Le Conseil des ministres, réuni dimanche dernier, a décidé d’instituer une allocation chômage. Le chef de l’Etat, Abdelmadjid Tebboune, a ordonné à son Premier ministre, ministre des Finances, Aïmene Benabderrahmane, l’élaboration d’un projet de loi mettant en place cette allocation qui s’ajoutera aux formules adoptées dans d’autres secteurs.
Par Akrem R.
Sur le plan social et économique, cette décision de garantir une prime de chômage pour les demandeurs d’emplois, est certainement une bonne chose. Elle permettra à la fois d’accompagner socialement ces jeunes et de maintenir à un rythme soutenue la consommation, un élément essentiel pour la croissance économique.
D’ailleurs, beaucoup de chefs d’entreprises avaient appelé à l’instauration de cette allocation chômage, comme cela se fait partout dans le monde, notamment en France. Toutefois, la question qui se pose est, comment alimenter cette caisse qui s’occupera de la prise en charge de ces personnes sans emplois ? La situation financière du pays impose au gouvernement de se pencher sérieusement sur la question afin de trouver des solutions économiques loin de la subvention. Avec un déficit de 4000 milliards de DA, le Trésor public se trouve dans une situation d’asphyxie et n’admet pas d’autres dépenses.
En effet, cette subvention affectera négativement la trésorerie de l’État, en particulier avec la crise économique à laquelle fait face notre pays, aggravée par les répercussions de la pandémie de la Covid-19. Durant ces trois dernières années, le taux de chômage a pris une sérieuse courbe ascendante. Selon les estimations du FMI d’avril 2021, le chômage sera de 14,5% en 2021 et de 14,9% en 2022.
Ceci représentera, sans doute, un lourd fardeau à supporter pour l’Etat. La stabilisation des prix du pétrole à hauteur de 70 dollars le baril au moins pour les deux années à venir, diminuera, certes, la pression sur le gouvernement, mais des réformes sont préconisées pratiquement sur tous les plans.
Diversifier les sources de financements
Dans ce cadre, l’expert en économie, Abderrahmane Hadef, a affirmé que la caisse de chômage sera, en premier lieu, alimentée par le Trésor public. « Dès le départ, un fonds du budget de l’Etat, au titre de la subvention, est à dégager pour alimenter cette caisse de chômage. Ajoutons à cela, les cotisations qui doivent être versées par les employeurs et également par d’autre personnes voulant être assurées contre le chômage», a-t-il souligné, en affirmant que ces cotisations seront assez symboliques, mais contribuent à alimenter cette caisse.
Dans le long terme, il y a nécessité de penser à d’autres mécanismes de financements alternatifs au budget de l’Etat. Sur ce point, l’intervenant a suggéré de revoir le fonctionnement de la Caisse nationale d’assurance-chômage (CNAC), en la rendant rentable. C’est pour cela, dira-t-il, que les efforts de l’Etat doivent être focalisés sur la modernisation des différentes caisses de la Sécurité sociale. Ainsi, il faut mettre le cadre juridique adéquat pour que ces caisses deviennent des investisseurs, à travers des placements de fonds dans des banques et autres institutions financières. Mais, insiste Hadef, «il faut avoir le management et la bonne gouvernance nécessaires». Et d’ajouter : « Nous devons mettre un cadre juridique et lois qui encadreront le fonctionnement économique de ces caisses. C’est à travers ce dispositif qu’on pourra rendre ces caisses dynamiques et rentables et mettre un terme à la spirale des subventions et renflouement des caisses à chaque déficit».
Revoir le fonctionnement de la CNAC
Par ailleurs, notre interlocuteur a recommandé de revoir les missions de la CNAC. Cette dernière est devenue au fil des années, une Ansej-bis, alors que sa mission principale, lors de sa création en 1994, est de prendre en charge les éventuels chômeurs. Cette Caisse a montré ses défaillances et ses limites lors de la première vague de la pandémie de la Covid-19, où l’Etat a décidé d’indemniser les travailleurs chômeurs, les commerçants touchés, et qui ont vu leurs activités s’arrêter une après l’autre. Lors de cette opération, c’est les services de daira et APW qui l’avaient chapotée. « C’est le moment de doter notre économie d’un outil qui garantira une assurance chômages pour assurés ayant perdu leurs emplois».
Et là, estime-t-il, les pouvoirs publics sont appelés à moderniser cette Caisse, en la rendant plus performante en termes de suivi des chômeurs et éventuelles personnes qui sont sujets de faillite d’entreprises et d’autres dispositifs qui ont été mis en place par l’Etat. En outre, si cette caisse vient renforcer le marché du travail, en donnant une solution intermédiaire en cas d’un passage d’une personne d’un état actif à une situation de chômage, elle (la caisse) doit jouer un autre rôle, à savoir pousser les gens à reprendre l’activité. C’est une arme à double tranchant. Donc, poursuit-t-il, il faut renforcer le contrôle sur ces gens pris en charge par cette Caisse, afin de ne pas activer en même temps dans la sphère informelle. « Cette Caisse doit être modernisée et dotée d’un système du gouvernance lui permettant de contrôler et de suivre les personnes qui ont bénéficié de cette allocation», a-t-il conclu.
A. R.