M. Boudiba Messaoud, président du Cnapest (Conseil national autonome des professeurs de l’enseignement secondaire et technique), a qualifié la rentrée scolaire de «très préoccupante». Pour lui, à part les promesses et les mots du ministère de tutelle, «rien na été engagé pour que cette rentrée se fasse sous les meilleurs auspices».
Eco Times : Ce 4 novembre a eu lieu le rentrée scolaire pour le 2e et le 3e paliers. Comment la jugez-vous 15 jours après ?
Messaoud Boudiba : Cette rentrée scolaire a été catastrophique, aussi bien pour l’élève que pour l’enseignant. Le manque de moyens est flagrant. Elle a été caractérisée par un manque de matériel et de personnels. De plus, le protocole sanitaire est difficilement observé dans la plupart des collèges et des lycées.
On demande à l’enseignant de faire observer des règles sanitaires, sans pour autant lui en donner les moyens. Je me répète peut-être mais la situation est catastrophiquen et ce n’est pas un avis alarmiste.
Il faut, pour respecter les règles sanitaires, un budget conséquent et spécifique. Et non, comme l’a ordonné le ministère, de transférer l’argent de certains chapitres comptables vers d’autres. Donner les moyens, ce n’est pas un simple jeu d’écritures comptables.
Déjà qu’auparavant, les sommes allouées étaient insuffisantes. Il faut savoir que 50 à 70% du budget représentent les factures d’électricité, d’eau et de gaz. Comment voulez-vous qu’un chef d’établissement puisse faire front à cela ? On ne peut résoudre un problème en recréant un autre. Si cette pagaille continue ainsi, dans deux mois la situation sera ingérable.
Certaines infrastructures sont obsolètes (vu la pandémie), alors que dans certaines régions, c’est le manque criard de ces infrastructures qui se fait sentir. Le ministre doit avoir une réactivité très prompte, et répondre très vite aux sollicitations.
Comment les enseignants ont-ils appréhendé cette rentrée scolaire ?
Il y a avait une certaine appréhension, vu la crise sanitaire, mais sans plus. Sauf que dès le premier jour, le corps enseignant a vite déchanté. A part de l’eau de Javel et l’eau des citernes, c’était pratiquement la seule mesure préventive que ce corps a trouvée. Très peu d’écoles disposaient de gel hydroalcoolique. Les moyens mis à disposition étaient peu conséquents.
Vous voulez dire que l’enseignant se sent menacé par le coronavirus ?
En un certain sens, oui. On ne donne aucun moyen à l’enseignant pour se protéger. Et pourtant, il exerce dans un milieu à risque, dans la mesure où les enfants sont des porteurs sains.
De plus, au-delà de cet aspect, l’enseignant se sent livré à lui-même. Il ne lui est garantie aucune assurance. En cas de contamination, c’est sur ses propres deniers qu’il doit puiser pour se soigner, avec tous les frais que cela peut engendrer. Déjà, rien que pour l’analyse PCR, il faut débourser pas moins de 10.000 Da, à la suite de quoi, si la contamination est avérée, il ne peut que recourir aux arrêts de maladie.
A propos du volume horaire, pensez-vous que l’enseignant soit à même d’honorer ses engagements ?
Les emplois du temps sont illogiques. Cela crée des problèmes, car l’enseignant doit travailler plus de 32 séances. Aussi, le Cnapest préconise l’ouverture de postes budgétaires pour le recrutement d’enseignants, afin de réduire, un tant soit peu, des problèmes constatés lors de cette rentrée scolaire. Si ces problèmes venaient à perdurer, ils pourraient être à l’origine d’instabilité du secteur de l’éducation.
Par ailleurs, je précise surtout que l’enseignant qui n’a pas été préparé aux méthodes de rattrapage des cours perdus, bénéficie d’une formation de 2 semaines. Quant à savoir si cela et suffisant, seul le temps nous le dira.
Propos recueillis par Réda Hadi