L’innovation numérique et les nouvelles technologies de l’information et de la communication s’introduisent peu à peu dans l’agriculture. De nombreuses initiatives et projets de numérisation sont ainsi en voie de conception ou de mise en service dans un segment ou un autre du secteur agricole.
C’est le cas de l’expert en aéronautique, Réda Benlekehal qui, après une carrière de 42 ans dans le domaine de l’aviation débutée en Algérie, puis au moyen Orient et en Corée du sud auprès de la compagnie Asiana Airlines, a décidé de mettre ses connaissances, son savoir et ses compétences au service de l’Agriculture avec des projets innovants.
Au slogan de «l’agriculture intelligente» répandu dès qu’il s’agit d’évoquer les technologies numériques, M. Benlekehal, lui, préfère parler de «l’intelligence artificielle au service du paysan et de l’agriculture».
Avant d’aborder les deux projets qu’il compte mettre en œuvre, à une question sur l’état des lieux de la numérisation en Algérie, non seulement dans l’agriculture mais dans différentes sphères de l’économie, il dira: «On peut dire l’Algérie a raté un train, sur le plan technologique, et on passe notre temps à lui courir après. Or, il faut oublier ce train et prendre le suivant. Je dis ça parce que dans le domaine des nouvelles technologies, il n’y a plus de continuité. Il y a une rupture et une innovation et, à la limite, il n’y a aucun point commun entre les deux, à part dans les concepts, les démarches intellectuelles, etc.»
Abordant ces projets, M. Benlekehal dira que «l’un des projets que j’ai dans mes cartons, c’est l’intelligence artificielle pour créer une base de données à partir des connaissances des anciens». Tel qu’il est décliné, le projet consiste à quantifier les signes auxquels se réfèrent les agriculteurs pour, par exemple, détecter les phases de stress hydrique et les significations des mutations que subissent les plantes.
Une fois tous ces éléments détectés, il sera question de créer une base de données avec l’intelligence artificielle qui permettra de gérer d’une manière numérique l’itinéraire cultural, expliquera-t-il. Le projet est réalisable avec l’appui d’ASAL (Agence spatiale algérienne), auprès de laquelle «on peut avoir des photos couleur dans le spectre visible et dans le spectre invisible, proche de l’infrarouge, et à partir de ce moment-là, on peut suivre l’état de santé de la végétation au sol, le stress hydrique, etc. Enfin, ça permet d’avoir des données extraordinaires permettant au fermier de gérer ses champs».
Dans la même démarche d’innovation, M. Benlekhal révélera un autre projet d’utilisation de drones dans l’agriculture. «Je mets un drone équipé d’un système olfactif et il indiquera par exemple à quelle étape de floraison se trouve un palmier et il indiquera aussi à quel moment procéder à la fertilisation pour avoir une récolte optimale».
Dans un domaine plus élargi, l’introduction de drones dans l’agriculture permettra de faire gagner du temps, perfectionner la gestion des exploitations agricoles et surtout optimiser les rendements dans différents domaines de productions végétales.
Transport par dirigeable
L’autre domaine dans lequel M. Benlekehal compte intervenir avec un projet innovant, tout en espérant trouver des répondants auprès des pouvoirs publics et ne pas buter sur les écueils bureaucratiques, est celui de la logistique et du transport. Son projet propose l’utilisation de dirigeables comme moyen de transport aérien.
En matière de coûts, l’évaluation table sur «58 DA/kg sur un trajet Alger-Tamanrasset et une capacité de chargement qui peut atteindre 60 tonnes, et ce coût baisse au fur et à mesure que les quantités de marchandises augmentent, pour une durée de 12 heures de vol, parce que ce ne sont pas des engins qui vont vite, mais c’est beaucoup mieux que 4,5 jours par route».
Bien que ces coûts sont relativement élevés, mais le transport par dirigeable a toutes les chances de s’avérer une solution salutaire pour la distribution de produits à haute valeur ajoutée et les produits fragiles, comme les produits laitiers. Le transport par dirigeable est d’une grande efficacité aussi pour la promotion des exportations agricoles vers les pays du sud. Son concepteur citera à titre de comparaison «l’exemple de la laiterie Soummam qui peut faire le trajet Bejaïa-Nouakchott en Mauritanie en 13 heures de vol».
Enfin, pour décrire à quel point l’agriculture locale accuse des retards dans le domaine de l’innovation, le spécialiste en aviation dira: «Ce qui me révolte c’est lorsque j’entends dire qu’il y a du potentiel. Ce n’est pas un compliment mais un constat d’échec, parce que s’il y a du potentiel donc on n’a encore rien fait jusque-là».
M. N.