À l’ombre de la nouvelle doctrine économique que les pouvoirs publics s’attèlent à mettre en place ces deux dernières années, le cap est désormais mis sur les collectivités locales et l’aménagement du territoire.
Par Mohamed Naïli
La nouvelle démarche que le gouvernement s’apprête à entreprendre dans ce domaine a pour ligne directrice la révision du rôle des responsables et élus locaux dans la collecte et la redistribution de la fiscalité locale. Tandis que, tel qu’il ressort de la dernière rencontre gouvernement-walis, une nouvelle approche, privilégiant les besoins et atouts de chaque territoire, est sur le point d’être mise en œuvre en matière d’aménagement et de la gestion des collectivités.
C’est ainsi que, en ce qui concerne les finances locales, le ministre des Finances, Brahim Djamel Kassali, a fait savoir que différents mécanismes contribuent au financement des collectivités locales. Celles-ci sont constituées, rappelle le premier argentier du pays, d’auto-ressources, à savoir les ressources propres à la commune, de taxes et d’actifs. En outre, l’Etat lui aussi intervient dans le financement des collectivités locales à travers le Fonds de solidarité des collectivités locales (FSCL), dont l’objectif est de lutter contre les disparités entre les communes.
Toutefois, en dépit des instruments réglementaires mis en place pour assurer le financement des collectivités locales, il n’en demeure pas moins que dans un contexte où plus d’un millier de communes sur un total de 1 541 est déclaré pauvre, tel que vient de l’affirmer samedi dernier le chef de l’Etat, Abdelmadjid Tebboune, dans son discours d’ouverture de la rencontre du gouvernement avec les walis, d’énormes efforts nécessitent encore d’être consentis pour parvenir à équilibrer les finances des collectivités locales.
Interrogé à ce propos, le professeur Ahmed Tessa de la faculté des sciences économiques de l’université Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou, spécialiste des questions relatives à l’aménagement du territoire et des finances locales estime que, dans le domaine du financement des collectivités locales, « la problématique réside dans l’inadéquation entre les besoins illimités et la rareté des moyens financiers », tout en notant que les responsables au niveau local, que ce soit au niveau des administrations ou des assemblées élues, sont peu enclins à jouer d’une manière effective le rôle qui leur échoit dans le domaine de la fiscalité locale. « Dans une économie de rente, rares sont les responsables locaux qui mettent les moyens nécessaires pour collecter l’impôt local », affirme-t-il, tout en rappelant que « la loi de finances 2022 a institué une multitude de taxes et d’impôts locaux. Le produit de l’IRG foncier est réparti à égalité entre le budget de l’Etat (50%) et le budget communal (50%). Le produit de la TAP est réparti entre la commune (66%), la wilaya (29%) et la caisse de garantie de solidarité des collectivités locale (5%). La taxe d’enlèvement des ordures ménagères revient à la commune (2 000 dinars par local à usage d’habitation, 10 000 dinars à usage professionnel et 18 000 dinars par terrain aménagé pour campings et caravanes, 80 000 dinars à usage industriel, commercial ou artisanal). Dans les hôtels, la taxe de séjour au profit des communes varie entre 100 et 600 dinars/jour. Cette taxe est encaissée par les établissements touristiques qui la reversent aux contributions diverses à la fin de chaque mois. Une partie non négligeable (30%) de l’impôt sur la fortune est versée au budget de la commune et 70% vont au budget de l’Etat. Sans oublier les 40,25% de l’impôt forfaitaire unique affecté aux caisses de la commune ».
Un développement local équilibré
Afin de sortir du statu quo qui prévaut en la matière et, au lieu de confiner les communes dans le simple rôle d’attendre chaque année le budget alloué par le gouvernement, le professeur Ahmed Tessa requiert la mise en place de mécanismes et de démarches visant à « inciter les élus locaux à s’intéresser aux finances publiques locales pour contraindre le contribuable à s’acquitter de sa dette envers sa commune ».
Outre les différents produits de la fiscalité locale, l’autre source de financement, dont un grand nombre de communes dispose d’un potentiel important, est l’exploitation et la mise en valeur du potentiel économique local. C’est pourquoi, tel qu’il ressort des recommandations formulées à l’issue de la récente rencontre gouvernement-walis, un intérêt grandissant est désormais accordé au développement territorial, en préconisant des modèles de développement et d’exploitation des ressources propres à chaque territoire.
Cette approche en matière de développement local vient d’être confirmée notamment à travers le décret exécutif 22-301 « fixant la liste des localités relevant des zones auxquelles l’Etat accorde un intérêt particulier en matière d’investissement », promulgué récemment dans la foulée des textes d’application de la nouvelle sur l’investissement. En effet, dans le souci de garantir une meilleure répartition des investissements au niveau des régions et une valorisation optimale des potentialités propres à chaque territoire, le décret en question place au chapitre des priorités « les localités disposant de potentialités en ressources naturelles à valoriser », vers lesquelles la loi relative à l’investissement encourage les porteurs de projets à s’orienter.
Autant de nouveaux paramètres qui nécessitent d’être intégrés dans le nouveau SNAT (Schéma national d’aménagement du territoire) dont le premier ministre, Aïmene Benabderrahmane, a déjà annoncé une révision dans le but de concrétiser un développement local équilibré.
M. N.