Horizon 2030/2040 : Risque de tensions planétaires et de conflits armés face à la pénurie d’eau douce

(2ème partie et fin)

Par Abderrahmane MEBTOUL

3.- L’un des problèmes majeurs en matière d’eau douce et d’alimentation humaine est posé par l’irrigation, car pour nourrir toute la population de notre planète, la productivité agricole devrait fortement augmenter. Alors que l’irrigation absorbe déjà aujourd’hui 70% des prélèvements mondiaux, une consommation jugée très excessive, celle-ci devrait encore augmenter de 17% au cours des 20 prochaines années.

D’où l’importance d’utiliser d’autres techniques d’irrigation plus appropriées comme le goutte à goutte car le facteur déterminant de l’approvisionnement futur de l’eau sera fonction d’une nette amélioration de la gestion globale de l’irrigation et de la maîtrise de la croissance de la consommation.

Avoir accès à l’eau est devenu un enjeu économique et géostratégique, voire sécuritaire à l’échelle planétaire et les récents événements montrent tous les enjeux de la sécurité alimentaire.

Selon l’Organisation mondiale de la Santé en 2021, 50% des cas de sous-nutrition chez les enfants sont dus à la consommation d’eau non potable et plus de la moitié de la population mondiale n’a pas accès à des services d’assainissement sûrs. Il y a risque de conflits mondiaux pour le contrôle de l’or bleu selon une étude des Nations unies.

Plus de 40% de la population mondiale est établie dans les 250 bassins fluviaux transfrontaliers du globe où ces populations doivent partager leurs ressources en eau avec les habitants d’un pays voisin. Or, une telle situation peut être à l’origine de conflits récurrents, notamment lorsqu’un cours d’eau traverse une frontière, car l’eau devient alors un véritable instrument de pouvoir aux mains du pays situé en amont.

Aujourd’hui, les contentieux à propos de l’eau sont nombreux à travers le monde, notamment au Nord et au Sud de l’Afrique, au Proche-Orient, en Amérique centrale, au Canada et dans l’Ouest des États-Unis. Au Moyen-Orient des tensions peuvent s’accélérer.

Au Proche Orient, selon l’ONU, une dizaine de foyers de tensions existent. Ainsi l’Égypte, entièrement tributaire du Nil pour ses ressources en eau, doit néanmoins partager celles-ci avec dix autres États du bassin du Nil : notamment avec l’Éthiopie où le Nil bleu prend sa source, et avec le Soudan où le fleuve serpente avant de déboucher sur le territoire égyptien.

Quant à l’Irak et à la Syrie, ils sont tous deux à la merci de la Turquie, où les deux fleuves qui les alimentent, le Tigre et l’Euphrate, prennent leur source. Grâce aux nombreux barrages qu’elle a érigés sur le cours supé- rieur du fleuve, la Turquie régule le débit en aval.

Autre point névralgique ? L’Asie du Sud-Est, qui pourrait bien devenir une poudrière où le nord-est de la Chine recèle seulement 15% des ressources en eau du pays pour 45% de sa population totale. D’où les projets du gouvernement pour pomper l’eau au sud afin de l’acheminer au nord-est grâce à de grands projets de canaux de dérivations, selon l’expert Franck Galland.

Le premier à l’est de la Chine où un grand canal puisant son eau dans le fleuve Bleu pour l’acheminer vers la région de Pékin, le second étant dérivation au centre. Mais c’est le troisième projet qui peut être source de tensions notamment avec l’Inde, le Bangladesh, voire le Pakistan.

Puisqu’il concerne directement les fleuves prenant leur source dans les contreforts tibétains de l’Himalaya, expliquant que la Chine entend garder la main sur la région du Tibet, le «château d’eau de l’Asie» où l’Indus, le Gange, le Brahmapoutre et le Mékong y ont leur source.

