Constituant l’un des maillons importants de l’économie agricole, dans son versant aval, l’industrie agroalimentaire représente aujourd’hui quelque 45 % du chiffre d’affaires de l’industrie nationale. Elle y occupe ainsi la deuxième position après l’extraction, le transport et la transformation des produits pétro-gaziers. Cet important maillon économique, au carrefour de l’agriculture et de l’industrie, est porté par 17 000 entreprises de production de produits transformés. 95 % de ces entreprises sont de statut privé. On évalue la ressource humaine qui est employée par le secteur de l’agroalimentaire à quelque 140 000 salariés.
Par Amar Nait Messaoud
Les professionnels du secteur et les experts agricoles estiment que les potentialités algériennes en la matière sont encore sous-exploitées et que le taux d’intégration de l’industrie de transformation n’est pas encore à son optimum. Paradoxalement, cela se passe dans un contexte où la production agricole connaît, au cours des dernières années, de hauts sommets, malgré les aléas climatiques que connaît notre pays et l’ensemble du bassin méditerranéen. On évoque à ce propos certaines raisons pour expliquer cette sous-exploitation des potentialités nationales et ce déficit d’intégration.
L’initiative entrepreneuriale commence à peine à investir le terrain de manière audacieuse. L’encouragement des pouvoirs publics aux micro-entreprises et aux start-up semble progressivement donner ses fruits.
De même, les capacités managériales dans le domaine de l’agroalimentaire étaient pendant longtemps dans à la recherche de leurs repères sur le plan de la formation et de la maîtrise technique.
Dans les grands pays producteurs de produits agricoles transformés, des spécialités de biotechnologie/nutrition et des spécialités de gestion d’entreprises agroalimentaires constituent des filières de formation et d’enseignement universitaire à part entière.
Si l’agroalimentaire était confiné, jusqu’aux années quatre-vingt du siècle dernier, majoritairement dans les modes de conservation pour les productions en excès qui ne pouvaient pas être consommées immédiatement, le segment de la transformation a pris, au cours de ces dernières décennies, une ampleur inouïe au point où des créations nouvelles et des débouchés inédits sont enregistrés régulièrement dans ce domaine. Mieux encore, les modes en perpétuelle évolution de la gastronomie et du mode de consommation en général ont fini par imposer des modes de transformations spécifiques qui correspondent aux exigences du mode moderne caractérisé par un rythme de vie plus accéléré et des contraintes de travail qui laissent peu de place au régime alimentaire rustique d’antan.
Le régime alimentaire lui-même, bousculé par des conditions de santé plus délicates (régime désodé, sans gluten, sans sucre,…), a donné naissance à des productions agroindustrielles, qui sont à mi-chemin de la parapharmacie et du marché des produits alimentaires.
Un riche exposé des motifs
L’Algérie avait conçu, en 2010, dans le cadre des assises nationale des industries agroalimentaires, un Plan national de développement des industries agroalimentaires (PNDIAA). Ce plan porte, selon l’ancien ministère de l’Industrie et de la promotion des investissements, « l’ambition stratégique de l’État visant le renouveau du positionnement de l’Algérie dans le secteur des industries agro-alimentaires ».
Pour la promotion des industries agroalimentaires en Algérie, le tableau des exposés des motifs ne manque pas d’arguments. Ainsi, la grande et légitime ambition de la sécurité alimentaire se positionne dans la zone prioritaire.
Ensuite, il y a la prise en charge de la surproduction dans certains créneaux agricoles, principalement les fruits de saison. Certaines fruits- à l’image des abricots, des pêches, de la cerise des fraises,…-ont une durée de vie très courte.
S’ils ne sont pas consommés dans l’immédiat, ils risquent de s’altérer ou de pourrir, devenant perdus pour la consommation ; d’où la nécessité d’en valoriser les quantités excédentaires par la transformation agroindustrielle. Il ne faut pas oublier aussi les produits du terroir, produits de haute qualité biologique, sans pesticides, dont une partie peut aussi être transformée.
La preuve par El Mordjane !
Les résultats attendus d’un déploiement conséquent des activités liées au secteur de l’industrie agroalimentaire s’étendent également à la création d’emplois et à l’exportation et à la diversification des recettes extérieures hors hydrocarbures.
L’expérience réussie de la pâte à tartiner El Mordjane est là pour nous renseigner sur les potentialités algériennes en matière d’exportation de produits agricoles transformés. Sa réussite est si fulgurante en Europe et en Amérique du Nord qu’elle est devenue victime de son succès.
En septembre 2024, l’importation d’El Mordjane, cette « Nutella » algérienne, a été interdite sur le territoire de l’Union européenne, et ce, en application d’un règlement non appliqué jusque-là, édictant l’interdiction d’entrée de produits laitiers issus de pays non autorisés, à l’exemple de l’Algérie.
Une cargaison de ce produit a été retenue au port de Marseille, qualifiée de « non conforme aux normes européennes », selon une clause relative aux exigences applicables à l’entrée dans l’Union européenne d’envois d’animaux producteurs d’aliments et de certains biens destinés à la consommation humaine.
Cette réglementation soudainement arborée par l’administration française serait motivée par d’autres motifs moins avouables liés à la concurrence qui mettrait à mal certains produits locaux ou produits par des entreprises agroalimentaires françaises.
Il s’agit d’une forme de lobbying destiné à dessiner et défendre les périmètres des parts de marchés des gros producteurs européens.
Cet « incident » commercial révèle aux Algériens, si besoin est, les capacités et les potentialités dont dispose notre pays en matière, non seulement de production agroalimentaire, mais également d’exportation vers les pays les mieux lotis sur le plan de la production et de la commercialisation des produits alimentaires transformés.
A.N.M.