Depuis une semaine, des sessions de formation sont organisées au profit des présidents des assemblées populaires communales (Apc) par des cadres relevant de l’administration de l’Agriculture, des Domaines, de l’Office national des terres agricoles (ONTA), de l’Inspection vétérinaire et de l’administration des Forêts. Cette formation est assurée dans le cadre du programme établi conjointement par le ministère de l’Intérieur, des collectivités locales et l’aménagement, d’une part, et le ministère de l’Agriculture, du développement rural et de la pêche, d’autre part.
Par Amar Naït Messaoud
La formation assurée aux élus locaux vise à la réalisation d’une certaine mise à niveau technique et législative par rapport aux thèmes et dossiers relatifs aux domaines du foncier agricole, de l’activité agricole, de l’élevage, des soins vétérinaires, de la protection des terres forestières, de la protection des forêts contre les incendies, de la gestion des réserves protégées et de la nouvelle loi relative aux forêts et aux richesses forestières.
À travers une telle formation, l’État entend impliquer les élus locaux dans tous les actes de développement, et principalement dans ce qui relève de la sécurité alimentaire et de la protection de l’environnement.
En effet, concernant, par exemple, les investissements agricoles, même si les dossiers techniques relèvent de l’administration agricole, les présidents d’Apc ont un grand rôle à jouer dans l’accompagnement sur le terrain, y compris pour accélérer les installations d’équipements publics, tels que l’électricité rurale pour la mobilisation de l’eau, la coordination avec les Domaines et l’ONTA pour la détermination des parcelles de concession, etc.
Dans les régions pastorales, le maire est aussi sollicité à travailler de concert avec le Haut commissariat au développement de la steppe pour la réglementation des parcours, la concession des espaces plantés en plantes pastorales, le choix des bénéficiaires des ouvrages de la petite hydraulique pastorale (mares, puits, canaux de dérivation,…).
La contribution de l’Apc dans les soins vétérinaires est également très importante, aussi bien dans le travail de proximité (communication, sensibilisation) avec les éleveurs, que dans l’accompagnement en matière de logistique de terrain (déplacement des agents agricoles et des vétérinaires dans les fermes et dans les bourgades concernées par les opérations de dépistage, de traitement prophylactique ou curatif).
De même, toujours dans le domaine de la gestion du cheptel et de la production de viande, l’Apc est directement concernée par l’installation et la gestion des abattoirs pour assurer un produit de qualité aux consommateurs.
Point d’articulation de la gestion locale
Aussi bien dans le domaine agricole ou dans l’espace forestier, le président d’Apc, attributaire, d’office, de la qualité d’officier de police judicaire, est censé être, avec d’autres instances (la direction de l’agriculture, la conservation des forêts et les services des domaines), le protecteur des terres de l’État contre toute forme d’agression, d’occupation illicite, d’exploitation frauduleuse ou de construction illicite.
Sur ce chapitre, la nouvelle loi n° 23-18 du 28 novembre 2023 relative à la protection et à la préservation des terres de l’État constitue un outil précieux entre les mains du procureur de la République, des services des Domaines, de l’administration agricole (DSA et ONTA), de la Conservation des forêts, du président d’Apc et du wali ; un outil législatif réajusté et adapté aux nouveaux défis qui se posent pour les terres de l’État dans leurs différentes variantes.
Le président d’Apc est également interpellé par la prévention et la gestion de l’une des plus grandes catastrophes que connaît l’Algérie en période estivale, à savoir les incendies de forêt.
Le maire est le président du Comité opérationnel communal (COC) de lutte contre les incendies.
Il coordonne les opérations à l’échelle des massifs forestiers de sa commune, en coordination avec les services locaux de l’administration des forêts et de la protection civile, ainsi qu’avec d’autres services techniques impliqués dans la lutte contre les feux de forêt (travaux publics, ADE,..).
