Ces derniers jours, l’arrivée de la troisième vague et ses conséquences pour les malades, a fait que nombreux se sont retrouvés privés du minimum des conditions de prise en charge. Les responsables du secteur ont été pris de court, faute d’une gestion proactive, pourtant nécessaire en de telles situations. Saturation de la majeure partie des structures de santé, manque d’oxygène, indisponibilité de certains médicaments, et augmentation du nombre de contaminations, notamment, au niveau des hôpitaux où plusieurs professionnels de la santé ont été contaminés, dont certains en sont morts, sont le lot quotidien des Algériens ces derniers jours.
Par Akrem R.
C’est la panique générale ! Les services hospitaliers dédiés à la Covid-19 sont dépassés par l’afflux des malades, au moment où le personnel soignant, épuisé et souvent à court de moyens, se débat dans le tumulte d’une situation parfois indescriptible.
La perturbation dans l’approvisionnement en oxygène médical a été la goutte qui a fait déborder le vase. Ceci a prouvé, encore une fois, que le système de santé nécessite une profonde réforme, comme préconisé par plusieurs spécialistes et autres praticiens qui ne cessent de tirer la sonnette d’alarme. L’absence d’une approche prospective chez les responsables des structures hospitalière, a fait qu’au moment où on craignait les erreurs médicales, ou encore même, l’incapacité à lutter efficacement contre ce virus –l’antidote n’étant pas encore fabriqué-, c’est au niveau de la logistique que l’on trébuche.
Le président de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSS), Pr Kamel Sanhadji qui intervenait hier sur les ondes de la chaine III de la radio nationale, n’est pas allé par trente-six chemins pour dire tout haut ce que le commun des Algériens pense tout bas. Pour lui cette situation aurait pu être évitée, surtout qu’elle était prévisible.
«Pendant qu’il y avait une accalmie, avant cette dernière vague, on avait le temps de se redéployer parce que la pandémie persiste encore, tout en tirant des leçons des expériences des autres pays ayant déjà été confrontés à une troisième vague», a déploré le Pr Sanhadji, soulignant que la recrudescence des cas de contamination était prévisible. Entre autre solutions préconisées, l’externalisation des services Covid, et la mise en place de grands centres régionaux dédiés, permettant d’éviter d’autres contaminations en milieu hospitalier.
Nécessaire coordination et mutualisation des efforts
«C’est la solution la plus adaptée, précise-t-il, du fait que la population n’a pas été assez vaccinée pour mieux contrer le virus, notamment ce variant Delta.» «Il aurait été adapté de mettre en place 4 grands centres comme la Safex pour pouvoir drainer cette pathologie Covid dans ces conditions d’urgence. On aurait évité cette situation difficile de manque d’oxygène et de saturation de lits. On aurait pu équiper ces centres à travers des petits box et mettre des milliers de lits et également de la tuyauterie pour faire passer de l’oxygène adossé de centrales de production de ce liquide vital à ces infrastr uctures. On aurait évité tous les problèmes du transport, des bouteilles d’oxygène et également un meilleurs redéploiement du personnel du santé», a-t-il dit.
Au passage, l’intervenant a critiqué l’attitude du ministère de la Santé et du Comité de suivi de la pandémie qui préfèrent travailler en «solo». «Ceci n’est pas l’idéal, dira-t-il, pour faire face à une situation difficile et incontrôlable», en souhaitant une meilleure collaboration dans le futur.
Rappelons que cette proposition a été faite par les experts de l’agence de la sécurité sanitaire depuis maintenant six mois, le Pr Kamel Sanhadji a fait savoir que l’ANSS a réuni des experts et spécialistes dans plusieurs domaines pour mettre en place une cartographie de la situation sanitaire actuelle. «Nous avons soumis au président de la République les différentes actions à mener pour pallier les problèmes d’oxygène, de réanimation, de prise en charge des patients et de la vaccination. Et c’est à lui (le chef de l’Etat) de décider dela meilleure option», a-t-il expliqué.
En prévision d’une éventuelle quatrième vague, l’intervenant interpelle les autorités sanitaires, notamment pour se préparer, en procédant à la mise en place des sites adaptés dans les plus brefs délais pour contrer la course de ce virus Delta aussi contagieux que la varicelle. «On risque d’affronter une quatrième vague ou cinquième, si la vaccination n’accélère pas. Il serait temps que ces sites soient mis en place. Il vaut mieux le faire dans la situation d’accalmie», a-t-il préconisé également.
