La filière avicole est à restructurer. Dominée à 80% par la sphère informelle, elle évolue dans des conjonctures économiques difficiles et chroniques. Actuellement, le marché de la volaille est en situation de déséquilibre, l’offre sur le marché étant inferieure à la demande nationale. Ce qui a engendré une forte hausse des prix de la viande blanche, dépassant le seuil des 500 DA/kg.
Par Akrem R.
Cette situation ne peut s’expliquer que par les dysfonctionnements qui prévalent au niveau de la filière, à laquelle des solutions urgentes sont à mettre en place afin d’y remédier.
« Parfois, c’est l’éleveur qui en est la victime, car obligé de céder sa production nettement au-dessous de son coût de production, vu que l’offre dépasse largement la demande du marché. Dans ce cas précis et en l’absence de moyens pour la prise en charge des excédents, notamment les abattoirs industriels, les infrastructures de stockage en froid et surtout les unités de transformation, l’éleveur abandonne son activité pour créer un « creux » et là, la demande se fait sensiblement ressentir ce qui entraine la flambée des prix. Dans ce cas précis, c’est le consommateur final qui en est la première victime. Et le phénomène et cyclique et récurent», nous explique l’expert en agriculture et ex Pdg du complexe Avicole de Batna, Laala Boukhalfa, tout en préconisant la mise en place d’une stratégie de régulation en amont, basée sur le suivi rigoureux et permanent des mises en place des cheptels reproducteurs.
Après voir rappeler que les besoins nationaux en cette viande sont de l’ordre 675 000 tonnes/an, soit une moyenne de 15kg/habitant, notre interlocuteur préconise que la mise en place des cheptels ne devraient pas dépasser les 5,5 millions/an. Dépasser ou au-dessous de ce seuil, le marché connaitra un dysfonctionnement, précise-t-il. Tant que l’aval de la filière ne répond pas au développement de l’amont, on vivra toujours ce genre de situation», résume-t-il.
Maitriser les mises en place
En clair, pour libérer la filière à l’investissement, conformément à la logique de l’économie de marché, il ya nécessité, d’abord, d’augmenter les capacités d’abattages au niveau national qui ne dépassent pas, actuellement, les 20%. M. Boukhalfa a déploré que 80% de l’abattage se fait actuellement dans des tueries clandestines. Ceci représente un danger pour la santé publique. Ainsi, l’intervenant a préconisé également, d’augmenter les capacités de stockage, notamment en chambres froides, d’investir dans la transformation et de se pencher sur l’exportation. « Nous avons les capacités de produire jusqu’à un million de tonnes/an de viande blanche. Mais, l’absence d’une véritable stratégie pour l’exportation de ce produit et la non-certification ISO de nos abattoirs rendent l’exportation pratiquement impossible», a-t-il souligné, en affirmant que l’unique solution dans le moment actuel est de maitriser les mises en place. «Les services agricoles sont appelés à instaurer un suivi permanent et un contrôle régulier et rigoureux», dira-t-il. Certainement, cette opération sera difficile, du fait que la plupart des éleveurs activent dans la sphère informelle.
«Baisse des prix durant ce mois : une illusion»
Questionné sur la dernière annonce du ministère de l’Agriculture sur le retour à la normale des prix de la volaille au cours de ce mois d’octobre, l’expert Boukhalfa Laala a qualifié ces déclarations d’ « illusion », en affirmant que « la situation avicole c’est des chiffres et non pas l’assemblage de phrases». Pour illustrer ses propos, notre intervenant a abondé dans le sens d’arguments scientifiques, en faisant savoir que le poussin ne peut nullement être sujet de «spéculation» pour des raisons naturelles. « Le poussin n’est pas un produit qu’on peut préserver longtemps. Dès sa sortie de l’incubateur, il doit être rapidement mis en place. En plus, si le nombre de poussins proposés sur le marché est suffisant, son prix n’atteindra pas les 180 DA !». Pour Laala Boukhalfa, le problème se pose au niveau de la poule reproductrice, et propose trois variantes pour remédier à la situation actuelle. La première, consiste en l’importation de l’œuf couvé. Une opération coûteuse, nécessitant du transport aérien, et également, comportant le risque de l’indisponibilité de ce produit sur le marché international, suite à la grippe aviaire qui avait touché plusieurs pays dans le continent européen. Cette solution permettra, dira-t-il, d’avoir des poussins entre 100 à 120 DA pour les vendre ensuite à 140 DA. Ceci va contribuer grandement à l’amélioration de la situation de la filière. La deuxième solution c’est d’importer de la reproductrice et de la mettre en élevage durant 4 mois pour commencer, enfin, à donner des œufs couvés. Un mois après, on aura des poussins, avant que ces derniers ne se transforment en poulets dans un délai entre 45 à 50 jours. Ceci dit, « on aura besoin de 8 mois pour stabiliser le marché». Quant à la dernière solution, c’est de suivre de près les mises en place afin de réguler le marché, en attendant le développement de la filière en aval.
A. R.