Kamal Kheffache, expert-consultant en développement socio-économique
L’économie nationale, déjà durement touchée depuis la chute brutale des cours pétroliers dès 2014, s’en trouve doublement pénalisée aujourd’hui pour cause de pandémie mondiale due à la propagation du Corona virus. Une «double peine» contraignant les pouvoirs publics à faire face à une multitude de défis socio-économiques, à travers la mise en place en urgence, d’un plan de relance de l’appareil de production nationale. M. Kamal Kheffache, expert en développement socio-économique, dans cet entretien qu’il a bien voulu nous accorder, pose un regard froid et lucide autant sur l’historique de la genèse de la crise économique du pays, depuis 2014, que sur le diagnostic qu’il en tire. Et ce, avant de proposer toute une série de propositions de réformes fondant sa vision d’expert du plan de relance en question et des modalités pratiques de sa mise en place.
Eco Times : Faisant face aux effets de la crise économique ambiante, qui se trouve aggravée par la crise sanitaire induite par la propagation de la Covid-19, l’Algérie est confrontée à une multitude de défis en ce moment. Quelle lecture faites-vous de la situation qui prévaut actuellement ?
Kamal Kheffache : Depuis le recouvrement de son indépendance, en 1962, l’Algérie a traversé une multitude de crises économiques. La plus importante remonte aux années 1980, à l’ère du monopole de l’Etat, plus exactement en 1985, suite à la chute brutale des prix du pétrole brut sur les marchés internationaux et à laquelle s’est ajoutée celle du dollar, non anticipée par le gouvernement. A cette époque déjà, au moment où le secteur public marchand était dominant, des mesures partielles ont été prises pour soumettre le secteur public marchand aux normes de la rentabilité financière, en les rendant plus autonomes. Mais pour des raisons politiques de l’époque, le processus a été freiné, ce qui a produit un certain nombre d’effets pervers : désorganisation de l’économie, économie informelle et marché parallèle du change, corruption, surendettement extérieur, en recourant aux crédits du Fonds monétaire international (FMI). En 1989, à un moment où la situation économique et sociale était devenue très défavorable, des réformes économiques appuyées par un processus d’ouverture politique étaient initiées dans le but de soumettre l’économie nationale aux lois du marché et, en particulier, à restaurer la contrainte financière sur les banques et les entreprises. A la fin des années 1990 et au début des années 2000, après la décennie noire, devenue l’une des principales préoccupations du gouvernement, la gestion de la crise de la dette était une des raisons qui a poussé les décideurs à engager d’autres nouvelles réformes. Depuis les années 2000 à mi-2014, avec la flambée des prix du pétrole où le baril s’échangeait entre 100 et 125 USD, les caisses de l’Etat étaient bien renflouées, ce qui lui a permis de reconstituer ses réserves de change qui ont atteint le seuil 200 Mds de USD. Certes, d’énormes projets publics ont été réalisés, mais en engendrant beaucoup de gaspillages avec peu d’investissements dans le secteur économique productif.
La genèse de la crise économique que traverse actuellement notre pays remonte à mi-juin 2014, suite à l’effondrement des prix du pétrole. Et ce, après près de cinq ans (mi-2014-début 2019) de passage à vide (absence de plan d’actions anti-crise) auquel s’ajoute une année de crise politique, conséquence de l’avortement du 5e mandat présidentiel par la mobilisation populaire massive – le Hirak – enclenchée le 22 février 2019. Reportée à deux reprises (18 avril puis 4 juillet de la même année), le 12 décembre 2019, l’élection présidentielle a eu lieu en propulsant M. Abdelmadjid Tebboune à la tête de la magistrature suprême, dans un contexte particulier pour notre pays, marqué, notamment, par une crise économique. Juste après son investiture et l’installation du nouveau gouvernement, le président Abdelmadjid Tebboune, qui veut relancer au plus vite la machine économique, a présidé le 5 janvier 2020 la première réunion du Conseil des ministres, en entamant son mandat par l’élaboration de son plan d’action. A peine adopté le 6 février, lors d’une réunion extraordinaire du Conseil des ministres et juste après par les deux chambres (13 février par l’APN et le 16 février par le Sénat), le plan en question s’est trouvé confronté à des contraintes pour son début de mise en œuvre, en raison de l’apparition subite de la pandémie mondiale du Corona virus (Covid-19), dont le premier cas de contamination a été identifié et confirmé le 25 février. Depuis cette date à ce jour, comme tout le reste du monde, notre pays sera plongé dans une crise sanitaire occasionnée par la propagation galopante de ce virus, paralysant son appareil de production durant plusieurs mois, en raison du confinement imposé.
