L’expansion démographique des grandes villes du pays, particulièrement dans sa partie septentrionale, fait naître des besoins incompressibles, non seulement en biens et services domestiques (eau, énergie, santé, éducation…), mais également en matière de détente et de loisir. Ces besoins ne concernent pas uniquement la période de vacances, mais s’étalent sur les douze mois de l’année. La mobilité des populations algériennes, due notamment à la recherche d’un emploi stable en ville (administration, entreprises, zones industrielles…) a entraîné l’extension des villes par ce qui est appelé « nouveaux pôles urbains » (logements AADL, LSP, LPA, LPL…), situés en majorité dans des zones excentrées et appelés à faire partie des futures conurbations.
Par Amar Naït Messaoud
La concentration des populations dans ces pôles, sa forte densité au kilomètre carré, ainsi que les activités commerçantes et de circulation suscitent naturellement un besoin d’évasion et de détente que seuls de rares quartiers peuvent satisfaire par leurs sites, leurs espaces verts, leurs lieux de détente sportive ou culturelle. Le reste des espaces urbains continue à vivre dans la « sécheresse » ludique et récréative, faisant régner sur les populations une monotonie et asphyxiante.
L’asphyxie urbaine dont souffrent les grandes villes d’Algérie au cours de ces dernières années, commence à atteindre les limites du tolérable pour les populations qui se sentent prisonnières du béton, des éternels bouchons de la circulation, et de l’air et de l’espace insalubres.
Les programmes de nouvelles constructions de logements, sous toutes leurs formules, du social jusqu’au promotionnel, ainsi que certaines opérations de rénovation urbaine, ont réduit les espaces, rogné sur les aires libres logiquement destinées à la récréation, et poussé les ménages dans leurs derniers retranchements.
Si le secteur des travaux publics a fait des efforts louables en ouvrant de nouvelles voies de desserte et en érigeant des viaducs, des trémies et des tunnels, le nombre de véhicules acquis par les Algériens depuis près de vingt ans ne cesse de poser de vrais problèmes dans les villes et à leur périphérie, d’autant plus que le transport public collectif souffre encore de certains dysfonctionnements, malgré l’entrée en lice du tramway et du métro.
À plusieurs reprises, l’idée de transport maritime de voyageurs entre les grandes villes côtières (cabotage) pour atténuer la pression qui pèse sur le réseau routier a été évoquée, mais elle est toujours pendante.
L’on se souvient que, au cours des années 1980, les pouvoirs publics ont recouru à ce genre de transport, particulièrement entre Oran, Alger et Annaba, pendant les fêtes de l’Aïd.
Des assiettes foncières récupérées comme espaces de détente
Les relogements qui ont été opérés au cours de ces cinq dernières années pour des familles habitants des logements précaires ou insalubres à Alger, ont libéré des assiettes foncières que les pouvoirs publics comptent exploiter, certaines pour y construire de nouveaux immeubles, et d’autres pour y réaliser des espaces verts, des bosquets ou des forêts récréatives, éléments vitaux dans l’amélioration du cadre des vie des habitants.
C’est dans le cadre de cette dernière variante, que le site de la forêt de Doudou Mokhtar à Hydra, d’une superficie de 20 hectares et libéré après le relogement de ses anciens occupants, est programmé en tant qu’espace vert de détente.
Le projet de réhabilitation de ce site fait partie d’un programme d’ensemble portant sur 25 nouveaux sites forestiers au niveau du territoire de la wilaya d’Alger. Les grandes forêts urbaines qui reçoivent actuellement le public, à savoir Ben Aknoun, Bouchaoui et Bainem, atteignent parfois des moments de saturation.
Il s’agit d’atténuer la pression qui pèse sur elles et de multiplier au maximum les aires de détente et de loisirs pour une population résidante qui dépasse les trois millions d’habitants. Le montant qui était alloué à la création de ces nouveaux espaces est d’un milliard de dinars, dont une partie est destinée au reboisement de l’autoroute Boumerdès-Zeralda et de l’autoroute menant à l’aéroport d’Alger.
