L’Etat algérien a décidé de prendre un grand tournant financier, suite à la situation économique critique et inconfortable que traverse le pays, en instruisant la Banque d’Algérie d’instaurer sans délais le matelas réglementaire, renforcé par les moyens matériels et humains, pour la généralisation de la finance islamique, devenue ces derniers mois, le sujet phare du monde de la finance.
Par Saïd Si Amara, économiste, banquier
L’autorité monétaire a préféré encadrer la finance islamique par le règlement portant le n° 20-02 du 15 mars 2020, paru le 24/03/2020 dans le Journal officiel de la République algérienne, au lieu d’une loi proprement dite. Cette approche juridique adoptée par la Banque d’Algérie est très intéressante, car elle est basée sur une vision future permettant de procéder, à l’avenir, à des réaménagements selon les besoins du marché socio-économique. Pour ce faire, il suffirait de promulguer un autre règlement ou instruction complémentaires, en tenant compte des conditions réelles existantes, lors de la mise en application dudit règlement par les banques et les établissements financiers. Ce qui veut dire qu’il sera plus facile de faire évoluer la réglementation tant durant la phase de lancement de la finance islamique que celle du suivi de son évolution.
Par contre, si c’était une loi, cette flexibilité devient beaucoup plus complexe, sachant qu’une loi ne peut faire l’objet d’une annulation ou de modification que par la promulgation d’une autre loi, suivant un processus ardu impliquant plusieurs institutions en l’occurrence l’APN, le Sénat et la présidence de la République. Ce parcours n’est pas vraiment recommandé, sachant que les pouvoirs publics incitent toutes les entités financières concernées au lancement sans délais de cette nouvelle sphère financière, à travers tout le réseau bancaire.
Contrairement aux règles applicables jusque-là, le règlement en question a listé les produits islamiques, suivant la définition de chacun d’entre eux, évitant au passage le vide juridique qui existait dans l’ancien règlement portant le n° 18-02 du 04 novembre 2018, lequel a laissé l’interprétation aux établissements bancaires et financiers. À signaler aussi que l’ancien règlement renvoyait à une instance de conformité à la Chariaa, mais ne la définissait pas, et c’est pourquoi ses dispositions ont été abrogées, selon l’énoncé de l’article n° 23 du nouveau règlement.
A la lecture de ce règlement, l’on s’aperçoit qu’il ne s’est pas prononcé expressément sur la notion de la banque islamique. En effet, le texte est axé sur les opérations de la finance islamique. Cette particularité s’articule sur deux points importants. Le premier est basé sur l’importance des opérations islamiques qui devraient répondre au besoin d’un portefeuille particulier important. Le deuxième est celui du guichet dédié aux opérations de finance islamique à créer au sein des banques classiques. Ceci dit, l’évolution des opérations au niveau de ces guichets islamiques mènerait sans doute à leur autonomie financière et patrimoniale, pour devenir des agences bancaires d’une banque Islamique indépendante.
Le Haut comité islamique est le conseil de la fatwa
L’article 14 du règlement 20-02 de la Banque d’Algérie fait apparaître le rôle du Haut comité islamique (HCI), et exige, en parallèle, la constitution d’un conseil de fatwa au sein de la banque, composé de plusieurs membres qui ne sont pas forcément des salariés ou des membres du conseil d’administration de la banque. Le but attendu par cette exigence est d’étudier par l’organe de la banque, qui est le conseil de la fatwa, le produit islamique avant sa commercialisation, ensuite, sa présentation au HCI accompagné du certificat de validité inhérent au produit en question et établi par le conseil de la fatwa, pour s’assurer qu’il répond aux exigences réglementaires et à la Chariaa.
Guichet islamique et non pas banque islamique
S’agissant d’une nouvelle sphère financière à lancer et à promouvoir durant les mois à venir par les banques, et plus précisément les banques publiques, le guichet islamique n’est ni plus ni moins qu’un espace au sein de l’agence bancaire dédié exclusivement aux opérations bancaires islamiques. Au démarrage, cet espace est rattaché administrativement à la banque universelle, tout en tenant compte de l’obligation de séparation de l’activité classique et celle islamique. C’est pour cette raison que la comptabilité de la fenêtre islamique est différente de celle de la banque classique.
Les fonds utilisés…
La matière première est l’effet déclencheur de toute opération bancaire et le niveau des ressources existantes, donc le premier objectif est la constitution d’un stock ressources, qui pourrait se réaliser, soit par des dépôts qui proviennent d’une nouvelle clientèle, ou par l’émigration de celui déjà existant au sein de la banque classique vers le guichet islamique, sur ordre de leur détenteur, soit par une affectation partielle des capitaux propres appartenant à la banque classique.
Il est à signaler que la finance islamique était l’objectif fondamental de plusieurs pays du monde, et non pas des pays islamiques depuis plus de 18 ans. C’est ainsi que la banque IBB Islamic Bank of Bretagne compte parmi les plus en vue sur la place financière mondiale. Celle-ci a permis de booster le secteur bancaire dans le monde, en prenant au sérieux ce nouveau design financier. Malheureusement, en Afrique et particulièrement en Algérie, nous ne sommes qu’au début, et il reste encore beaucoup de travail à faire pour mener à bien cette mission, qui consiste à déployer la ressource humaine dédiée au front office.
S. S. A.