Il mène son action sous l’autorité du chef de daïra qui, lui, est président du Comité opérationnel de daïra (COD). Le wali, quant à lui, est le président du Comité opérationnel de wilaya.
Le maire coordonne les opérations entre tous les acteurs et assure une partie de l’intendance et de la logistique sur le front de l’incendie.
La présente formation permettra aux présidents d’Apc de s’imprégner de la nouvelle loi sur les forêts et les richesses forestières (Loi n° 23-21 du 23 décembre 2023).
Il faut noter aussi que certains présidents d’Apc sont concernés de prés par la gestion d’espaces protégés, à l’image des Parcs nationaux (Djurdjura, Teniet El Had, Chréa, Belezma, Taza, El Kala, Lalla Setti,…).
Même si ces derniers ont leurs propres gestionnaires directs, les élus locaux sont concernés par la protection du foncier, de la biodiversité et des équipements de ces sites classés.
Les collectivités locales peuvent même apporter leur pierre de contribution pour meilleure valorisation de ces espaces en travaillant sur la diversification des activités (produits du terroir, artisanat, écotourisme,..).
Un nouveau code communal pour réhabiliter l’élu local
La formation dispensée aux élus locaux coïncide avec le travail de la Commission des réformes du code de la commune et de la wilaya confiée à l’ancien ministre de l’Intérieur et des Collectivité locales, également ancien wali, Dahou Ould Kablia.
La commission a bouclé sa mission au début du mois en cours et un rapport dans ce sens sera transmis au président de la République. Le rapport donnera naissance à un avant-projet de loi qui subira la procédure classique d’adoption (Conseil des ministres, APN, Conseil de la nation).
Les prérogatives des élus locaux y sont promises à des changements et à des élargissements importants de façon à mieux s’ancrer dans la gestion de proximité.
Il est probable qu’une telle révision des deux codes (commune et wilaya) entraîne dans son sillage une révision du code électoral de façon à assurer une meilleure stabilité à l’Assemblée communale.
En effet, les gels affectant en série un grand nombre d’assemblées à l’échelle du pays, suite à un jeu politique malsain conduisant au blocage des délibérations, ont pénalisé les citoyens et les projets de développement.
Depuis la fin de l’assemblée communale mono-partisane du FLN en mai 1990, la logique de l’évolution interne de cette structure de base donne le constat d’une certaine asphyxie due à une marge de manœuvre réduite et parfois ambigüe de ses élus par rapport au pouvoir de l’administration incarné par le chef de daïra et le wali, comme elle fait un appel d’air à l’ensemble des clivages et archaïsmes traversant la société tout entière.
Les luttes homériques entre les membres des assemblées ont entraîné des retraits de confiance et autres procédures pénalisantes au point que l’intérêt de la collectivité est souvent relégué au second plan.
A ces problèmes internes issus des contradictions existantes au sein même de la société et de la nouvelle expérience démocratique, s’est greffé le schéma hyper-centralisé de l’État dans lesquels domine la logique du commandement descendant, relativisant la marge de manœuvre des acteurs locaux, des collectivités territoriales et du monde associatif.
Les rôles et missions des assemblées locales et l’articulation de leurs activités avec celui de l’administration (chef de daïra, wali) ont besoin plus que jamais de nouvelles définitions et requièrent une vision rénovée par rapport aux enjeux du développement local.
Les codes de la commune et de la wilaya sont censés réguler et répartir les tâches et les responsabilités au sein des assemblées élues, comme ils commandent la nature des relations de ces dernières avec l’administration.
Il ya lieu de rappeler que les présidents d’Apc avaient bénéficié auparavant de formations relatives à la gestion directe des affaires de la commune, à commencer par les procédures inhérentes aux marchés publics.
Par la suite, les cadres et élus communaux ont eu droit à des formations sur le management, la gestion des services techniques des communes, la démocratie et le budget participatif, le contentieux, la gestion technique et urbaine, etc.
A. N. M.