Aujourd’hui, face à une crise multidimensionnelle (sanitaire, économique, commerciale, financière, sociale, …), et au plan économique, avec une compression importante des réserves de change, chutant de 200 à moins de 60 Mds USD, un creusement du déficit de la balance commerciale, une paralysie de l’appareil de production et l’isolement imposé par les décisions d’instauration d’un confinement, notre pays se trouve exposé à une situation socio-économique inconfortable et confronté à une multitude de défis. Il faut avouer que nous sommes en train de subir une crise économique exceptionnelle, et contre laquelle, il est recommandé aux pouvoirs publics de préconiser des solutions exceptionnelles, en déployant une stratégie et un plan d’actions tout aussi exceptionnels.
Les hautes autorités du pays tablent, à présent, sur la mise en œuvre d’un nouveau plan de relance économique, avec comme pierre d’achoppement la mobilisation des ressources naturelles, l’amélioration du climat des affaires et l’accompagnement des entreprises, dont les PME-PMI et autres start up. Quelles sont d’après-vous les chances d’aboutir à une démarche structurante et viable en si peu de temps qu’exige la conjoncture ?
Au moment où les indicateurs macroéconomiques étaient déjà proches de la zone rouge, bien avant la crise sanitaire du Covid-19, après une période de confinement de plus de 4 mois et qui risque d’être prolongée pour une période indéterminée, en fonction des différents scénarios de récession (du plus pessimiste au plus optimiste), notre pays comme la plupart des pays en développement, traverse actuellement une crise socio-économique d’une ampleur sans précédent.
Cependant, conscientes de la gravité de cette crise, les hautes autorités de l’Etat ont élaboré un nouveau plan national de relance socio-économique très ambitieux, à l’effet d’éviter un naufrage de l’économie nationale en édifiant une nouvelle économie et en tablant sur la mobilisation des ressources naturelles, l’amélioration du climat des affaires et l’accompagnement des entreprises, dont les PME-PMI et autres start- up.
Certes, le plan en question est très ambitieux, mais il faut avouer que son aboutissement est tributaire, tout d’abord, de la démarche préalablement retenue pour son élaboration et, ensuite, du respect des conditions de sa mise en œuvre sur le terrain.
Concernant la démarche, il faut rappeler que tout plan entreprenant doit reposer sur un diagnostic serein, dont une économie peu diversifiée, peu compétitive et dépendante des recettes des hydrocarbures et de leurs dérivés (environ 98% des recettes totales), un tissu industriel dont la contribution à la formation du produit intérieur brut avoisine à peine 5 à 6%, un taux d’intégration des entreprises (publiques et privées) ne dépassant pas les 15%, et une faible incorporation des nouvelles technologies dans les procédés de fabrication, auxquels s’ajoute le décalage entre le modèle de mangement stratégique adopté par la plupart des entreprises et la réalité économique nationale et internationale. Il est, donc, nécessaire de bien définir les choix stratégiques qui vont sous-tendre l’édification d’un nouveau modèle économique, en procédant, tout d’abord, à l’examen de la situation, et s’interroger si ce dernier est en mesure d’assurer, à la fois, la prospérité, l’épanouissement et le développement des capacités, l’inclusivité, la solidarité et la durabilité.
