Le Dr Mohamed Amir Heraoui est le directeur du Centre Intermédiaire de soins en addictologie (CISA) de Fouka. C’est l’un des 46 centres qui existent à travers l’Algérie et qui prennent en charge les addicts : consommateurs de substances psycho-actives ou addicts à l’internet, les jeux et les jeux de hasards. Dans cet entretien, il nous parle de ses patients comme des amis et de petits frères à épauler. Il discute de l’approche qui est la sienne et celles des autorités de lutter contre le fléau de la consommation de drogues et stupéfiants par le biais de soins. Enfin, l’équipe qu’il dirige, et même si cela ne fait pas partie de ses attributions, accompagnent l’addict jusqu’à ce qu’il sort de la dépendance et parfois lui viennent en appoint pour redémarrer un projet de vie.
Entretien réalisé par Farid Mellal
Eco Times: Qu’est-ce un CISA et combien en existent-ils à travers le pays ?
Dr Mohamed Amir Heraoui: C’est un Centre intermédiaire de soins en addictologie, donc tout ce qui addictions. Lorsque l’on parle d’addiction, nous parlons d’addictions sous le fait de substances psycho-actives, ou d’addictions comportementales. L’addiction comportementale c’est tout ce qui a trait à l’internet, les jeux électroniques, les jeux, les jeux de hasard,…Actuellement, il existe 46 centres intermédiaires de soins en addictologie à travers le territoire.
Quelles sont ses principales missions ?
Les principales missions du CISA ce sont d’abord la prévention, et la sensibilisation à travers des campagnes en partenariat avec les différents secteurs, y compris les médias. Le CISA est également prestataire de soins.
Nous proposons des soins, selon les demandes qui sont formulés par le patient lui-même, qu’il soit consommateur ou addict. Le patient peut être convaincu d’associer ses propres parents et là nous proposons des séances de guidance parentale.
Nous visons en fait la réinsertion socioprofessionnelle. Il y a tout un travail qui est accompli, notamment psychologique, et nous considérons que la réinsertion sociale et professionnelle, amener le patient à élaborer un projet social, un projet d’avenir, est la finalité des missions dont nous nous chargeons. Un projet de soins réussi est un projet dont la finalité est la réinsertion socio-professionnelle du patient.
L’adhésion est-elle volontaire ou sous le fait de proches ?
Oui, l’adhésion aux soins c’est au cas par cas. Il y a là chez nous l’adhésion volontaire, où la personne sous addiction le fait de son plein grè. Cependant, d’autres ont besoin de soutien, d’être convaincus, voire même bousculés. Les parents, des proches mais également un oncle proche peut être efficace à convaincre un consommateur de solliciter les prestations d’un CISA.
Mais aussi, et à titre d’exemple, avons reçu au Centre de Fouka des instituteurs qui sont arrivés à convaincre un élève, aussi nous avons reçu des coachs qui jouent le rôle de meneur pour l’un de leurs sportifs addict.
Que propose le centre à ses pensionnaires ? Peut-il jouer le rôle de facilitateur économique ?
Quand nous parlons de soins en addictologie ce sont des entretiens, un travail émotionnel est dirigé. En fait, l’addictologie est considérée comme une maladie chronique, et comme toute maladie chronique, elle a ses facteurs de risques, ses facteurs de protection.
Nous agissons au cas par cas et nous explorons : chaque personne à ses difficultés propres. Nous essayons de minimiser l’ampleur des faiblesses et de mettre l’accent sur les points de force.
Nous ne n’avons pas vraiment pour ambitions de jouer le rôle de facilitateur économique. Mais en plus de nos attributions, nous avons des expériences intéressantes de réussite en matière de réinsertion par le biais de projets économiques. Nous avons des liens privilégiés avec l’ANGEM : Agence Nationale de Gestion du Micro-crédit de Tipaza.
Nous avons fait bénéficié quelques d’entre nos patients de l’acquisition d’ateliers. Le directeur de l’ANGEM-Tipaza s’est déplacé jusqu’au centre de Fouka avec l’ensemble de son équipe. Ils ont réussi à vulgariser, et les ont accompagnés et familiarisés avec les procédures d’obtention d’un crédit ANGEM. Ainsi, des candidats ont pu finaliser leurs projets.
Le taux de rémission est-il encourageant ?
Nous considérons le taux de rémission encourageant. En fait, cela dépend du patient lui-même. Au Centre, nous proposons des soins sur mesure et la rémission dépend de l’implication et de la volonté du patient.
Un fait est presque quasi-certain : la répression ne suffit pas ?
Oui, lutter contre la toxicomanie nécessite des approches multisectorielles. Il y a là une approche axée par exemple sur le religieux, le travail des forces de l’ordre. La répression, à elle seule, ne suffit pas.