À chaque catastrophe naturelle (séisme, inondation et incendies), l’État est appelé à supporter, à lui seul, le fardeau des dégâts occasionnés. C’est le cas des derniers incendies meurtriers enregistrés, le weekend dernier, dans plusieurs wilayas de l’Est du pays. En effet, après la maitrise de ces feux de forêts, l’heure est au bilan et à l’indemnisation des sinistrés.
Par Akrem R.
Des commissions d’enquête et d’évaluation sont à pied d’œuvre au niveau des zones touchées par ces incendies, afin de constater, de près, les dégâts et procéder au recensement de chaque victime, notamment, les agriculteurs.
En visite du travail et d’inspection dans la wilaya de Guelma, le ministre de l’Agriculture et du Développement rural, Mohamed Abdelhafid Henni, a affirmé que l’indemnisation des agriculteurs touchés par les derniers incendies « débutera immédiatement » après réception des rapports des commissions de wilaya qui mènent actuellement l’opération de recensement.
« Toutes les dispositions organisationnelles nécessaires ont été prises pour l’indemnisation des (agriculteurs) sinistrés des incendies dans les plus brefs délais et dans les meilleures conditions », a déclaré M. Henni à la presse, tout en les assurant que « l’Algérie n’abandonnera pas ses enfants ».
Il a affirmé l’engagement des services de son département à assurer aux sinistrés des incendies les indemnisations nécessaires qui leur permettront de relancer leurs activités agricoles, ajoutant qu’il est possible de recourir à d’autres mesures d’aide aux sinistrés, dont la fourniture d’ aliments de bétail pour des périodes suffisantes pour les aider à surmonter ces moments critiques, en plus du lancement, à la mi-octobre, de l’opération de plantation des arbres.
M. Henni a précisé, par ailleurs, que l’opération d’indemnisation en nature des agriculteurs sinistrés des localités forestières et rurales touchées par les incendies, sera effectuée par « la mobilisation de quatre entreprises économiques relevant du secteur spécialisées dans l’élevage, le matériel d’irrigation agricole, l’entreprise régionale de génie rural et l’assurance agricole des équipements ».
Idem pour les habitations: les services techniques sont en place pour faire une évaluation des maisons touchées, avant de dégager des enveloppes financières pour leur reconstruction ou aménagement.
En somme, des milliards de DA seront débloqués par le Trésor public afin de garantir le retour à une vie normale aux habitants de ces localités.
Certes, l’Etat est dans l’obligation de prendre en charge ses citoyens, notamment lors des catastrophes naturelles, mais il est presque urgent de penser à mettre en place de nouveaux mécanismes garantissant une prise en charge effective des sinistrés, tout en allégeant la pression sur le Trésor public.
D’ailleurs, même le Premier ministre a annoncé, l’année dernière, que sur les quinze dernières années, cinq milliard de dollars dédiés aux indemnisations, ont été « ponctionnés » sur le budget de l’Etat. L’Etat ne peut pas continuer à assumer des charges aussi lourdes et aussi imprévues chaque année.
Les campagnes d’assurances appelées à s’impliquer
En clair, les compagnies d’assurances sont appeler à consentir d’énormes efforts, notamment, en matière de communication et sensibilisation afin d’inciter les gens à souscrire à une police d’assurance contre les effets des catastrophes naturelles (CatNat) et une assurance agricole. Dans un entretien accordé au journal électronique (TSA), Hassen Khelifati, vice-président de l’Union algérienne des sociétés d’assurance et de réassurance (UAR ) et PDG de la compagnie Alliance Assurances, a plaidé pour la mise en place de nouveaux mécanismes « plus objectifs et plus économiques » qui permettront de convaincre les Algériens de la nécessité de respecter le caractère obligatoire de l’assurance contre les effets des catastrophes naturelles (Cat-Nat).
Actuellement, cette assurance peine à se généraliser. C’est un constat que les assureurs font chaque année, sans toutefois y trouver des solutions opérationnelles. Ainsi, l’intervention de l’Etat à chaque catastrophe naturelle a inclus l’idée chez les citoyens de pouvoir compter sur l’autre.