Puiser ou dériver l’eau de ces fleuves. Toujours en Asie où est concentrée la plus grande fraction de la population mondiale, le partage des eaux du Brahmapoutre apparaît comme l’une des sources de conflit potentiel entre la Chine, le Cambodge, le Laos, la Thaïlande et le Vietnam.4.-C’est que plus d’un tiers de l’humanité soit plus de 2 milliards d’habitants survivent avec moins de 5 litres d’eau par jour, moins de 1700 litres par an (1.7 m3), c’est ce qu’on appelle le «stress hydrique» concentré en Asie, au Moyen-Orient et en Afrique.

Selon l’ONU, au taux actuel decroissance de la population et de ses besoins en eau douce, en 2025 la quantité moyenne d’eau douce disponible devrait chuter de 6600 à 4800 m3 par habitant et par an, soit une réduction de près d’un tiers. A cette date, les experts estiment que 5 fois plus d’habitants qu’aujourd’hui seront touchés par la pénurie d’eau, ce qui représentera 2.8 milliards d’habitants soit 35% de la population estimée de la Terre à cette époque.

D’une manière générale, le défi majeur du XXIe siècle en matière d’eau sera donc vraiment d’assurer la rentabilité de la gestion de l’eau, tout en garantissant aux plus pauvres le droit d’accéder à cette ressource vitale.

D’énormes investissements seront donc nécessaires pour moderniser l’existant et créer de nouveaux équipements (usines de production, réseaux de distribution, stations d’assainissement), mais aussi pour développer de nouveaux systèmes d’irrigation.

Les investissements ont été évalués par le Conseil mondial de l’eau à 180 milliards de dollars par an pour les 25 prochaines années, contre 75 milliards de dollars actuellement investis chaque année. D’où l’importance d’institutions internationales de régulation et d’un marché mondial de l’eau régulé, évitant un calcul monétaire de rentabilité immédiate.

Ce seront donc les décisions politiques, au niveau national et international et des agences de financement, qui joueront un rôle déterminant dans la gestion future du risque de pénurie d’eau douce.

Des actions coordonnées doivent être mises en œuvre pour éviter des tensions futures et prendre des mesures au principalement au nombre quatre. Premièrement la réduction de l’envasement des barrages.

Deuxièmement, le traitement approprié des eaux usées qui nécessitent la maîtrise technologique. Troisièmement, une lutte contre le gaspillage. Globalement, seuls 55% des prélèvements en eau sont réellement consommés, les 45% restants étant soit perdus.

Dans certaines grandes villes d’Afrique, d’Asie ou d’Amérique latine comme Le Caire ou Mexico, jusqu’à 70% de l’eau distribuée est perdue par fuite dans les réseaux. Certaines nappes, qui pourtant ne se renouvellent plus ou quasiment plus à l’échelle humaine, sont fortement exploitées, notamment à des fins d’irrigation. Quatrièmement le développement des projets de dessalement de l’eau de mer dont bon nombre de pays en ont fait la priorité.

Mais l’on devra protéger l’environnement en évitant que les déchets chimiques se déversent sur la mer et surtout utiliser les énergies renouvelables car ces unités demandent une forte consommation de gaz traditionnel, pouvant à court terme combiner le gaz et le solaire.

Cette opération, est financièrement coûteuse, devant avoir une production à grande échelle afin de diminuer à moyen terme les coûts, le prix du mètre cube d’eau actuellement étant excessivement cher et une des solutions étant une nouvelle gouvernance est de trouver l’équilibre entre une politique des prix appropriée afin d’éviter le gaspillage de cette ressource rare et la satisfaction des besoins des plus défavorisés.

En conclusion, pour terminer cette modeste contribution je citerai le poète britanno-américain W.H Auden qui dit que « des milliers de gens ont vécu sans amour, pas un n’a vécu sans eau » et le peintre et homme de science italien Léonard de Vinci qui souligne que « l’eau est la force motrice de la nature ».

A. M.

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