Du foncier au stress hydrique, en passant par la culture du colza, introduite depuis 2020 à titre expérimental au niveau de certaines fermes pilotes, avant d’être élargie dans les régions de l’est la saison dernière, la qualité des semences et des engrais ainsi que leurs prix qui connaissent des hausses spectaculaires depuis le début de l’année en cours, autant de points dont se plaignent de plus en plus les agriculteurs qui commencent à se mettre progressivement en mouvement pour faire entendre leurs doléances.
Par Mohamed Naïli
Le ministre de l’Agriculture et du développement rural, Abdelhafid Henni, ne s’attendait visiblement pas à voir samedi dernier un sit-in improvisé par des agriculteurs devant lui au centre culturel Malek Hadad de Constantine, où se tenait un regroupement régional pour la préparation de la prochaine saison labours-semailles. Profitant l’occasion de la présence du ministre de tutelle, les agriculteurs des wilayas de l’est ont ainsi évoqué les contraintes auxquelles ils sont confrontés dans l’exercice de leur métier.
Après un moment d’embarras dans lequel se sont retrouvés les responsables sectoriels présents sur place, le ministre a accepté d’écouter les doléances d’un représentant de chaque wilaya. Parmi les écueils soulevés par ces derniers, les pertes dues au déficit hydrique, celles des agriculteurs ayant été intégrés dans le programme de culture du colza, mais aussi et surtout l’épineuse question du foncier et la régularisation des exploitants, dont une grande partie se trouve dans une situation de suspens au niveau des administrations locales.
Pour ce qui est de la question des pertes dues au déficit pluviométrique et en eau d’irrigation, le représentant des agriculteurs de la wilaya de Constantine a fait savoir au ministre que «la sécheresse a touché 80% des agriculteurs dans la région de Constantine et ils n’arrivent pas à rembourser leurs dettes et les crédits bancaires qu’ils ont contractés». En guise de solution pour accompagner les agriculteurs à faire face à l’asphyxie qui guette leur trésorerie, le même représentant a fait savoir au ministre que la solution préférée est le rééchelonnement de ces dettes, au lieu des indemnisations, faisant allusion à la décision prise la semaine dernière en Conseil des ministre où le chef de l’Etat a ordonné l’accélération de l’indemnisation des agriculteurs victimes de la sécheresse.
«Nous demandons un rééchelonnement des dettes, au lieu d’indemnisation», précisera le représentant des agriculteurs de Constantine devant le ministre, car, lui ajoute-t-il «l’indemnisation nécessite beaucoup de temps avec l’installation d’une commission et toutes les procédures». Ces agriculteurs ne veulent donc pas tomber encore une fois dans les rouages de la machine bureaucratique qui lamine l’administration.
Autre problème, et non des moindres, soulevé par ces représentants des agriculteurs de l’est du pays ayant décidé de faire entendre ainsi leur voix devant le premier responsable du secteur, est celui relatif à l’échec de nombreux exploitants agricoles dans la culture du colza la saison dernière. «L’engagement dans ce programme du gouvernement pour le développement de la culture du colza a engendré beaucoup de pertes aux agriculteurs», a lancé un agriculteur au ministre avant de préciser que, selon lui, «cet échec est dû à la qualité de la semence qui n’est pas adaptée à l’environnement et au climat de la région».
La révision de la loi 10-03
A cet égard, est-il utile de rappeler, la problématique des semences du colza dans les régions de l’est, notamment dans la wilaya de Guelma, a poussé en mai dernier le ministère de tutelle à dépêcher sur place une commission d’enquête suite à des accusations portées par des agriculteurs engagés dans cette nouvelle culture contre l’entreprise Green Naciral ayant importé ces semences d’Europe.
«Suite aux difficultés et insuffisances constatées en rapport avec le programme de production de colza au niveau des wilayas de l’est du pays, le ministre de l’Agriculture et du développement rural a dépêché une commission d’enquête sur les lieux», annonçait un communiqué rendu public par le MADR à ce moment.
Mais, réfutant toute allégation quant à la qualité de ces semences, l’entreprise mise en cause, Green Naciral en l’occurrence, a fini par riposter en déclarant que, «selon nos premières conclusions, les fellahs concernés n’ont pas respecté l’itinéraire technique pour assurer la réussite de la campagne». Pour preuve, «la même semence a donné un rendement plus que satisfaisant dans plusieurs wilayas du pays, allant jusqu’à 25 quintaux avec même des pics de 30 quintaux à l’hectare», a ajouté l’entreprise en question.
Les agronomes et autres spécialistes en ressources génétiques, de leur côté, requièrent l’étude de la capacité d’adaptation aux conditions climatiques et pédologiques de chaque région du pays, en tenant compte surtout des aléas météorologiques et le réchauffement climatique, lorsqu’il s’agit de nouvelles cultures introduites dans l’agriculture locale, à l’instar du colza.
Quant à la question du foncier, c’est le secrétaire général de l’UNPA (Union nationale des paysans algériens), Abdellatif Dilmi, qui suggère devant le ministre les voies qui permettront une utilisation plus efficace des terres agricoles, avec une approche scientifique tenant compte des progrès technologiques, mais, estime-t-il, «cette mesure doit être accompagnée de la révision de la loi 10-03 fixant les conditions et les modalités d’exploitation des terres agricoles. Car nous n’avancerons pas, si les problèmes se poseront toujours».
En tout état de cause, les contraintes dont viennent de faire part les agriculteurs de l’est du pays devant le ministre de tutelle se posent dans toutes les régions du pays, notamment les lancinantes questions du foncier, l’accès aux intrants et la hausse de leurs prix, la sécheresse qui s’accentue de plus en plus, le déficit en eau d’irrigation et les lenteurs bureaucratiques au niveau des institutions bancaires ou autres administrations du secteur, DSA, subdivisions agricoles, chambres d’agriculture, entre autres.
M. N.
Disponibilité de produits agricoles: Couverture de plus de 70% des besoins nationaux
Le ministre de l’Agriculture et du Développement rural, Mohamed Abdelhafid Henni a affirmé samedi depuis Constantine que l’Algérie a pu répondre à plus de 70% de ses besoins en matière de produits agricoles.
S’agissant de l’évolution de l’agriculture, le ministre du secteur a indiqué que les quatre dernières années ont connu des périodes de sécheresse comparativement à l’actuelle saison agricole qui sera marquée selon la première évaluation actuelle la réalisation de «très bons» résultats, compte tenu selon lui des efforts déployés par les agriculteurs, éleveurs et acteurs dans domaine agricole.
Il a tenu à assurer que les prix des engrais du sol «ne changeront pas et ce après les consultations effectuées à ce sujet avec les entreprises spécialisées en la matière relevant du ministère de l’Energie et des Mines».
Dans ce cadre, il a ajouté que leurs prix ont été plafonnés à 3.500DA/quintal, quant aux engrais de profondeur dont 80% sont importés de l’étranger, leurs prix ont connus une importante augmentation, a-t-il fait savoir, précisant qu’un dossier a été élaboré à ce sujet en vue de le déposer dans les meilleurs délais auprès du Gouvernement pour réduire de la valeur de ces engrais et contribuer à l’optimisation du rendement de la production agricole.
R. N.