Quant aux conditions de mise en œuvre sur le terrain de ce nouveau plan, il est recommandé d’adopter une nouvelle gouvernance tant au niveau national que spatial (local, territorial), en recourant à la décentralisation de certains pouvoirs de décision, en impliquant les élus locaux et la société civile, les chefs d’entreprises, les organismes bancaires et les établissements financiers, les universités et les centres de recherche, les instituts de formation, les organisations professionnelles et la société civile.
Cette structure se concentrera, d’abord, sur les mesures urgentes de sauvegarde de l’économie durant la période de confinement, puis des mesures de réajustement pendant la période de reprise d’activité et de montée en cadence post-confinement. Elle sera composée de cellules de veille, de contrôle et d’anticipation dans neuf secteurs d’activité : agriculture, mines, industrie, PME, énergie, poste et télécoms, tourisme et artisanat, commerce local et extérieur, aménagement du territoire et collectivités locales.
Ces cellules vont procéder à des sondages à distance (mail, visio-conférence), auprès des opérateurs économiques, des organisations professionnelles, des administrations, des organisations de la société civile, et ce, à l’effet de bien évaluer la réalité de chaque secteur.
Chaque cellule sera chargée de mener des réflexions en matière de relance socio-économique par secteur et de préconiser des mesures très concrètes.
Durant sa mission, le comité ou le secrétariat d’Etat organisera des rencontres-débats médiatisées, en invitant les capitaines d’industrie, les responsables politiques, les économistes ou experts et scientifiques de différents horizons pour la mise à jour et le renforcement du diagnostic, réajuster et réorienter les actions et en tirer les enseignements.
Cette démarche permettra d’identifier les dysfonctionnements ou les lacunes, les incohérences et les retombées, de façon à aider les pouvoirs publics à améliorer les dispositifs d’urgence et à rendre plus efficace le plan de relance socio-économique.
En résumé, en cette conjoncture exceptionnelle et unique, le plan de relance socio-économique envisagé, et qui doit être appliqué tant au niveau national que spatial (local, territorial), devrait se fonder sur une analyse de la situation des besoins des entreprises et des ménages, mais aussi de façon plus prospective, sur les enseignements à tirer de cette période de crise inédite, et les moyens d’accélérer les mutations nécessaires de l’économie nationale afin qu’elle soit plus prospère, inclusive, compétitive et durable.
La crise sanitaire couve une crise économique impactant gravement le front social avec comme lots, des pertes d’emploi, une baisse drastique du pouvoir d’achat des citoyens et une inflation, qui risque d’évoluer négativement d’ici la fin de l’année. Quelles sont, d’après-vous, les mesures d’urgence à prendre ?
Pour rappel, la genèse de la crise économique que traverse actuellement notre pays remonte à mi-juin 2014, suite à l’effondrement des prix du pétrole. Celle-ci s’est accentuée par les effets de la crise sanitaire mondiale déclenchée par propagation du Corona virus Covid-19, à cause du confinement à domicile et à l’arrêt d’activité de milliers d’entreprises depuis la mi-mars 2020, suite à l’apparition des premiers cas de contamination, dans notre pays. A cet effet, des mesures de confinement nécessaires ont été prises par les pouvoirs publics afin de ralentir la propagation du virus. Cette situation a porté gravement préjudice à notre économie, particulièrement les petits commerces, l’hébergement, la restauration, les transports et le tourisme, ainsi que d’autres services, l’artisanat et les métiers du BTPH, notamment. Dans la plupart de ces secteurs, la majorité des travailleurs sont, soit indépendants, soit employés de petites et moyennes entreprises. Ces entreprises et ces travailleurs sont particulièrement vulnérables. Cela risque d’impacter gravement le front social, engendrant des pertes d’emplois, une baisse drastique du pouvoir d’achat des catégories sociales vulnérables.