« Depuis des années, l’Union des assureurs algériens (UAR) propose au gouvernement d’adopter une autre approche, plus économique et plus objective, pour introduire la culture de l’assurance chez le consommateur, et instaurer une obligation, de façon à ce que les personnes non assurées ne soient pas indemnisées, quelle que soit la situation. Mais cela doit se faire avec une triangulaire. Les assureurs doivent faire des efforts pour améliorer la qualité de leurs services, de leurs produits et de leurs tarifs. L’État, de son côté, pourra subventionner une partie de la prime d’assurance, tandis que l’assuré paiera une partie. Cela permettra de ne pas solliciter le budget de l’Etat en cas de catastrophes naturelles. Le cas échéant, ce seront les assureurs qui enverront les experts pour évaluer l’ampleur des sinistres », détaille-t-il.
Le vice-président de l’UAR a indiqué que les assureurs sont disposés à proposer aux pouvoirs publics de nouveaux mécanismes. « Cela prendra peut-être du temps, mais l’Etat peut se désengager petit à petit et laisser le système des assurances jouer son rôle de protection du patrimoine. En cas de catastrophe, l’Etat interviendra dans les situations d’urgence, dans les premières heures, pour protéger la population, mais ce sont les mécaniques d’assurance qui interviendront ensuite pour l’indemnisation des populations, si le système de souscription change bien entendu », conclu Khelifati.
A. R.
Laala Boukhalfa, expert agricole : «Il faut exonérer les agriculteurs d’impôts»
Les récents incendies de forêts ayant touché des wilayas à vocation agricole ont dévoilé la situation précaire dans laquelle se trouvent les agriculteurs. Ils activent dans un secteur dominé par l’informel. Selon les estimations de l’expert agricole, Laâla Boukhalfa, entre 70 à 80% des agriculteurs exercent leurs activités dans « » »l’opacité totale » et sans aucune traçabilité (pas de registre du commerce, pas d’affiliation à la sécurité sociale et encore moins d’assurance agricole).
« En dépit des campagnes de sensibilisation et vulgarisation lancées par la Caisse nationale des assurances agricoles ‘’CNMA’’, les petits agriculteurs n’adhérent pas à ces campagnes et refusent d’intégrer la sphère réelle. Il y a cette crainte envers les services des impôts. A celà, s’ajoute, la culture de nos agriculteurs préférant travailler loin des tracasseries administratives, a expliqué Laâla.
A ses yeux, la solution réside dans la volonté de l’Etat de prendre une décision « courageuse », en exonérant totalement les agriculteurs de taxes et impôts. » Tant que les agriculteurs ne paient pas d’impôts dans la réalité, il est dans l’intérêt de l’Etat et de l’agriculture algérienne d’annoncer clairement que les paysans ne seront pas concernés par un tel régime fiscal. C’est à ce moment que les petits agriculteurs vont manifester leur intérêt pour intégrer la sphère officielle. C’est à partir de là que le travail de sensibilisation et d’identification commencera », plaide-t-il, en recommandant aux chambres agricoles locales et à l’Union nationale des paysans de s’intéresser aux véritables problèmes des agriculteurs, tout en s’éloignant de la politique. « Ces institutions accordent plus d’importance, actuellement, à la politique au détriment des intérêts des agriculteurs », déplore-t-il.
Il est à noter que l’assurance agricole ne représente que 2 % du chiffre d’affaires du marché, alors qu’ailleurs, elle peut représenter jusqu’à 20 ou 30 % du marché ! Durant le premier trimestre de 2022, la branche agricole a réalisé un chiffre d’affaires de 505,9 millions de DA, soit une baisse de 15, 3% par rapport au premier trimestre 2021.
Cette branche n’occupe, seulement, que 1,3% du total de la production du marché des assurances-dommage. Ce repli est causé par l’ensemble des sous-branches, notamment, les « production végétale» et «production animale», qui cumulent 61,4 % et régressent respectivement de 27,5% et 8,4%
Cette situation trouve son explication, selon une note de conjoncture du Conseil national des assurances (CNA), en grande partie, dans l’abandon du métier par les éleveurs en raison de la cherté des aliments de bétail, ainsi que de la perte d’importants contrats par la société leader.
A. R.