nationaux et étrangers, le nouveau projet de la loi relatif à l’investissement a été présenté, hier, par le ministre de l’Industrie, Ahmed Zeghdar devant les membres de la Commission des questions économiques, du développement, de l’industrie, du commerce et de la planification à l’APN.
Par Akrem R.
Il sera présenté en plénière de la chambre basse du Parlement, puis du Conseil de la nation avant la clôture de la session parlementaire, au mois de juillet, en raison du caractère d’urgence que lui a conféré le président de la République.
Ainsi, le ministre Zeghdar a présenté les grandes lignes de cette nouvelle loi susceptible d’insuffler une nouvelle dynamique à l’investissement, à l’arrêt depuis près deux ans, notamment les IDE. Ces derniers ont connu un net recul durant 2021, où seulement 870 millions de dollars ont été captés contre 1,14 milliards de dollars en 2020, année marquée par la propagation de la pandémie de la Covid-19. Situation due à l’absence d’un cadre législatif clair et à la détérioration du climat des affaires dans notre pays, notamment, avec la prolifération de la bureaucratie au sein de l’administration.
Création d’un organe de suivi auprès de la Présidence
Conscient de cette réalité, le président de la République, Abdelmadjid Tebboune a ordonné l’élaboration carrément d’une nouvelle loi régissant l’investissement. Des orientations claires ont été données dans ce sens, notamment, en matière de transparence et d’accompagnement des investisseurs et, surtout, de stabilité juridique. En clair, cette loi ne devrait pas connaitre d’amendements profonds pour au moins une période de 10 ans.
À travers cette démarche, la stabilité juridique, qui fait défaut actuellement, sera garantie et donnera plus de visibilité aux investisseurs et redonnera également confiance aux chefs d’entreprises locaux et internationaux. L’autre objectif de la nouvelle loi sur la promotion de l’investissement c’est «d’adapter l’écosystème institutionnel en charge de la mise en œuvre des règles en matière d’investissement».
Afin de pallier d’éventuels blocages de projets d’investissement, le président Tebboune a ordonné la création d’un organe chargé de statuer sur les recours des investisseurs, dont une réponse doit être notifiée aux concernés dans un délai n’excédant pas un mois.
Le nombre d’intervenants dans l’acte d’investir sera ainsi limité et l’investisseur aura une seule adresse, le guichet unique. Les représentants des organismes et des administrations bénéficieront des pleins pouvoirs de décision.
D’autres nouveautés sont enregistrées. Il s’agit de «la révision du rôle du CNI, en réhabilitant les missions et attributions organiques prévues lors de sa création, notamment pour les aspects portant approbation de stratégies et de politiques de promotion de l’investissement».
Il est question de «la reconfiguration de l’ANDI, avec une nouvelle dénomination ‘‘ Invest Algeria’’ pour qu’elle soit plus visible à l’international, tout en lui accordant le rôle d’un vrai promoteur et accompagnateur des investisseurs».
Trois régimes d’incitations
Dans son exposé, le ministre Zeghdar a fait savoir que trois régimes d’incitation qui concernent les secteurs prioritaires, les zones auxquelles l’Etat accorde un intérêt particulier et les investissements revêtant un caractère structurant, y ont été également introduits.
Sont éligibles au «régime des secteurs» les investissements réalisés dans les domaines des mines et carrières, l’agriculture, l’aquaculture et pêche, l’industrie, l’industrie agro-alimentaire, l’industrie pharmaceutique et pétrochimie, les services et tourisme, les énergies nouvelles et renouvelables, ainsi que celui de l’économie de la connaissance et des TIC.
Au titre de la phase réalisation, ces investissements peuvent bénéficier, outre les incitations fiscales, parafiscales et douanières prévues dans le cadre du droit commun, d’exonération des droits de douane pour les biens importés et de franchise de la TVA pour les biens et services importés ou acquis localement et directement liés à leur réalisation.
Au titre de la phase d’exploitation, il s’agira d’exonération de l’impôt sur le bénéfice des sociétés (IBS), en plus de l’exonération de la taxe sur l’activité professionnelle (TAP) pour une durée, allant de trois (03) à cinq (05) ans à compter de la date d’entrée en exploitation.
