Horizon 2030/2040 : Risque de tensions planétaires et de conflits armés face à la pénurie d’eau douce

Abderrahmane Mebtoul

Pour le philosophe et naturaliste Viktor Schauberger, « l’eau est le sang de la terre, le support de toute vie ». Antoine de Saint-Exupéry a dit aussi : « Eau, tu n’as ni goût, ni couleur, ni arôme, on ne peut pas te définir, on te goûte, sans te connaître. Tu n’es pas nécessaire à la vie : tu es la vie. »

Par Abderrahmane MEBTOUL

1.- L’eau a été, au cours de l’histoire de l’humanité, le facteur dé- terminant du développement des Nations. Or, l’augmentation des températures modifie les précipitations à l’échelle régionale et mondiale, et, partant, le régime des pluies et celui des saisons agricoles, ce qui a des répercussions majeures sur la sécurité alimentaire, la santé et le bien-être des populations.

Il faut agir de toute urgence pour améliorer la gestion coopérative de l’eau, adopter des politiques coordonnées sur l’eau et le climat, accroître les investissements afin de parer aux aléas hydrologiques, tels que les inondations et les sécheresses sous l’effet du changement climatique, le stress hydrique étant aggravé par la croissance démographique et la diminution des ressources disponibles.

Selon les études du Groupe intergouvernemental d’experts des Nations unies sur l’évolution du climat, de l’Institut international pour la gestion de l’eau, de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture et de l’Unesco, 70% de la surface de la Terre est recouverte d’eau, mais 97,5% de cette eau est de l’eau salée.

Des 2,5% restants d’eau douce, 68,7% est gelé dans les calottes glaciaires et les glaciers. Moins d’un pour cent de cette eau douce est disponible pour être utilisée par les humains.

Dès lors, l’eau est un enjeu stratégique à la fois sécuritaire et économique, impliquant tant un nouveau modèle de consommation énergétique axé sur les énergies renouvelables (le solaire) et l ‘hydrogène vert qu’un nouveau modèle de consommation de la part des êtres humains qui seront obligé de consommer moins d’eau douce car la gestion de l’eau sera dans les années à venir un facteur déterminant des tensions planétaires, surtout au Moyen Orient, en Afrique et dans certaines zones de l’Asie pouvant entraîner des conflits armés.

A l’échelle de la planète, on estime qu’environ 40 000 km3 d’eau douce s’écoulent chaque année sur les terres émergées, et partagées entre une population mondiale estimée, en janvier 2024 selon l’ONU, à plus de 8 milliards d’habitants.

Autrement dit les ressources doivent fournir en moyenne fournir 5700 m3 d’eau douce à chaque habitant de la planète soit près de 16 000 litres d’eau par jour. La surface totale des terres irriguées a été multipliée par cinq depuis le début du XXe siècle. Elle a quasiment doublé depuis 1960, principalement en Asie (Chine, Inde, Pakistan).

Or, 1500 litres d’eau douce sont aujourd’hui nécessaires pour la récolte d’un seul kilogramme de blé alors que 80% des nouveaux besoins alimentaires planétaires, induits par la croissance démographique d’ici à l’an 2030, devront être satisfaits par l’agriculture irriguée qui monopolise déjà 70% des potentialités hydriques mondiales.

2.- Avec le réchauffement climatique, l’atmosphère présente une modification importante dans la distribution géographique de sa température globale, pouvant entraîner une nouvelle répartition des ressources hydriques selon les systèmes climatiques. La température risque de diminuer dans une région et augmenter dans une autre avec résultat une hausse ou une baisse des chutes de pluies.

Ainsi les zones humides peuvent connaître des inondations catastrophiques par suite de l’intensification des pluies et les zones arides et semi-arides risquent de subir le phénomène de désertification à cause de la raréfaction des pluies. Au plan mondial, la question de l’approvisionnement en eau devient chaque jour plus préoccupante.

Le constat unanimement partagé est simple : déjà précaire dans certaines régions du globe, la situation ne pourra qu’empirer dans les années à venir.

L’essor démographique que va connaître notre planète dans les vingt-cinq prochaines années s’accompagnera d’une explosion de la consommation en eau et avec les risques d’une dégradation de sa qualité, mettant gravement en péril le ravitaillement en eau douce d’une grande partie de l’humanité, alors que la consommation en eau de l’humanité était multipliée par 6 à 7 fois durant ces dernières décennies. A cela s’ajoute une répartition inégalitaire de la population humaine sur Terre et des ressources en eau mal répartie et inégalement exploitée.

Selon les études de l’ONU, l’Asie concentre 60% de la population humaine, mais ne dispose que de 30% des ré- serves en eau disponibles.

Les régions arides qui reçoivent moins de 250 mm d’eau par an couvrent près de 20% des terres émergées et 1/5e des continents ne dispose d’aucune ressource propre en eaux fluviales.

La consommation d’eau croît avec le niveau de vie des populations, les nombreux équipements qui apparaissent dans les foyers facilitant l’usage de l’eau. Ainsi, les Européens consomment aujourd’hui 8 fois plus d’eau douce que leurs grands-parents pour leur usage quotidien.

Un habitant de Sydney par exemple consomme en moyenne plus de 1000 litres d’eau potable par jour, un Américain de 300 à 400 litres, et un Européen de 100 à 200 litres alors que dans certains pays en développement, la consommation moyenne par habitant ne dépasse pas quelques litres.

Comme il existe des modalités opératoires différentes dans l’usage de l’eau. Ainsi, selon l’ONU, la Grande-Bretagne consacre 27% de son eau aux besoins domestiques, 71% à ses industries et seulement 2% à son agriculture, et l’Inde 2% pour ses besoins domestiques, 2% pour son industrie et 96% pour son agriculture.

Si parallèlement la tendance actuelle à l’augmentation des prélèvements en eau se poursuit, entre la moitié et les deux tiers de l’humanité devraient être en situation dite de stress hydrique en 2025, seuil d’alerte retenu par l’Organisation des Nations unies (ONU) et correspondant à moins de 1700 mètres cubes d’eau douce disponible par habitant et par an.

Aujourd’hui, déjà un habitant sur cinq n’y a pas accès. Selon l’ONU, sur les 33 mégapoles de plus de 8 millions d’habitants qui existeront dans 15 ans, 27 seront situées dans les pays les moins développés et donc les moins à même de pouvoir ré- pondre aux besoins avec le risque d’une pénurie d’eau.

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