Par Lyazid Khaber
Il ne peut y avoir de bonne gouvernance sans le respect dû à l’Etat et aux citoyens. A voir un peu ce qui se dit ici et là, notamment dans la presse de par le monde, on aurait conclu aisément que c’est là un terme à la mode. Mais bon, ce n’est pas pour autant vrai tant le concept en lui-même s’introduit désormais dans la plupart des domaines de l’activité publique. Pour John Pitseys, docteur en philosophie à l’Université catholique de Louvain (Chaire Hoover d’éthique économique et sociale), «La gouvernance désigne un concept commode. Une idée descriptive de la réalité, mais aussi un idéal normatif associé à la transparence, à l’éthique, à l’efficacité de l’action publique.» Sur ce, nous pouvons tous être d’accord, même ceux qui exercent bien des fonctions régaliennes et qui, souvent font passer les impératifs de la gestion quotidienne et des équilibres d’influences avant cet idéal chanté par les philosophes de tous les temps, depuis Platon à nos jours, en passant par Montesquieu, Rousseau ou encore Kant, qui vont, chacun de son point de vue pour jeter les bases de ce qui est advenu aujourd’hui, d’appeler la gouvernance de l’Etat moderne. En 387 avant J.-C., Platon pose les bases d’une organisation juste de la société. Comparant la démocratie à un navire où tous les matelots cherchent le contrôle du bâtiment, tout en négligeant le fait évident qu’une seule personne puisse véritablement s’en occuper. Par cette métaphore, Platon allait instaurer une conception particulière de la politique comme navigation. De nos jours, nous ne sommes pas loin de cette perception, mais sans que l’on s’attache à bien définir tant le rôle du matelot en chef, que de sa prédisposition ou encore son devoir à écouter les autres matelots. Cela va autant aux politiques qu’aux chefs d’entreprises, puisque la gouvernance recouvre à la fois l’éthique en politique, le contrôle des institutions, les partenariats public-privé, le management des entreprises…etc. et c’est là où la «goed bestuur» (bonne gouvernance), prend toute sa signification. Mais, en pratique qu’en fait-on? Tout et rien au même temps. Le concept se trouve utilisé par tous, ceux qui détiennent les rennes et ceux qui en aspirent. La gouvernance qui vient répondre aux insuffisances de la théorie moderne de l’État, pour les uns, ne manque pas de constituer un outil, ou même une technique de gestion sociale dont l’objectif serait de produire des règles collectives inspirées de la conduites des acteurs, plutôt que par des normes commandant et sanctionnant directement leurs comportements. Et en parlant de comportements, il est en effet intéressant de s’y intéresser, car c’est de-là que découlent les normes à adopter. Les responsables à tous les niveaux ne doivent pas pour ainsi dire oublier que leurs comportements peuvent façonner ceux de ceux qui sont «en face». Positivement ou négativement, s’entend. Comme quoi, un ministre par exemple qui n’écoute pas les doléances de ses administrés, ou qui ne se donne pas la peine de répondre aux courriers reçus, ne doit pas perdre de vue, que de l’autre côté les comportements peuvent changer et même déborder le cadre initialement tracé. Un maire qui ignore ses concitoyens électeurs, ou un directeur d’une entreprise, n’est pas loin de la même configuration. Ceci dit, la gouvernance ne peut se faire correctement sans cet équilibre qu’il faudra garder en veillant sur cette relation avec «ceux d’en face» ou «ceux d’en bas», c’est selon. Autrement, ce sera participer inéluctablement à provoquer le «désordre relationnel» hautement nocif pour le bon fonctionnement de l’Etat.
L. K.