Concernant les investissements éligibles au «régime des zones», il s’agit de ceux réalisés dans des localités des Hauts Plateaux, du Sud et du Grand sud, dans des localités dont le développement nécessite un accompagnement particulier de l’Etat ou encore des localités disposant de potentialités en ressources naturelles à valoriser.
Des exonérations fiscales entre 5 à 10 ans
Outre les incitations fiscales, parafiscales et douanières prévues dans le cadre du droit commun et les avantages attribués aux investissements relevant du «régime des secteurs» à la phase réalisation, les investissements du «régime des zones», dont les activités ne sont pas exclues, peuvent également bénéficier, au titre de la phase exploitation, d’exonération de l’IBS et de la TAP pour une durée allant de cinq (05) ans à dix (10) ans à compter de la date d’entrée en exploitation du projet.
Par ailleurs, les investissements éligibles au régime «des investissements structurants», sont les investissements à haut potentiel de création de richesse et d’emploi, susceptibles d’augmenter l’attractivité du territoire et de créer un effet d’entrainement sur l’activité économique pour un développement durable.
Au titre de la phase d’exploitation, ils bénéficient également de d’exonération de l’IBS et de la TAP pour une durée allant de cinq (05) ans à dix (10) ans à compter de la date d’entrée en exploitation du projet. Ces investissements peuvent aussi bénéficier d’un accompagnement de l’Etat, explique Zeghdar, par la prise en charge, partielle ou totale, des travaux d’aménagement et d’infrastructures nécessaires à leur concrétisation, sur la base d’une convention établie entre l’investisseur et l’Agence agissant au nom de l’Etat et conclue après son approbation par le gouvernement. Concernant le permis de construction, le ministre Ahmed Zeghdar a assuré que l’investisseur aura son permis d’un délai entre 21 et 30 jours, contrairement aux procédures anciennes, ou ce fameux document est délivré après tant d’année d’attentes (entre 2 à 3 ans). En somme cette nouvelle loi est qualifiée de bonne nouvelle pour le monde de l’investissement, nécessitant une application et un suivi rigoureux pour sa réussite.
A.R.
Hamza Boughadi, expert en économie : «D’autres réformes sont engagées … »
L’expert en économie, Hamza Boughadi, a conditionné la réussite de la nouvelle loi sur l’investissement, par la préparation d’un environnement adéquat pour son applicabilité. En d’autres termes, il y a nécessité de lancer, et en urgence, de nouvelles réformes en parallèles et ayant un lien avec l’acte d’investir.
Dans ce cadre, l’intervenant a estimé nécessaire d’améliorer d’abord le système fiscal, en le simplifiant et le modernisant. Le digital doit avoir son empreinte dans la relation entre l’investisseur et les services d’impôts. « Il serait inadmissible de voir encore de longues files d’attente devant ces services pour le paiement des charges fiscales ! Un grand travail doit être fait dans ce domaine afin de faciliter la tâche aux chefs d’entreprises et investisseurs», souligne-t-il. Outre le système fiscal, il y a lieu de réformer également notre système financier et bancaire. «Nous sommes contraints de nous mettre au diapason de ce qui se passe partout dans le monde. L’investisseur local ou étranger doit trouver toute les facilitations nécessaires en matière de demande de crédit et transfert de dividendes», suggère Hamza Boughada, en appelant à l’accélération de ces réformes pour rattraper le retard et relancer la machine économique de notre pays.
Sur le plan international, l’économiste a recommandé de lancer un vaste programme de sensibilisation et de communication sur le plan de relance économique de l’Algérie, et ce, dans le but de le vulgariser. «Nous devons nous rapprocher des grands bureaux d’étude spécialisés pour faire la promotion de l’investissement en Algérie. Notre diplomatie doit également s’impliquer davantage dans le domaine économique», ajoute-il, tout en mettant en garde contre la politique d’interdiction des importations. «Partout dans le monde, il y a des mesures de protection du produit local, mais nous ne devons pas interdire carrément l’importation. On risque la réciprocité et la restriction du commerce extérieur est mauvaise pour le pays. D’abord, vis-à-vis de nos partenaire et également, sur la qualité et prix du produit en question. L’absence de la concurrence nuit à la production d’une manière générale et une fois nous avons un surplus dans un tel produit, on ne trouvera pas de pays à exporter !», conclut-il.
A. R.