Le pouvoir d’achat des ménages algériens est net recul. La crise économique aggravée par la pandémie Covid-19 est à l’origine de cette situation intenable. En effet, les prix de plusieurs produits alimentaires, notamment ceux de l’importation, ont connu une flambée sans précédent.
Par Akrem R.
La raison : tension sur le marché international et augmentation des prix du fret maritime, notamment. Face à cette donne, les ménages ne savent plus à quel saint se vouer.
Le budget familial est sous pression. Déjà affaibli par la cherté de la vie, la pandémie a ajouté un lourd fardeau à supporter par les chefs de familles. Des sommes conséquentes sont consacrées aux soins des malades de la Covid-19, et ce, en dépit de la gratuité supposées des soins. Cette dernière est perçue comme étant un «slogan».
La réalité du terrain est toute autre. Les tests PCR, produits de protections et autres compléments alimentaires nécessaires pour faire face au virus, coûtent une fortune. D’ailleurs, un bon nombre de personnes est contraint de s’orienter vers l’automédication afin de d’économiser quelques dinars. Des spécialistes dans le domaine de la santé ont tiré la sonnette d’alarme sur cette situation. Outres ces dépenses supplémentaires induites par la Covid-19, les ménages sont appelés à consentir un énorme effort afin de préparer la rentrée scolaire de leurs enfants (fournitures scolaires et vêtements). Les fonctionnaires et travailleurs seront soumis à une rude épreuve, notamment, pour ceux subissant du retard dans le versement de leurs salaires. Un fonctionnaire dans une société privée témoigne sur la précarité sociale à laquelle il fait face.
«Trois mois sans être payé. C’est dur. Je ne sais pas comment faire pour répondre aux besoins de ma famille composée de 5 personnes, notamment, avec l’approche de la rentrée scolaire», dira Ahmed qui touche un salaire de 35 000DA/mois ! Avec ce salaire, il ne peut même pas bénéficier de l’aide de l’Etat de l’ordre de 5000 DA par élève, pour le simple motif que son revenu dépasse les 24 000DA !
Tous cela, nous amène à dire que le ménage à faible revenu est livré à lui-même et que la révision de la grille des salaires s’impose avec acuité.
Toutefois, la situation financière et la situation d’inertie que connait l’économie nationale d’une manière générale, ne le permettrait pas dans l’immédiat. Les mesures du gouvernement visant la préservation du pouvoir d’achat des ménages, sont avérées insuffisantes.
1900 milliards DA pour les transferts sociaux
Pour l’année en cours, un budget de plus de 1900 milliards de DA a été alloué au titre des transferts sociaux. Ce montant a été malheureusement absorbé par l’inflation et la dévaluation de la monnaie nationale. Cette dernière a perdu près de 50% de sa valeur durant ces cinq dernières années. La situation des ménages va s’aggraver de plus en plus en 2022, où une autre dévaluation est encore programmée.
Donc, dira l’expert en économie, Hamza Boughadi, « on va être confronté encore à une baisse du pouvoir d’achat». Indiquant que le tissu économique souffre encore de cette pandémie, notre interlocuteur estime que l’arrivée d’une nouvelle vague de la Covid-19 va sans doute compliquer davantage cette précarité. Il est à noter dans ce cadre, que le marché du travail a perdu, depuis le début de la crise sanitaire, près d’un million de postes directs et indirects. Les efforts de l’Etat pour faire face à ce choc ont été qualifiés de «minimes». « La réaction des pouvoirs publics face à une baisse d’activités, affaiblissement constant du pouvoir d’achat et des problèmes structurels, reste encore loin des attentes», a-t-il affirmé.
Plaidoyer pour une réforme approfondie du dinar
Lors du dernier Conseil des ministres, le chef de l’Etat a instruit le gouvernement d’instituer une allocation chômage. Le président Tebboune, a demandé, selon un communiqué de la présidence de la République, l’élaboration d’un projet de loi mettant en place cette allocation «qui s’ajoutera, selon le communiqué, aux formules adoptées dans d’autres secteurs». Le communiqué ne donne pas plus de détails sur cette annonce et qui en seront les bénéficiaires.
Pour l’intervenant, la préservation et l’amélioration du pouvoir d’achat «nécessite vraiment une réforme approfondie de la monnaie nationale et de recourir à de nouveaux moyens de financement». Le recours à la dévaluation du dinar pour couvrir le déficit budgétaire qui est de l’ordre de 4000 milliards de DA en 2021, n’a fait qu’empirer la situation, estime-t-il. Cet expert a suggère la révision du SNMG. Ce dernier a connu une hausse de 2000 DA depuis juin 2021, mais les partenaires sociaux l’ont qualifiée de dérisoire ne répondant pas aux aspirations des travailleurs.
S’ouvrir à de nouvelles méthodes de financement, rapatrier l’argent qui circule dans l’informel, ajuster le salaire national minimum garantie et la numérisation des moyens de payement, sont autant de mesures à prévoir dans l’immédiat. « Il faut mettre toute l’énergie qu’il faut pour y parvenir», a-t-il conclu.
A. R.