Face à cette situation et pour atténuer le risque de disparition des entreprises, particulièrement les PME et les petits métiers (artisans), et de dépréciation des conditions de vie des populations vulnérables, les pouvoirs publics ont pris des mesures, à travers des aides financières. En effet, la somme de 30 000 dinars a été allouée aux PME et petits métiers, touchés par la pandémie du corona virus (Covid-19), pendant une période de 3 mois.
Sans doute, d’ici la fin de l’année 2020, le contexte sera encore exceptionnellement très difficile. Toutefois, si la pandémie s’affaiblira au cours du semestre en cours, alors les mesures de confinement seront levées progressivement, ce qui permettra une reprise progressive des activités des entreprises d’ici la fin d’année 2020, mais avec des perspectives exposées à une grande incertitude ainsi qu’un risque d’aggravation de la situation, en fonction de nombreux facteurs, dont celui de la durée de la pandémie. Tout dépendra essentiellement des mesures concrètes que nous devons prendre maintenant.
A mon avis, pour amortir les conséquences de cette crise économique, qui a impacté considérablement la santé économique et financière des entreprises, ainsi que les conditions de vie des populations en cas de perte massive des pertes d’emplois et de baisse du pouvoir d’achat, il est recommandé d’anticiper par la mise en place d’une stratégie à moyen et long termes, en prenant en considération un certain nombre de priorités. Parmi les priorités, on retient :
- Le maintien des mesures essentielles de confinement et de soutien à notre système de santé. Il est évident que vaincre le virus et protéger la santé de la population constituent un impératif pour la reprise économique. Donc, il faut accorder la priorité aux dépenses de santé permettant de réaliser des tests et d’acquérir des équipements médicaux, rémunérer les personnels médicaux et paramédicaux, assurer le bon fonctionnement des hôpitaux et des centres de soins. Et, en parallèle, nous devons limiter la perturbation des chaînes d’approvisionnement des marchandises vitales (médicaments, produits alimentaires de base, …), tout en assurant leur disponibilité.
- La protection des personnes et des entreprises touchées grâce à des mesures financières de grande envergure, ponctuelles et ciblées. Il s’agit, par exemple, de reports d’impôts dus des années antérieurs, d’annulation des pénalités de retards, d’exonération d’impôts relatifs à l’exercice 2020, de reports du paiement des échéances bancaires, de facilitations en matière de financement de l’exploitation des entreprises (mode de financement spécial Covid-19), avec des ajustements provisoires des modalités des prêts, de subventions salariales et de transferts monétaires aux plus vulnérables, de la mise en place d’un dispositif d’assurance-chômage et d’assistance sociale au profit des populations vulnérables… pour ne citer que celles-là. Certaines de ces mesures ont été prises récemment par les pouvoirs publics. Certes, elles sont importantes pour faire face aux besoins immédiats des populations et des entreprises, mais en cas de persistance de la propagation de cette pandémie, d’autres mesures complémentaires devront être prises, car les ménages et les entreprises auront inévitablement besoin de bouées de sauvetage. Aujourd’hui, nous sommes en situation de manque de liquidités au niveau des banques et des établissements financiers, alors, nous devons empêcher que les tensions sur les liquidités ne se transforment en problèmes de solvabilité et, surtout, éviter l’apparition de séquelles qui rendront la reprise économique beaucoup plus difficile, lors de la période de déconfinement.
- La réduction des tensions sur le système financier et la prise de mesures permettant d’éviter l’effet de contagion. Pour ce faire, il est recommandé de procéder à l’analyse de l’ensemble des facteurs de vulnérabilité du secteur financier. Comme ce dernier subit actuellement d’intenses pressions et que les banques ont épuisé leurs liquidités au cours des six dernières années, leur résilience sera mise à l’épreuve dans ce contexte en perpétuelle mutation. Par conséquent, il est impératif de préconiser des mesures de relance monétaire et des mécanismes de liquidités. Un des leviers sur lequel il faudra s’appuyer sera celui de réduire les taux d’intérêt. Enfin, pour rehausser la confiance entre les pouvoirs publics, les ménages et les entreprises, il faut accroître les liquidités au niveau des établissements financiers et bancaires, en utilisant tous les instruments possibles, notamment les instruments permettant de capter les liquidités circulant dans le secteur informel.
