La filière avicole en Algérie continue de faire face à une conjoncture difficile, marquée au deuxième trimestre 2025 par une baisse généralisée des prix des produits avicoles, selon une note de conjoncture publiée par l’Institut Technique de l’Élevage (ITLEV). Si cette tendance peut paraître favorable aux consommateurs, elle révèle en réalité la profonde fragilité d’un secteur encore largement dépendant des marchés internationaux pour ses intrants et souffrant d’un manque de structuration.
Synthèse Akrem R.
Durant ce trimestre (T2-2025), les prix du poulet de chair et des œufs de consommation ont reculé à tous les stades, de la production à la vente au détail. En juin notamment, les prix à la production ont enregistré une baisse moyenne de 8 % au niveau des élevages. Le prix du poulet de chair a ainsi chuté de 8 % entre avril et juin, une baisse attribuée à une offre excédentaire conjuguée aux fortes chaleurs estivales, qui ont contraint de nombreux éleveurs à écouler rapidement leurs lots pour éviter des pertes. Les prix à la sortie des abattoirs ont également diminué de 6 %, tandis que ceux du poulet vidé au détail ont fléchi de 9 %.
La filière ponte a suivi une tendance similaire, avec une baisse des prix des œufs de consommation estimée à 4 % sur le trimestre, et jusqu’à 5 % par rapport au premier trimestre 2025. Cette évolution est liée à un pic de production enregistré entre mai et juin, accentuant l’offre sur le marché.
Selon l’ITLEV, les comparaisons entre trimestres confirment cette dynamique baissière : « une diminution de l’ordre de 4 % au niveau de la production, 5 % au niveau de l’abattage et 3 % au niveau du détail » a été relevée pour le poulet de chair. Même constat pour les œufs de consommation, avec une tendance générale à la baisse à tous les niveaux de commercialisation.
En comparaison annuelle (T2 2025 vs T2 2024), la chute est encore plus marquée. La production du poulet de chair a enregistré une baisse de 15 %, contre 9 % à l’abattage et 6 % au détail. Pour les œufs, les prix ont reculé de 7 % à la production et de 10 % au détail, souligne l’ITLEV.
Une filière toujours désorganisée
Au-delà des prix, l’ITLEV souligne la persistance de dysfonctionnements structurels, notamment dans la filière chair, où les éleveurs sont livrés à eux-mêmes, soumis à la loi des courtiers. L’absence d’organisations coopératives rend difficile la régulation de l’offre, le suivi technique, et la maîtrise des coûts de production. Les tueries clandestines, qui échappent à toute réglementation sanitaire, continuent de prospérer, constituant un danger pour la santé publique.
L’Institut recommande une série de mesures, allant de la sensibilisation des éleveurs à la nécessité de passer par les abattoirs agréés, à la création de structures de transformation modernes, en passant par l’éradication des circuits informels d’abattage.
Intrants : amélioration des approvisionnements, baisse des coûts
Sur le plan des intrants, la situation est contrastée. Les marchés mondiaux du maïs et du soja restent instables, sous l’effet des conditions climatiques, des tensions commerciales entre la Chine et les États-Unis, et d’une épidémie de grippe aviaire au Brésil. Toutefois, au niveau national, une certaine stabilité a été observée grâce à la reconstitution des stocks et à l’intervention des pouvoirs publics.
Les prix des aliments avicoles ont ainsi connu une baisse de 7 % pour la filière chair et de 11 % pour la ponte, soutenue par un accès préférentiel aux tourteaux de soja pour les unités privées (à moins de 88 000 DA/t). Cette baisse a permis un léger soulagement des coûts de production.
Poussins : une offre excédentaire, des prix en chute libre
Les prix des poussins d’un jour ont plongé de 40 à 50 % sur le trimestre, avec des prix atteignant parfois moins de 10 DA l’unité. Ce phénomène s’explique par un désintérêt croissant des éleveurs pour les nouvelles mises en place, en raison de la baisse de la demande, de problèmes sanitaires récurrents, et de la concurrence des viandes rouges importées proposées à des prix stables.
En 2024, la production de poussins repro-chair a dépassé les 10 millions de sujets, soit une offre excédant largement les besoins annuels de la filière, estimés à 6,5 millions. Le problème de la disponibilité ne se pose donc plus, mais celui de la régulation de l’offre demeure crucial.
Vers une réorganisation de la filière ?
En conclusion, malgré la baisse des prix des intrants et des produits avicoles, la filière reste structurellement vulnérable. L’ITLEV appelle à une meilleure coordination entre les acteurs, une régulation rigoureuse des circuits de commercialisation, et un renforcement de la production locale de matières premières comme le maïs ou l’orge.
Face à l’ampleur des défis, il devient urgent de réorganiser la filière avicole autour de structures professionnelles solides, capables de garantir la traçabilité, la sécurité sanitaire et la viabilité économique de ce secteur vital pour la souveraineté alimentaire nationale.
A.R.