Dans le même esprit d’assurer des conditions de détente et de loisir plus élargies aux populations de la capitale, il a été programmé la réalisation de 49 piscines semi-olympiques au niveau de la wilaya d’Alger. 29 piscines sont déjà fonctionnelles, les autres sont en cours de réalisation.
Dans les autres wilayas, des projets de piscines sont lancés un peu partout, particulièrement dans les régions rurales où, pendant les chaleurs caniculaires d’été, des jeunes s’aventurent à aller nager dans des barrages ou des retenues collinaires, parfois même des mares d’eau, où l’on enregistre chaque année des dizaines de cas de noyade.
Pour une nouvelle politique de la ville
De même, dans une quarantaine de wilayas, des forêts a usage de loisir et de détente ont été créées sous le nom de « forêt récréatives ».
Ce sont généralement des forêts urbaines ou suburbaines, relevant du domaine public de l’État, attribuées à des organismes de gestion (publics ou privés) aux fins de leur aménagement au profit des populations urbaines. Ces espaces récréatifs sont destinés à recevoir le public, particulièrement pendant les week-ends et les vacances. La ville de Médéa s’enorgueillit de sa forêt récréative située à Benchicao, à côté du col du même nom, sur le RN1.
L’autre belle réalisation en la matière, est la forêt récréative d’El Aouana, dans la wilaya de Jijel. Elle a pris les contours d’un parc animalier, avec de petits ouvrages de travaux publics (ponceaux, rivière artificielle utilisant une eau en circuit fermé avec système de pompage, bosquets…), donnant au paysage une attraction particulière. Enfants et adultes s’y rendent les week-ends et pendant les jours de vacances.
Le lieu est souvent plein de monde. Donnant directement sur la RN 43 et la mer, le parc d’El Aouana s’adosse au massif des Babors auquel il donne une autre dimension. Les familles viennent de Bejaïa, Setif, Kherrata pour passer une journée agréable au bord de la mer et plonger dans un site féérique qui leur fait oublier les soucis de la semaine.
Ce sont là des exemples d’aménagement bouleversant la notion que l’on avait jusqu’ici du cadre de vie, lequel se limitait aux espaces immédiats des immeubles. Il est vrai que les immeubles des villes algériennes souffrent d’un déficit d’aménagement et d’accompagnement. Souvent, l’on n’y rencontre ni aire de jeu, ni espace vert, ni jardin public, ni même arbres d’alignement et d’embellissement. Lorsqu’on ajoute ce désert urbain au désert de l’animation culturelle, avec, en plus, les décharges sauvages qui jonchent les rues et les quartiers, les habitations urbaines prennent l’allure d’un espace-étouffoir.
À Bouira, la forêt suburbaine d’Errich, située entre l’autoroute Est-Ouest et le périmètre urbain, draine, elle aussi, un public nombreux en fin de journée et pendant les week-ends.
Depuis qu’elle est traversée par l’autoroute Est-Ouest, la wilaya de Bouira connaît un développement vertigineux.
Le chef-lieu de wilaya s’est étendu dans tous les sens, recevant de nouveaux résidents venus de plusieurs wilayas du centre et de l’est. Le développement de la zone industrielle de Sidi Khaled, dans la commune de Oued El Berdi, a conféré un supplément d’attractivité au chef-lieu de la wilaya et aux villes proches de la zone industrielle (Oued El Berdi, El Esnam, El Hachimia).
Il en est de même des villes comme Bordj Bou Arréridj où la zone industrielle, très active et développée, draine de nouveaux résidents dans le chef-lieu de wilaya et dans les villes environnantes, à l’image d’El Hamadia et d’El Yachir.
Là où l’attractivité est boostée par les opportunités d’investissement, d’emploi, de tourisme ou d’une autre activité, l’accompagnement en matière d’aménagement urbain, de création d’espaces de détente et de loisir, de construction de structures sportives et culturelle, est censé bénéficier d’une attention et d’une politique hardies, engageant les pouvoirs publics locaux à développer un trésor d’imagination pour ce qui, en résumé, peut être situé et résumé dans le concept de la politique de la ville.
A.N.M.