- La planification de la relance en agissant maintenant, afin de réduire au minimum, les éventuelles séquelles de la crise. À cet effet, il faudrait réfléchir minutieusement au moment approprié pour assouplir progressivement les restrictions sur la base de données nationales et internationales prouvant que la pandémie entame son recul. Juste au moment où les mesures visant à stabiliser l’économie commenceront à produire leurs effets positifs et que l’activité entamera sa reprise et se stabilisera, les pouvoirs publics devront agir rapidement, afin de stimuler la demande. Aussi, il est recommandé de mettre en place les mécanismes de la relance budgétaire en minimisant les dépenses. Enfin, il appartient à la Banque d’Algérie de maîtriser l’inflation et la dévaluation du dinar en instaurant une politique monétaire adaptée au contexte économique.
Le président de la République a annoncé, récemment, tabler sur des changements radicaux dans l’économie nationale pour encourager la compétitivité et l’innovation. Pensez-vous qu’il est aisé, présentement, de se débarrasser des forces de l’inertie qui continuent encore à freiner l’essor du pays ?
Dans un nouveau contexte mondial, caractérisé par une crise économique jamais connue dans l’histoire de l’humanité et une concurrence accrue, le défi le plus complexe auquel est confronté notre pays est sans doute celui de rendre son économie plus compétitive et de rétablir les déséquilibres causés, initialement, par la crise économique et financière qui s’est déclenchée en juin 2014, suite à la chute brutale des prix du pétrole, puis accentuée gravement par les effets de la crise sanitaire mondiale, induite par le Covid-19. Dans ce cadre, les enjeux de la compétitivité internationale et l’intégration dans l’économie mondiale prennent une importance accrue dans le débat sur le développement, et rien n’indique que cette importance diminuera dans un proche avenir.
L’encouragement de la compétitivité et de l’innovation est plus que jamais un impératif socio-économique. Cet impératif, qui s’impose de plus en plus comme un fait incontournable à notre pays, appelé à s’intégrer dans l’économie régionale (adhésion à la ZELE, ZALE, ZLECAf) et mondiale (l’OMC), devra passer par l’instauration d’une économie nationale compétitive, qui se traduira par la transformation structurelle de l’économie, de telle sorte à la soustraire de sa dépendance vis-à-vis de l’exportation des hydrocarbures, vers la diversification de l’économie, ainsi que l’amélioration graduelle du PIB par habitant.
L’initiation des changements radicaux, en vue de libérer l’économie nationale de la mentalité rentière, comme annoncés par le président de la République, et lui permettre d’être créatrice de richesses et de favoriser la compétitivité et l’innovation, est conditionnée par l’élaboration d’un plan d’actions incluant les actions suivantes :
- Mise en place d’un système de motivation des compétences ;
- Mise en place d’un système de formation et d’enseignement professionnels en adéquation avec la demande du secteur économique ;
- Instauration d’un climat des affaires favorable à la création d’un tissu de petites et moyennes entreprises (PME) performant, sous-tendu par un réseau de start-up innovantes et de microentreprises ;
- Mettre en place les mécanismes permettant de réduire graduellement la dépendance de l’économie nationale des hydrocarbures, en la ramenant entre 40 et 50% à l’horizon 2025, en tablant sur la diversification économique par le développement des autres secteurs, tels que l’agriculture, l’industrie, les mines, les énergies renouvelables, les TIC, les start-up, tout en mettant des dispositifs de contrôle des importations anarchiques.
La lutte contre l’informel a toujours été présentée comme l’un des moyens à même de sauver l’économie de cette gangrène. Pensez-vous que nous sommes, actuellement, assez outillés pour atteindre les objectifs tracés, et quelles sont vos propositions pour éradiquer ce phénomène ?
