Lyazid Khaber, auteur d’Algérie, une économie qui se cherche
Eco Times : Vous venez de publier un livre, Algérie, une économie qui se cherche. Pouvez-vous nous en parler davantage ?
Le livre se veut une réponse à une question simple que je me suis posée il y a quelques années déjà, en faisant le constat amer de l’absence d’une stratégie sérieuse dans un pays comme le nôtre qui recèle, pourtant, d’énormes potentialités. La question est de savoir comment nous en sommes arrivés là ? A la fin du règne d’Abdelaziz Bouteflika, alors que l’Algérie a eu toutes les possibilités de bâtir une économie forte, avec plus d’une décennie d’aisance financière, ce qu’on appelle la «bahbouha», nous étions encore à chercher de fausses solutions à des questions pourtant lancinantes. Cependant, le mal de notre économie ne date pas de la veille, faut-il en convenir. Car, depuis l’indépendance du pays, les gouvernements successifs n’ont pas fait mieux. D’ailleurs, au départ j’allais titrer le livre : Algérie/économie ou l’entretien de l’illusion par l’illusoire ! C’est vrai, toutes les politiques suivies ne faisaient qu’entretenir l’illusion par des solutions illusoires et sans aucun effet réel sur le développement du pays. Mieux encore, de Ben Bella à Bouteflika, en passant par Boumediene, Chadli ou encore Zeroual, l’Etat n’a pas cessé de se perdre en conjecture, sachant que la notion de management des affaires publiques n’a jamais été le fort de nos politiques. Cela dit, le livre, Algérie, une économie qui se cherche, surfe sur les différentes périodes traversées par le pays, en partant des conditions catastrophiques (entendre sur les plans politique et économique) dans lesquelles s’est retrouvé notre pays à l’indépendance.
Dans votre livre, vous avez évoqué les phénomènes de la petite bourgeoisie et de la corruption, qui minent les circuits de l’Etat, même du temps du socialisme. Peut-on avoir un éclaircissement ?
En effet, si, aujourd’hui, nous avons l’impression que tout le monde essaye de faire croire que la prise d’assaut des circuits étatiques par la petite bourgeoisie opportuniste et corrompue, est un phénomène apparu à la fin des années 1990, et bien non ! Car, à peine l’indépendance arrachée, les arrivistes se sont emparés de l’Etat. Une caste de nouveaux riches n’a pas tardé à se placer aux côtés des enfants de caïds et autres bachaghas qui occupaient l’administration au départ des Français qui ont abandonné le pays dans la misère, avec en sus une population à majorité illettrée. D’ailleurs, on entend souvent que Boumediene a mis en place les bases de l’économie nationale, or que non. Il n’a fait que gérer les équilibres, et ce n’est pas pour rien qu’il reconnaisse lui-même l’échec de la politique suivie au crépuscule de sa vie. En un mot, l’Etat a été court-circuité depuis longtemps, et tant que l’on continue à gérer les équilibres sans vouloir asseoir une vraie politique d’Etat, il sera regrettable de dire que ce n’est pas demain la veille.
Vous avez publié votre livre en France. Pourquoi ne l’avez-vous pas publié en Algérie ?
J’avoue que si j’ai publié mon livre en France, chez les Editions Spinelle que je remercie au passage, pour leurs sérieux et professionnalisme, ce n’est pas sans regret. Mais bon, on n’a pas toujours le choix de faire les choses comme on veut. Ici en Algérie, éditer un livre ressemble à une entreprise délicate. Les éditeurs, livrés à eux-mêmes, sans aucun soutien de l’Etat pour encourager l’édition et la distribution, se contentent de publier quelques livres seulement, et souvent c’est le livre «commercial», qui est privilégié, sachant que les éditeurs doivent aussi rentrer dans leurs frais. Toutefois, je suis actuellement à la recherche d’un éditeur pour une édition en Algérie, car cela me fait de la peine que mon livre soit disponible à Paris, à New York ou même à Dakar, mais pas à Alger.
Propos recueillis par Sid-Ahmed Dziri