Une nouvelle instruction de la Banque d’Algérie vient d’être publiée, encadrant l’activité des Prestataires de services de paiement (PSP). À travers ce nouveau cadre strict, la BA complète le dispositif réglementaire régissant cette activité tant attendue par les acteurs financiers et du commerce électronique.
Par Akrem R.
«Suite à la promulgation au Journal officiel du règlement n°25-02 du 14 avril 2025 fixant les conditions d’autorisation de constitution, d’agrément et d’exercice d’activités des prestataires de services de paiement, apportant les principes généraux en termes de constitution et d’agrément, la Banque d’Algérie vient de publier l’instruction n° 06-2025 définissant les règles régissant l’activité et le fonctionnement des PSP. Cette instruction complète le dispositif réglementaire encadrant les activités des prestataires de services de paiement en précisant les modalités opérationnelles de leur exercice », lit-on dans un communiqué de la BA posté en ligne hier mardi sur son site internet officiel.
À travers ses dispositions, l’instruction 06-2025 vise à garantir la sécurité, la fiabilité et la transparence des services de paiement fournis par les PSP aux utilisateurs de services de paiement.
L’instruction encadre notamment l’ouverture et la gestion des comptes de paiement, la protection des fonds des clients, le recours à des agents mandatés, ainsi que la transparence et la sécurité des services fournis. La mise en œuvre du règlement n° 25-02 comprend également l’instruction n° 03-25 du 27 mai 2025 relative aux conditions d’autorisation de constitution et d’agrément des prestataires de services de paiement.
Cette instruction a défini la composition du dossier à fournir pour obtenir une autorisation de constitution, ainsi que la composition du dossier de demande d’agrément, qui permet au prestataire d’exercer effectivement ses activités.
Avec ce nouveau cadre, la Banque d’Algérie cherche à instaurer une culture de confiance et de transparence autour des paiements électroniques, un secteur en pleine expansion. En fixant des garde-fous clairs, elle encourage le développement d’un écosystème de prestataires fiables, capable de soutenir la modernisation des transactions et de réduire la dépendance aux paiements en espèces.
En dépit des avancées enregistrées dans le domaine des paiements électroniques, dont le nombre de transactions est en nette progression, un grand travail reste toutefois à consentir notamment dans le domaine commercial. Le paiement en espèces reste prédominant.
L’argent fiduciaire en circulation hors circuit bancaire est très important, estimé à près de 90 milliards de dollars ! Conscient de l’ampleur de la situation, le gouvernement tente par tous les moyens de réduire cette masse monétaire, en s’attaquant à l’économie informelle et en développant un écosystème idoine pour le paiement électronique afin de parvenir à une solide inclusion financière.
Ces dernières années, les pouvoirs publics ont encouragé l’équipement des commerçants en terminaux de paiement électronique (TPE), la mise en place de plateformes de e-paiement pour les factures et les services publics, ainsi que l’élargissement de l’offre de services bancaires mobiles.
L’objectif est clair : réduire la circulation fiduciaire, améliorer la traçabilité des flux financiers et renforcer l’inclusion financière afin d’intégrer davantage de citoyens et de PME dans le circuit économique formel.
D’ailleurs, des objectifs ambitieux ont été fixés dans la stratégie nationale de numérisation, à l’instar de la réduction des transactions de paiement en cash, ciblant l’élimination du paiement en espèces des transactions dépassant les 500 000 DA.
Cet objectif vise à favoriser l’utilisation des modes de paiement électronique en matière de transactions financières pour promouvoir l’inclusion financière.
C’est dans ce cadre que s’inscrit cette nouvelle instruction émanant de la Banque d’Algérie. Ce dispositif (Instruction n° 06-2025 du 17 août 2025) devrait contribuer à accélérer l’inclusion financière, en facilitant l’accès des particuliers et des entreprises aux services numériques, tout en consolidant la stabilité du système financier national.
Trois niveaux de comptes de paiement pour plus de souplesse
Dans l’article 2 de cette instruction, la BA a précisé que l’ouverture d’un compte de paiement peut désormais se faire à distance via une plateforme sécurisée, et introduit trois niveaux de comptes adaptés aux profils des utilisateurs.
Le compte de niveau 1, dont le solde est plafonné à cent mille DA (100 000,00 DA), requiert que l’utilisateur de services de paiement renseigne une fiche d’identification dont le modèle est joint en annexe I de la présente instruction.
S’agissant du compte de paiement de niveau 2, dont le solde est plafonné à cinq cent mille DA (500 000,00 DA), son ouverture exige que l’utilisateur de services de paiement renseigne une fiche d’identification et scanne son document d’identité en cours de validité, ainsi qu’un justificatif des revenus.
Enfin, pour le compte de niveau 3, le solde est plafonné à un million de dinars algériens, ouvert après un entretien en visioconférence et la transmission de pièces justificatives renforcées. En effet, cette gradation permet d’élargir l’accès aux services numériques tout en respectant les exigences de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.
Chaque ouverture de compte doit faire l’objet d’une « convention claire » entre le PSP et l’utilisateur, incluant les conditions tarifaires, les responsabilités, les procédures de réclamation et de résiliation, comme le stipule l’article 3.
Sécurité des fonds et comptes de cantonnement obligatoires
Afin de protéger les dépôts des usagers, la Banque d’Algérie impose la mise en place de comptes de cantonnement distincts des fonds propres des prestataires.
Ces comptes, réservés exclusivement à la restitution des fonds des clients, sont intouchables par les créanciers du PSP. Ils doivent en permanence refléter le solde global des comptes de paiement et faire l’objet d’un suivi quotidien (art. 9 à 15).
L’instruction introduit également un cadre juridique pour les agents mandatés par les PSP. Ces derniers peuvent assurer des services comme le versement, le retrait d’espèces ou la transmission de fonds, mais toujours sous la responsabilité pleine et entière du prestataire.
«Le PSP demeure responsable de l’intégrité, la sécurité et la traçabilité des opérations réalisées par ses agents», lit-on dans l’article 17 de ladite instruction.
Par ailleurs, les contrats avec ces agents doivent inclure des clauses précises sur la gestion des espèces, la confidentialité des données, la lutte contre le blanchiment et la rémunération. La Banque d’Algérie se ré- serve, en outre, le droit d’effectuer des contrôles et visites sur le terrain (art. 25).
La protection des utilisateurs de services de paiement est un axe central. L’instruction oblige les PSP à souscrire à une « garantie bancaire » ou une assurance responsabilité civile professionnelle proportionnée à leur profil de risque et à leur volume d’activité (art. 29). Ces fonds de garantie, bloqués, servent exclusivement à couvrir les utilisateurs en cas de défaillance.
En cas de retrait d’agrément, les PSP doivent restituer l’intégralité des fonds à leurs clients dans un délai n’excédant pas trois mois, et ce sans frais (art. 30).
En outre, l’instruction rappelle que tous les services de paiement doivent être libellés exclusivement en « dinars algériens » et opérés à l’intérieur du territoire national (art. 31).
Par ailleurs, les PSP sont tenus d’adhérer aux systèmes de paiement et de compensation autorisés par la Banque d’Algérie, garantissant l’interopérabilité et l’intégration des opérations dans le cadre du système bancaire national (art. 33).
En somme, avec ce nouveau cadre, la Banque d’Algérie cherche à instaurer une culture de confiance et de transparence autour des paiements électroniques, un secteur en pleine expansion.
En fixant des garde-fous clairs, elle encourage le développement d’un écosystème de prestataires fiables, capable de soutenir la modernisation des transactions et de réduire la dépendance aux paiements en espèces.
A. R.