Le dossier de l’importation de véhicules neufs refait surface et sa finalisation risque de prendre encore plus du temps que prévu. Au moment,où les Algériens d’une manière générale s’attendent à l’importation de premiers lots de voitures avant de l’année en cours, le gouvernement a décidé de procéder à la révision du cahier des charges régissant cette activité, à l’arrêt depuis 2018.
Par Akrem R.
En effet, le président de la République, Abdelmadjid Tebboune a ordonné au ministère de l’Industrie la révision immédiate de ce cahier des charges. D’ailleurs, des orientations claires ont été données par le Premier ministre, Aïmene Benabderrahmane, aux cadres du ministère de l’Industrie afin de veiller à la protection des investisseurs et du consommateur en garantissant la continuité des services, notamment, après la vente. Selon le directeur des ressources humaines et des affaires juridiques du ministère de l’Industrie, Bachir Kechroud, le nouveau cahier des charges en question sera prêt au niveau du ministère avant la fin du mois de mars 2022. Ceci dit, l’importation de véhicules neufs ne sera pas pour demain et l’année prochaine risque d’être une année «blanche».
Il est à noter dans ce cadre, que les démarches administratives et autres procédures techniques (recrutement du personnel, domiciliation bancaire, la commande auprès d’un fournisseur, les délais d’acheminement, etc.), exigent une période entre 6 à 8 mois.
Pour l’ex-président de l’association des concessionnaires automobiles, Youcef Nabech, ce n’est pas la première fois que le Président Tebboune intervient sur le dossier. «Le problème réside au niveau de la non- application des directives par les responsables chargés du dossier. Il faut une réelle volonté politique pour en finir avec ce dossier qui traine depuis deux ans maintenant !». Et d’ajouter : «Le problème avec ce dossier, ne réside pas dans le cahier des charges en lui-même, mais dans sa mise en application», a-t-il dit, en laissant entendre que les premières voitures importées pourraient voir le jour à la fin du deuxième trimestre de 2022. Il est rappeler que ce département ministériel a déjà consommé deux ministres, en l’occurrence Ferhat Aït Ali et Mohamed Bacha, durant cette courte période, sans toutefois, trouver une solution à ce dossier. Cette situation selon, Hamza Boughadi, s’explique par le manque de visibilité chez l’Etat, notamment, avec la pandémie de Covid-19 et le souci de préserver les réserves de change. Notre interlocuteur a fait savoir, ainsi, que le cahier des charges d’avril dernier était souple et simplifié. «Toutes les contraintes, bloquant auparavant les concessionnaires, ont été levées. Mais, jusqu’à aujourd’hui, le dossier est à la traine», a-t-il précisé, en soulignant l’importance des véhicules dans la relance économique. « La voiture est un outil de production. Il ya un manque important sur le marché», ajoute-t-il.
Questionné sur l’arrivée de la première voiture en Algérie, Boughadi a affirmé qu’il est difficile de faire un pronostic, mais cela dépendra de la concrétisation des orientations du Président et de la volonté du gouvernement. Une fois que le concessionnaire ait décroché son agrément, une période de 7 mois, au moins, est nécessaire pour ce préparer, en recrutant le personnel, la location d’hangars, les lieux de stockages et de services après vente. « Il ya beaucoup de travail à faire », dira-t-il. Concernant les voitures de moins de trois ans, Boughadi a affirmé que ce dossier est lié à un problème structurel: « Autoriser les particuliers à importer leurs propres véhicules, alimentera davantage le marché informel ! Une contradiction avec la démarche des pouvoirs publics», a-t-il estimé. Par ailleurs, et selon l’expert Kherchi, l’Algérie a besoin de 400 000 voitures/an pour la stabilisation du marché et faire baisser les prix ayant atteint des seuils imaginaires.
Mohamed Sayoud, expert en investissement: « L’importation de voiture n’est pas une priorité pour l’Etat »
L’expert en investissement, Mohamed Sayoud, explique la lenteur dans le traitement de ce dossier par l’absence d’une volonté politique, du fait que l’Etat le considère comme étant un dossier non prioritaire. Ainsi, cette situation s’explique, également, par le souci des pouvoirs publics de ne pas puiser dans les réserves de change, ajoute-t-il, en affirmant que l’Etat a raison quant à sa démarche, mais il était préférable de dire les quatre vérités aux Algériens afin de soulever toute cette ambigüité sur ce dossier. Sayoud, qui est également consultant international en investissement, a fait savoir que 90% des opérateurs économiques étant affaiblis par la crise financière et par la pandémie, n’ont pas les moyens financiers pour l’acquisition d’un nouveau matériel roulant (voitures, engin et autres). Ils préfèrent s’approvisionner en local, en matériels anciens à des prix compétitifs, explique-t-il. En outre, notre interlocuteur a estimé que la libération du marché pour le privé (l’importation aux particuliers) encouragera le marché informel. « La surfacturation va alimenter davantage le marché informel de la devise. D’ailleurs, 90 % de ce marché est alimenté par cette pratique », a-t-il expliqué, en faisant savoir, que les prix sur le marché local connaitront une flambée sans précédent.
Questionné, par ailleurs, sur la stratégie à mettre en place pour développer un véritable tissu de sous-traitance industriel, Mohamed Sayoud est catégorique : « Il faut libérer l’investissement et donner plus d’importance au temps». Actuellement, la méthode d’attribution du foncier industriel est contraignante et l’investisseur est obligé de consacrer entre 3 à 4 ans pour trouver et viabiliser un terrain ! C’est trop long pour un investisseur. Si le président Tebboune est intervenu en personne pour le déblocage des projets à l’arrêt, Sayoud s’interroge sur le sort des nouveaux projets. « La solution est d’aller vers la construction de zones industrielles clés en main», préconise-t-il, tout en appelant à l’octroi de facilitation nécessaire pour les 30 000 importateurs suspendus du commerce extérieur en vue de les orienter vers l’investissement productif. Ils ont les moyens financiers nécessaires, conclut-il.
A. R.