L’économie informelle est un obstacle majeur pour la promotion de la production nationale et la diversification économique. Aujourd’hui, ce secteur représente environ 40 à 50% de l’économie nationale ; la masse monétaire (cash) informelle en circulation est estimée à plus de 90 milliards dollars et échappe à toute traçabilité, comptabilité, ou fiscalité. Des mesures ont été prises par le passé, mais elles demeurent insuffisantes. Pour éradiquer progressivement ce phénomène et récupérer cette masse d’argent, et permettre ainsi une relance réelle de l’économie nationale, il faudra engager des réformes structurelles du système fiscal et revoir la batterie des impôts et taxes.
Pour ce faire, il est recommandé de réaliser une étude de terrain en adoptant une approche participative et inclusive, de manière à impliquer les différents acteurs, à l’effet d’élargir le débat autour de cette problématique, et ce, pour permettre de faire émerger des solutions opérationnelles pour le traitement de ce fléau. La mise en œuvre de cette étude s’effectuera en deux phases. La première phase consistera en l’élaboration d’une enquête nationale pour l’analyse de l’économie, et la seconde phase sera, quant à elle, consacrée à l’organisation d’ateliers régionaux, puis nationaux. Cette démarche permettra d’estimer la taille de ce secteur et d’améliorer la connaissance de l’économie informelle, en collectant les données nécessaires à son analyse pour mettre en œuvre des politiques adaptées à même de lutter contre ce phénomène. Aussi, cette étude permettra d’identifier les caractéristiques saillantes des actifs informels et les branches d’activités concernées pour appuyer la mise en œuvre d’outils assurant l’opérationnalisation de la stratégie de lutte contre l’économie informelle. Elle sera aussi un moyen pour analyser la mobilité des actifs informels, élaborer un diagnostic et proposer des recommandations pour éclairer les décisions des autorités.
Une équipe pluridisciplinaire d’experts sera impliquée pour mener à bien cette enquête ainsi que les représentants des différentes institutions (ministères des Finances, de l’Agriculture, de l’Industrie, du Travail, l’Office national des statistiques, le Centre national du registre de commerce…).
L’industrie, l’agriculture, les mines et l’énergie sont les quatre secteurs sur lesquels la stratégie de l’Etat est basée pour placer notre économie sur une note positive. Quels sont, d’après-vous, les préalables que les autorités du pays doivent observer pour ne pas retomber dans les erreurs du passé, et de faire de ces secteurs de vrais moteurs de croissance ?
Ces secteurs sont les quatre piliers sur lesquels doit s’appuyer la stratégie de l’Etat, pour bâtir une économie nationale diversifiée et de la libérer de sa dépendance des hydrocarbures. Pour ne pas retomber dans les erreurs du passé, et faire de ces secteurs de vrais moteurs de croissance, les autorités du pays doivent, tout d’abord, réaliser un diagnostic intersectoriel, en analysant les causes des échecs des plans de relance précédents, initiés depuis les années 1970, à réaliser les changements structurels, économiques et politiques, ensuite, sur la base des résultats et élaborer des scénarios de stratégie de manière à permettre à notre pays de :
- Réunir les conditions nécessaires pour réussir une réelle sortie de l’économie rentière et construire une nouvelle économie sociale durable.
- Créer un climat des affaires permettant de développer l’industrie, l’agriculture, la PME, les services, les mines et l’énergie.
- D’assurer sa sécurité énergétique.
- Relever son taux de croissance et éradiquer l’économie informelle dévastatrice.
- Satisfaire les besoins de sa population et assurer la stabilité sociale et politique.
- Réduire le taux de chômage qui ne cesse d’augmenter.
- Se doter de systèmes de gouvernance permettant de changer les comportements en milieu du travail.
- Adopter les réformes en vue de libérer l’économie nationale de sa dépendance des hydrocarbures.
- Développer les exportations hors hydrocarbures et réduire la facture des importations.
- Encourager la demande intérieure et trouver les bonnes pratiques permettant de distribuer équitablement une partie de la rente aux citoyens.
Entretien réalisé par Lyazid Khaber