Le passage de l’économie dirigiste à l’économie de marché a forgé une autre relation de travail entre patrons et personnels. Le paysage professionnel s’en est trouvé profondément transformé, ce qui a encore exacerbé davantage les conflits de travail. La relation contractuelle étant largement favorable à l’employeur, le but du droit du travail est de rétablir l’équilibre entre le salarié et l’employeur. En cela, les inspections du travail sont censées rétablir l’équilibre, mais souvent, celles-ci quand elles accusent un déficit de confiance de la part des justiciables, se trouvent dans une situation d’impuissance.
Par Réda Hadi
En fait, les entreprises algériennes sont majoritairement de structures familiales et gérées comme telles, et le droit du Travail y est souvent perçu come une entrave à la gestion de l’entreprise.
En Algérie, le droit syndical bien qu’existant juridiquement, ne se trouve pas appliqué au sein des entreprises privées. Rares, sont les entreprises qui admettent un syndicat. Cela augmente davantage, le sentiment d’unjustice parmi les salariés, qui se disent victimes d’esclavage moderne. En majorité, les salariés n’ont pas de contrats de travail définissant dans les règles, leur statut ni la relation de travail entre eux et leurs employeurs, et encore moins, ne bénéfécient de sécurité sociale qui est pourtant un droit consacré par la loi algérienne. Il n’est pas rare, et même usuel, de voir un employé jouissant, au mieux, d’un contrat en CDD (contrat à durée déterminée), qui est renouvelé durant des années (souvent plus de 10 ans), alors que c’est interdit par la loi;
C’est, en fait, par méconnaissance de ses droits, et surtout, par peur d’être licencié manu militari, qui fait que le salarié se tait. Légalement, le travailleur a toute laltitude de porter plainte auprès des inspections de travail. Mais celles-ci sont souvent décriées pour leur manque de promptitude à régler les conflits par manque de compétence, si ce n‘est pour « corruption ». Alors, les travailleurs restent soumis à un régime d’exploitation renforcé par certains employeurs avides d’un enrichissement rapide.
Pour beaucoup de juristes, la législation algérienne du travail reste également attachée à la distinction entre différend et conflit de travail. Qu’il s’agisse de la dimension individuelle ou celle collective, le législateur consacre le terme différend pour désigner un désaccord encore susceptible de trouver une solution par le recours à des instances et des procédures internes à l’entreprise. Or, faute de représentativité syndicale, le dernier mot revient alors, au chef d’entreprise, qui agit et décide selon son désir et ses intérêts.
De plus, ces mêmes juristes avancent, qu’en droit algérien, il n’y a pas de juridiction du travail spécialisée. Ce sont donc les juridictions ordinaires, de l’ordre judiciaire ou administratif, qui sont compétentes pour le contentieux du travail. Néanmoins, le contentieux dérivant du contrat individuel de travail se singularise mais seulement au niveau du tribunal, alors que le contentieux des droits collectifs n’est soumis par la loi à aucun régime particulier, en dépit de sa singularité.
Kennane Abdelhak Hichem, juriste: « Le droit du travail est méconnu, et par l’employé et par l’employeur »
M. Kennane bdelhak Hichem, juriste dans une grande entreprise nationale a bien voulu nous donner son avis sur le droit du travail définit la relation de travail entre employé et employeur en Algérie.
Eco Times. Si le droit du travail existe en Algérie, pourquoi autant de conflits, et pourquoi cette soumission du salarié à son patron ?
Kennane Abdelhak Hichem : En Algérie, la pratique du droit du travail nous révèle la méconnaissance du salarié et de l’employeur des règles élémentaires de cette discipline du droit. Ce droit est le droit protecteur du salarié. Il a pour but l’amélioration de la condition salariale. Le droit du travail traite des différents acteurs de la vie sociale, de la formation, de l’embauche, des différents contrats de travail, des modes de ruptures du contrat de travail, des conditions de travail (durée du travail, congé…), des institutions représentatives des salariés et des conflits individuels et collectifs. Dans la pratique du droit du travail, les acteurs sociaux ont tendance à négliger des principes fondamentaux et élémentaires de ce secteur du droit. Ces derniers, doivent être observés et respectés par l’employeur. Les représentants des salariés ont obligation de rappeler aux employeurs la non-observation de leurs engagements, pour peu, bien sûr, qu’il y ait représentativité syndicale.
En matière de droit, l’employeur est tenu d’élaborer un règlement intérieur dès lors qu’il emploie au moins 20 salariés. Ce document écrit doit fixer exclusivement, les éléments suivants: -les mesures d’application de la réglementation en matière de santé et de sécurité dans l’entreprise ; – les règles générales et permanentes relatives à la discipline (nature et échelle des sanctions qui peut prendre l’employeur). Or et c’est souvent le cas, tous ces éléments ne figurent pas dans le contrat, quand il y en a un…
L’employeur est souvent d’exploiteur. Que pouvez-vous nous dire des règlements non juridictionnels des conflits de travail.
Le recours judiciaire n’est pas la seule voie ouverte aux salariés et aux employeurs pour la résolution de leurs différends. Le droit algérien consacre aussi l’intervention préalable d’instances non juridictionnelles, avant que le contentieux du travail ne puisse être porté devant les juges. Il s’agit des modalités légalement instituées qui sont la conciliation, la médiation et l’arbitrage. En l’absence d’un véritable ordre juridictionnel spécialisé en matière sociale, l’intervention d’instances non juridictionnelles permet, de par leur composition et leur méthode de travail, d’avoir avec la matière sociale une proximité plus grande.
R. H.