La filière avicole nécessite une nouvelle organisation, du fait qu’entre 70 à 80 des aviculteurs activent dans l’informel. En dépit des aides de l’Etat à cette filière, le marché reste très instable et même incontrôlable. Les différents mécanismes de régulation mis en place par le ministère de l’Agriculture, ont prouvé leurs limites.
Par Akrem R.
En somme, l’approvisionnement du marché national n’est pas régulier et les prix des produits avicoles sont en constante fluctuation. En effet, l’analyse dynamique des prix des produits avicoles au cours de ce deuxième trimestre a mis en exergue l’évolution spécifique des filières avicoles, chair et ponte, un marché très instable, attestant de la fragilité de ces dernières qui restent dépendantes du marché international en intrants alimentaires et biologiques.
Une situation qui démontre, une fois encore, la désorganisation du secteur avicole aux différents stades, des filières fragiles qui nécessitent une meilleure prise en charge et une meilleure coordination entre les différents acteurs. En effet, durant ce trimestre 2021, les prix du poulet de chair ont enregistré des hausses importantes aux différents stades, de la production au détail, notamment, durant les mois d’avril et mai 2021, où les prix ont atteint des niveaux élevés, atteignant la barre moyenne de 300 DA le kg vif et 460 DA le kg vidé.
Ainsi, il a été enregistré une augmentation de l’ordre de 21% au niveau de la production, 19% au niveau de l’abattage et 16 % au niveau du détail par rapport au premier trimestre 2021, selon la dernière note de conjoncture de produits et d’intrants avicoles, rendu publique par l’Observatoire des filières avicoles algérienne (OFAAL). A l’inverse, pour l’œuf de consommation, des tendances des prix à la baisse ont été enregistrées, une diminution de 7 % et 6 %, respectivement au stade de la production et du détail, selon la dernière note de conjoncture de l’observatoire des filières avicoles algériennes (OFAAL).
En comparaison annuelle, il a été enregistré un accroissement des prix plus accentué aux divers stades de la production, avec respectivement une hausse de 31% au niveau de la production et 27 % au niveau de l’abattage et 24 % pour le détail. Pour l’œuf de consommation, «nous relevons des tendances à la baisse, une diminution des prix a été enregistrée au niveau de la production et une stabilité au niveau des prix au détail», ajoute la même note.
Absence d’organisation entre les acteurs des filières
Une analyse de la filière « chair », montre que la hausse des prix des viandes blanches durant ce trimestre est due plus à l’instabilité du fonctionnement des filières avicoles dans son ensemble, une désorganisation chronique au niveau de la sphère de l’élevage, des mises en place anarchiques et une absence de coordination entre les éleveurs et autres acteurs de la filière, ce qui se répercute négativement sur les prix.
L’absence aussi de marchés spécialisés dans la distribution et la commercialisation des viandes blanches, a beaucoup influé sur les fluctuations brutales des prix, où un grand nombre d’intermédiaires se greffent et multiplient leurs marges, pour qu’en fin de compte, ce soit l’éleveur et le consommateur qui payent le prix, chacun à sa façon.
En dehors de la situation sanitaire (Covid – 19) que vit le pays depuis des mois, la fluctuation et l’instabilité des prix, sont dues, davantage à l’absence d’organisation entre les acteurs des filières avicoles, à tous les niveaux. Pour les spécialistes de la filière, la spécificité de ces dernières (filières intégrées), nécessite la collaboration et la coordination de l’ensemble des acteurs pour une meilleure organisation, une planification et une maitrise des coûts. Sur le plan de l’élevage, il faudra sensibiliser les éleveurs sur : les risques d’utilisation abusive des médicaments et antibiotiques comme facteur de croissance dans l’aliment pour un gain de poids rapide.
Prolifération des abattages clandestins
Les abattages clandestins au niveau des enceintes non agréées qui constituent un danger réel est un signe inquiétant pour la santé des consommateurs. L’interprofession avicole et les autorités compétentes doivent prendre très au sérieux ce problème afin de l’éradiquer.