Ce que décrit le président de l’ANSS conforte les différents cris de détresse lancés ici et là par les personnels soignants engagés dans cette lutte acharnée contre la Covid-19. En effet, cela fait au moins une quinzaine de jours, les conditions dans les structures de santé se sont gravement dégradées, et si l’épineux problème du manque d’oxygène médical est en partie résolu, ce n’est que grâce à une large mobilisation des citoyens et autres chefs d’entreprises qui sont venus à la rescousse des malades en dotant les hôpitaux de générateurs et de stations de production d’oxygène.
Face à cette situation et tenant compte des défaillances constatées, le président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune, va présider, aujourd’hui même, une réunion du Haut Conseil de Sécurité ou il sera procédé à l’évaluation de la situation tant sanitaire que sécuritaire dans le pays.
Face au variant Delta : «Il faut accélérer la cadence de la vaccination»
L’accélération de la vaccination contre la Covid-19 est impérative. Le président de l’agence nationale de sécurité sanitaire (ANSS), Kamel Sanhadji table sur l’entrée en service de l’usine de Constantine pour la fabrication des vaccins chinois «Sinovac» et le russe «Spoutnik» dans les prochains jours, pour la vaccination du maximum de personnes afin d’atteindre l’immunité collective, nécessitant la vaccination d’au moins de 70% de la population.
Dans ce cadre, Pr Sanhadji a plaidé l’élargissement des catégories de personnes à vacciner. «Vu le profil du variant ‘’Delta’’ qui se propage plus rapidement, il serait important au ministère de la Santé de définir les catégories à vacciner. L’usine de Constantine va permettre de répondre au besoin local et de faire vacciner tout le monde», a-t-il souligné en appelant à la mobilisation et à la mutualisation de tous les moyens matériels et humains pour faire accélérer la campagne de vaccination.
«C’est cette crise qui a révélé les déficits et les manquements, et c’est maintenant qu’il fallait déployer tous les moyens puisqu’il s’agit de la sécurité sanitaire. Il est de notre devoir de penser à la mutualisation de tous les moyens pour garantir la sécurité sanitaire et la sécurité nationale», a-t-il ajouté.
Sur un autre registre, Pr Sanhadji a regretté que sa proposition qui consiste à l’administration d’une seule dose pour la personne atteinte déjà de la covid-19 ne soit pas prise en considération par le comité scientifique et le ministère de la Santé. «Nous avons préconisé d’administrer une seule dose pour les gens qui ont déjà contracté le virus. Un protocole a été utilisé en Europe consistant en une seule dose, comme rappel. La repense immunitaire suite à cette vaccination est meilleure. Quand j’avais proposé ce protocole, il y avait seulement 120.000 personnes contaminées et là on aurait pu utiliser une seule dose. On aurait vacciné 60.000 personnes vierges!», a-t-il dit.
Questionné sur l’opportunité de décréter l’état d’urgence sanitaire, il a indiqué que cela dépendrait de l’évolution de la pandémie mais, a-t-il expliqué, cela relevait des prérogatives du président de la République. S’agissant d’un éventuel retour à un confinement total, il a indiqué qu’il s’imposerait de lui-même quand la santé du citoyen est dangereusement compromise.
Utilisation des produits chimique dans la désinfection : Les mises en garde de Pr Sanhadji
Le rôle de l’Agence nationale de sécurité sanitaire consiste à la préservation de l’environnement. Elle est là pour pouvoir fédérer tous ces pans de vie (eau, produit cosmétique, agricole, pharmaceutique) et de suivre de près la situation afin d’attirer l’attention des autorités, dira Pr Sanhadji Kamel, président de cette agence. Certains produits chimiques utilisés dans les opérations de nettoyages et des désinfections des places publics sont «dangereux», dira-t-il, en préconisant l’utilisation de l’eau de mer, notamment dans les wilayas côtières.
Il a expliqué que l’accumulation de ces produits qui vont par la suite, s’infiltrer dans la nappe phréatique constitue un véritable danger. «Certes l’eau de mer n’est pas un antiviral pour la covid-19, précise-t-il, mais pourra emporter beaucoup de germe de ce virus.» Le Sel ne représente pas un danger pour la santé des personnes et l’environnement, indique-t-il.
A. R.