L’Algérie a décidé de sévir contre l’Espagne, en gelant toutes les domiciliations bancaires des opérations de commerce de produits et services. En vigueur déjà depuis jeudi 9 juin, cette décision souveraine aura de lourdes conséquences sur l’Espagne.
Par Akrem R.
Cette dernière, en effet, sera contrainte de céder de grosses parts de marché de milliards de dollars, à d’autres pays amis de l’Algérie, à l’instar de l’Italie, la Turquie, la Chine et autres. Selon des experts, Madrid subira une perte sèche de 4 milliards de dollars annuellement, suite à la suspension du Traité d’amitié, de bon voisinage et de coopération, conclu le 8 octobre 2022 avec Alger.
Un accord qui a été signé sur le principe d’un partenariat gagnant-gagnant dans divers domaines. Toutefois, le revers du gouvernement espagnol de Pedro Sanchez sur la question du Sahara occidental a suscité la colère de l’Algérie et du président de la République, Abdelmadjid Tebboune.
En clair, le recours à la carte économique est l’un des atouts de l’Algérie pour protéger ses intérêts et faire entendre sa voix, notamment, sur les questions justes.
À travers cette démarche, l’Espagne, dont l’économie est en difficulté, va perdre quelques 160 millions de dollars uniquement durant ce mois de juin et entre 3,5 à 4 milliards de dollars /an, dira Hamza Boughadi, expert en économie.
A cela, s’ajoutent la perte de postes d’emploi et de recettes fiscales, suite à l’impact de la décision de l’Algérie sur les sociétés espagnoles. Outre la perte de cet important marché, les importations d’Espagne en gaz risquent d’être salées. Si des contrats à long terme sont signés entre les deux pays, l’Algérie par le biais de la Sonatrach, va procéder à la révision à la hausse des prix. En effet, il est inadmissible de continuer de facturer le gaz à entre 5 à 6 dollars par million de BTU, alors que sur le marché spot, il est entre 40 à 50 dollars !
«L’Algérie est un partenaire fiable et respecte les accords. Il est important de noter que certains problèmes ne peuvent survenir que si l’Espagne ne remplit pas les obligations du contrat, comme l’exportation de gaz vers un autre pays. Mais, l’accord permet de procéder à une révision des prix du gaz transporté via le gazoduc MedGaz», indique Ishak Kherchi.
Pas d’impact sur l’Algérie
Quant à l’impact de cette décision sur l’économie algérienne, les économistes sont unanimes à dire qu’il n’aura pas de retombées négatives, puisque les produits et machines importés de ce pays sont disponibles sur le marché international. « Le gel de la domiciliation bancaire des opérations du commerce et services avec l’Espagne n’aura pas d’impact sur notre économie. L’Espagne est un fournisseur de 7ème rangs», a fait savoir, pour sa part, Nabil Djemaa, expert financier, qualifiant la décision de l’Algérie de souveraine.
« Nous avons d’autres solutions à substituer aux produits et machines espagnols. Il y a des possibilités pour changer les domiciliations vers d’autres pays, à l’instar de l’Italie, la Turquie, la France et la Chine pour répondre aux besoins de nos entreprises. Des solutions rapides doivent être adoptées par l’ABEF et les banques pour ne pas impacter l’outil de production et, surtout, trouver des solutions pour les commandes déjà passées. Urgence de trouver des solutions rapides, également, pour la préservation des droits des industriels algériens», détaille-t-il.
Il est à noter que le volume des échanges commerciales entre les deux pays est entre de 7 à 8 milliards de dollars, dont 90 à 92% des exportations de l’Algérie sont du gaz et dérivés de pétrole.
Dans ce cadre, le président de l’Association nationale des commerçants et artisans (ANCA), hadj Tahar Boulenouar a souligné l’appui des membres de l’association de la décision souveraine de l’Algérie, en incombant la responsabilité de la détérioration des relations entre les deux pays à l’Espagne. « Nous sommes pour la décision du gouvernement et nous allons nous conformer à cette nouvelle donne. L’Anca contribuera et aidera les entreprises locales à trouver des alternatives au marché espagnol (import-export). Les produits importés de l’Espagne (machines, appareils, papiers et carton, huiles végétales et animales, produits ferreux, peinture, produits plastiques sont disponibles sur le marché mondial», affirme-t-il. Et d’ajouter : « C’est l’Espagne qui a besoin du marché algérien et non pas le contraire». Ainsi, indique-t-il, cette décision est une aubaine pour les entreprises algériennes pour reconquérir des parts importantes du marché.
Moncef Bouderba, président de l’Association des céramistes algériens (ACA): « Nous sommes très satisfaits de cette décision»
Le président de l’Association des céramistes algériens (ACA), Moncef Bouderba a apporté l’appui de son association à la décision de l’Algérie de suspendre le Traité d’amitié, de bon voisinage et de coopération avec l‘Espagne suite à un désaccord sur le changement de la position de neutralité du gouvernement espagnol sur la question sahraouie.
« Je considère que les opérateurs économiques algériens doivent soutenir la décision du gouvernement algérien qui a été décidée par le président de la République. Ça ne peut qu’honorer notre position dans les relations internationales et dans le bassin méditerranéen», souligne-t-il.
Et d’ajouter : « l’Algérie est aujourd’hui dans une situation d’aisance financière, d’un retour de son activité économique avec des voyants au vert et du retour de la confiance chez les investisseurs, notamment, avec le nouveau code de l’investissement en cours de promulgation. Nous sommes très satisfaits de cette décision qui prend en considération l’intérêt supérieur du pays».
Bouderba a précisé que l’économie est intiment liée au politique et, en particulier, lorsque il s’agit de défendre ses intérêts dans les relations internationales et dans le commerce extérieur.
« L’association des céramistes est très attentive et ne peut que se réjouir de cette décision courageuse qui exprime la volonté du président de la République de reconsidérer la position économique et politique de notre diplomatie. Je souhaite que le dénouement avec la crise espagnole se fasse dans des délais assez courts, pour retrouver une normalisation de nos relations avec, bien sûr, le respect des intérêts mutuels et surtout la sauvegarde d’un partenariat gagnant-gagnant», conclut-il.
Propos recueillis Akrem R.