Nacera Moumen, Professionnelle du tourisme et directrice générale de l’agence Voyage du cœur
Eco Times : La crise sanitaire induite par la propagation du coronavirus a impacté gravement le secteur du tourisme en général, et les agences de voyage en particulier, comment avez-vous vécu cette situation ?
Nacera Moumen : C’est un vrai désastre ! La pandémie nous a mis à genoux. L’activité touristique est l’une des premières activités à être gelées depuis le début de la crise sanitaire et la fermeture de l’espace aérien et des frontières maritimes et terrestres.
Depuis mars derniers, tous nos voyages organisés pour les vacances de mars ont été annulés pour les deux types de tourismes, international et national.
Pour ce qui est de la billetterie, je dois m’arranger avec mes clients affectés par l’annulation de leurs vols, sachant qu’ils ne seront pas remboursés par les compagnies aériennes. Ceci dit, toutes les agences de voyage demeurent fermées tant que cette crise perdure. Cette situation nous paralyse totalement, sachant que nous avons des charges à honorer et des employés à payer.
Beaucoup d’agences de voyage ont baissé rideau au moment où d’autres vivotent difficilement en attendant la reprise de l’activité, pouvez-vous nous donner des chiffres à même de mesurer l’impact sur le secteur ?
Il existe plus de 3000 agences de voyages employant pas moins de 300.000 travailleurs à travers le pays. Les pertes sont énormes ! Plus de 200 agences ont déjà baissé le rideau, faute de ressources financières.
Les pouvoirs publics, à travers le ministère du Tourisme, de l’Artisanat et du travail familial, a entamé des pourparlers avec le SNAV, la FNAT, la FNTCT et la FNHC, qu’attendez-vous, en tant que professionnels, de cette démarche ?
Effectivement un plan de sauvetage a été présenté à la tutelle par les différents organisations afin d’accompagner les agences de voyage durant cette période exceptionnelle. Des propositions ont été même formulées, à l’instar de l’exonération de toutes les charges sociales relevant de la Cnas et Casnos, l’attribution de subventions compensatoires pour protéger les emplois. Bien évidemment, pour assurer une meilleure reprise des activités touristiques, nous souhaitons que l’Etat accède à notre demande d’accès à des prêts bancaire sans intérêt, sachant que toutes nos ressources sont bloquées au niveau des compagnies aériennes sans qu’aucun rembourrement ne soit fait.
Des propositions visant à faciliter l’accès à des crédits bancaires bonifiés et d’alléger les procédures du remboursement des créances, ont été formulée, pensez-vous que ce soit suffisant pour récupérer le manque à gagner ?
A considérer l’état actuel des choses, il est très difficile de relancer notre activité. Toutefois, ces mesures peuvent bien nous soulager, ne serais-ce que pour le paiement des charges locatives.
Je pense par contre que l’ouverture des frontières et la mise en place d’un protocole sanitaire reste la seule solution pour redémarrer nos activités et faire rembourser nos clients qui attendent depuis mars. Cela sans oublier que le pouvoir d’achat a baissé et que la rentrée sociale est à nos portes, ce qui complique d’avantage la situation. Les algériens vont penser en derniers à leurs vacances après cette pandémie qui est loin d’être finie.
Le tourisme national demeure encore à ses premiers balbutiements, et ce en dépit des investissements consentis depuis des années, comment d’après-vous il sera possible de développer ce secteur et de lui redonner ses lettres de noblesse ?
Nonobstant les effets de la crise sanitaire actuelle, qui réduit à néant toute velléité de développement du secteur touristique dans notre pays, il faut admettre que presque tout est à faire pour prétendre hisser le tourisme au rang de secteur productif qui, comme on le dit à chaque fois, présente une alternative aux hydrocarbures.
En d’autres termes, le tourisme national ne peut être développé que si nous changeons nos comportements et notre mentalité. A la base, il y a la formation et le potentiel humain, ce à quoi s’ajoute le développement des infrastructures hôtelières et de loisirs.
Plusieurs pistes sont à explorer dans ce cadre, à l’image de celle de la privatisation des hôtels publics pour assurer une meilleure gestion, et le développement de grands pôles touristiques : balnéaires, montagneux, forestiers et sahariens.
Le tourisme saharien doit être une priorité, car notre pays recèle d’énormes potentialités. Pour cela il faudra encourager et accompagner les investisseurs à venir dans le secteur du tourisme, pour développer des projets modernes.
Propos recueillis par Nadjib K.