Il y’a lieu de signaler que la majorité des petits éleveurs (2000 à 4000 sujets), exerçant, la plupart, au niveau des serres avicoles et qui travaillent le plus souvent, de manière informelle, préfèrent plutôt les abattages au niveau des tueries agréées ou non agréées «clandestines » plutôt que les abattoirs.
«Ces tueries qui malheureusement existent toujours, dont un grand nombre ne répond pas toujours aux normes de salubrité et d’hygiène. On ne cesse de sensibiliser les éleveurs sur l’importance de la traçabilité des animaux, à travailler dans un cadre organiser avec les abattoirs. Un travail de sensibilisation doit se faire par les gérants d’abattoirs en instaurant par exemple une prime incitative, une prime symbolique que l’abattoir octroie en plus du coût de production, pour les poulets livrés afin de fidéliser l’éleveur, pour qu’ils évitent les tueries clandestines. Ce n’est qu’une proposition qui peut aider à régler le problème de la traçabilité des produits finis», recommande l’observatoire (OFAAL).
Les pouvoirs publics doivent encourager, ajoute la même source, aussi, les propriétaires des tueries agréées, en leurs facilitant l’accès aux crédits à des taux bonifiés afin qu’ils investissent dans l’aménagement et la construction d’abattoirs de capacité moyenne équipés de couloirs de congélation et de salles de stockages, de découpe et transformation.
Par ailleurs, durant ce deuxième trimestre 2021, les prix du poussin d’1 jour, ont enregistré des fluctuations durant les semaines des mois d’avril et mai pour les différentes souches commercialisées sur les marchés. Ainsi, il a été relevé un léger accroissement des prix et un recul de 10% à 15% en moyenne durant le mois de juin dernier, comparativement aux mois de janvier / février 2021.
Cette diminution des prix est due à une baisse des mises en place des poussins durant ce trimestre, une situation due aux conditions financières des petits éleveurs (faillite), et à la situation sanitaire que vit le pays ( Covid – 19), la baisse du pouvoir d’achat des consommateurs (activité commerciale au ralenti) et la fête de l’Aid Adha qui coïncide avec la saison estivale, ce qui va inciter les éleveurs potentiels à décaler leurs mises en place à la fin de la saison estivale à cause aussi des fortes chaleurs (serres et bâtiments non équipés en matériels adéquats pour l’élevage en été.
Laala Boukhalfa, expert agricole: « Il faut maitriser la distribution»
Indiquant que l’aviculture traverse actuellement une conjoncture très difficile, nécessitant une prise en charge particulière, l’expert et l’ex -Pdg du Complexe Avicole de Batna, Laala Boukhalfa, a estimé que la solution pour l’organisation de cette filière, c’est de s’attaquer à l’origine de la production des viandes blanches.
Pour lui, il suffit simplement de maîtriser la distribution de ce facteur reproducteur pour instaurer une stratégie de régulation du marché avicole. Les besoins nationaux en matière de viande blanche sont estimés à 600 000 tonnes, calculés sur la base de 15 kg/an par habitant. Et qu’une reproductrice contribue à hauteur de 150 Kg de viandes blanches (PPC) durant son cycle de production. « Une simple opération mathématique nous permettra de déterminer l’effectif de reproducteurs à mettre en place soit, environ de 4 millions de sujets par cycle (An) », lit-on dans un poste sur son compte officiel Facebook.
Cette approche mathématique que « j’ai proposé depuis plus de 20 ans à été toujours sans écho par les décideurs, pour la simple raison : l’économie algérienne est libérale et se prépare à l’éventuelle adhésion à l’OMC», a-t-il déploré. D’ailleurs, et avec cet esprit, l’aviculture n’a jamais connu de stabilité du marché depuis plus d’une vingtaine d’années. Les aviculteurs et les pouvoirs publics doivent revenir à la logique des choses, recommande-t-il, pour trouver une solution à cette problématique qui a trop duré.
A. R.