Le dossier de l’importation de véhicules neufs suscite encore des réactions. Après la plaidoirie du ministre de l’Industrie, Ahmed Zeghdar sur cette problématique jeudi dernier devant les députés de la Chambre basse du Parlement, assurant que l’importation de voitures est autorisée pour les particuliers, c’est au tour du Groupement des concessionnaires automobiles (GCA) de réagir.
Par Akrem R.
Dans une lettre adressée au ministre Zeghdar, les concessionnaires ont dénoncé la «lenteur» et «l’absence d’une volonté réelle» pour le règlement de ce dossier qui a pris beaucoup trop de temps, selon eux. Pour les membres de ce groupement, la commission interministérielle chargée de l’étude des dossiers de demandes d’agréments a dépassé ses limites, et même a « failli» dans sa mission. «Le Groupement a exprimé son mécontentement quant au retard dans l’octroi des licences d’importation suspendues depuis 2020 «sans raison claire, sous prétexte que le Comité technique ministériel, qui comprend 5 secteurs, créé pour attribuer des agréments pour les futurs concessionnaires, est toujours en instance. Ce comité technique a largement dépassé ses attributions et les délais fixés par la législation pour étudier nos dossiers contenus dans les articles 12, 13, 14, 16 et 17 du décret exécutif 21- 175, et articles 5, 6 et 7 du cahier des charges publié au Journal Officiel n° 34 du 09 mai 2021», lit-on dans ce document, dont nous détenons une copie. Le GCA s’est interrogé également, sur le sort de 8 dossiers dont le ministre Zeghdar avait déclaré, en décembre dernier à l’APN, qu’ils faisaient l’objet de réserves et qui sont aujourd’hui en cours de correction. «Où en est-on dans ce processus ? Et comment allez-vous gérer un marché qui a récemment connu une grave pénurie de véhicules, de pièces de rechange et de services après-vente», s’interrogent-t-ils.
La situation qui prévaut sur le marché automobile est intenable, notamment avec la prolifération de la contrefaçon pour la pièce de rechange et également des voitures proposées à la revente avec de faux papiers, dénoncent-ils.
En somme, l’activité de concessionnaire automobile fait face à de nombreuses problématiques et la non promulgation du nouveau cahier des charges impose à des opérateurs économiques de revoir leur plan business, voire de cesser leur activité.
Selon le même document, 80 opérateurs ont décidé du suspendre leur activité, de libérer leurs effectifs, suspendre le paiement des charges fiscaux et parafiscaux, dont l’IRG. «Chaque opérateur débourse 500 millions de centimes/mois pour le paiement des charges, de la location et des salaires des employés depuis plusieurs mois (depuis août 2020) sans toutefois décrocher l’agrément. La situation est intenable et le grand perdant dans cette histoire, ce sont, nous autres, opérateurs et le simple citoyen qui n’arrive pas à avoir une voiture», indique le Groupement, tout en déplorant l’ «absence d’une véritable volonté» pour trouver un compromis définitif à ce dossier qui s’inscrit maintenant dans la durée.
Ainsi, les concessionnaires ont estimé que laisser l’importation libre uniquement pour les particuliers n’est pas une bonne chose. «À travers cette décision, les pouvoirs publics sont en train d’encourager le marché informel de la devise. C’est une contradiction avec le plan d’action du gouvernement», déplore-t-ils également. S’agissant de l’installation de constructeurs étrangers dans notre pays, le Groupement estime que cette option ne «sera effective qu’à partir de 2026, pour des raisons techniques.
D’abord il y a le processus long des discussions, ensuite, l’installation d’une usine et le taux d’intégration fixé à 40%. Ceci ne pourrait pas se faire dans un court délai, sinon, on risque de revivre la même expérience du «gonflement des pneus» qui avait coûté au Trésor public 3 milliards de dollars», prédit le groupement, en soulevant, également, la question de l’instabilité du cadre législatif. Plusieurs marques mondiales ont, d’ailleurs, affiché leur crainte par rapport à cette problématique, en préférant temporiser sur leur éventuel investissement en Algérie, notamment, eu égard à la non promulgation du nouveau Code de l’investissement. Faut-il l’intervention du président de la République, Abdelmadjid Tebboune, pour trancher sur ce dossier ? À suivre
A. R.
Ishak Kherchi, expert en économie : «Il est nécessaire de prendre son temps pour éviter les erreurs du passé»
L’expert en économie, Ishak Kherchi, a estimé que l’élaboration d’un nouveau cahier des charges, régissant l’activité d’importation de voitures neuves, a réellement pris beaucoup du temps. Mais, il est nécessaire, indique-t-il, pour ne pas retomber dans les mêmes erreurs de l’expérience précédente.
Pour l’intervenant, la solution pour ce dossier «épineux» c’est d’accorder des autorisations temporaires à certains concessionnaires répondant à un certain nombre d’exigences pour l’importation de voitures avec la fixation de quotas, en attendant l’entrée en vigueur du nouveau cahier des charges.
«Le gouvernement peut recourir à cette solution en accordant des dérogations d’importation pour les véhicules neufs à un certain nombre de concessionnaires, tout en fixant des quotas. La libéralisation de l’importation de voitures va anéantir nos réserves de change, puisque les besoins du marché tournent autour de 400.000 à 600.000 voitures/an, tout en sachant que cette opération est suspendue depuis 5 ans», détaille-t-il. Ishak Kherchi, enseignant universitaire, également, a estimé nécessaire que l’Etat veille à la préservation des réserves de change à des niveaux entre 30 à 35 milliards de dollars, garantissant la couverture de nos importations pour une période de 10 à 12 mois. Ceci est d’ailleurs, le souci majeur du gouvernement. Des orientations claires avaient été données par le président Tebboune afin de rationaliser nos dépenses et de mettre un terme à l’importation anarchique.
Sur un autre registre, Kherchi a indiqué que le retour de l’activité des concessionnaires sera bénéfique pour l’économie nationale. « Certes, des sommes en devises seront décaissées, mais avec des retombées économiques bénéfiques. Il y aura, en effet, de la création de postes d’emploi, stimulation de la consommation, augmentation de la production au niveau des usines et disponibilité de la liquidité. En gros, le retour de cette activité ne pourrait qu’être bénéfiques pour l’économie nationale», conclut-il.
A. R.