Elle fait partie de la diaspora algérienne qui continue faire parler d’elle au Canada. Fatiha Temzi, enseignante des mathématiques à Montréal, connait bien, à travers sa longue expérience, le système éducatif et scolaire montréalais. Tout en continuant à enseigner, Fatiha Temzi, originaire de Tizi-Ouzou, s’est faite distinguée, à travers la publication de son roman «Echec et Maths». «Parler de maths et de philosophie dans un roman littéraire destiné aux jeunes est peu commun», disait-elle, dans cet entretien. Et d’expliquer que l’objectif visé par cet essai littéraire est de montrer la beauté des maths en mentionnant son existence dans la nature et aussi démontrer que l’échec n’est pas une fatalité. Elle revient également sur l’enseignement en Algérie tout en plaidant pour plus de moyens. «Il faut offrir aux personnels enseignants et éducateurs des formations de qualité, efficaces et en adéquation avec des méthodes pédagogiques approuvées par la recherche», plaide-t-elle. Son premier roman, édité à Montréal ; est disponible notamment sur Amazon.
Entretien réalisé par notre correspondant à Montréal
Salah Benreguia
Eco Times : Pouvez-vous nous parler de votre parcours…?
Fatiha Temzi : Je suis arrivée au Québec en 2002, je me suis dirigée vers l’enseignement des mathématiques au secondaire après avoir exploré le domaine de l’actuariat à l’UQAM. Bien avant cela, j’avais fait des études en Génie Informatique en Algérie. Tout au long de mon travail comme enseignante, j’ai agrémenté mon parcours par quelques cours de maîtrise en didactique des mathématiques ainsi que plusieurs formations dans le domaine de la neuropédagogie.
Comment est venue l’idée d’écrire un roman, vous qui êtes actuellement enseignante en mathématique au Canada ?
Je suis de formation scientifique et j’ai toujours aimé écrire, disons que mon roman est la fusion de deux passions.
Après plus de dix ans d’expérience dans l’enseignement, l’idée d’écrire le roman d’apprentissage Échecs et maths m’est venue après avoir constaté auprès de plusieurs adolescents une aversion envers les mathématiques et une certaine fatalité face à l’échec. Avec mon récit, je voulais apporter une touche positive à tout cela, montrer la beauté des maths en mentionnant son existence dans la nature et aussi démontrer que l’échec n’est pas une fin en soi. Par ailleurs, j’ai voulu partager avec les jeunes quelques découvertes en neurosciences cognitives et ainsi leur transmettre certaines connaissances de base concernant la plasticité du cerveau et la mémoire.
Parler de maths et de philosophie dans un roman littéraire destiné aux jeunes est peu commun et j’ai voulu réaliser ce genre de projet d’écriture. En fait, je souhaitais écrire une œuvre qui réunit littérature et mathématique et démontrer de la sorte que ces dernières ne sont pas deux domaines parallèles qui ne se rencontrent jamais !
Quel est l’objectif principal de l’édition de votre roman Echec et Maths ?
Nous vivons dans un monde où les connaissances mondiales doublent chaque sept ans, un monde qui change vite et qui peut facilement désorienter et dérouter beaucoup d’entre nous, d’où l’urgence de développer chez les jeunes une capacité d’adaptabilité dans ce monde dans lequel ils évoluent. Avec Échecs et maths, j’ai voulu orienter les jeunes lecteurs vers des connaissances de base qui les aideraient à développer leur cerveau adaptatif et ainsi les mener vers la réussite éducative. Miser sur des enseignements tels que : avoir de la curiosité et l’amour d’apprendre, l’écoute et l’ouverture d’esprit, la connaissance de soi et la conscience de soi ainsi qu’un retour vers la nature, une source interminable de bienfaits pour l’humain,… sont des savoirs essentiels que chacun de nous devrait absolument cultiver et surtout les inculquer aux enfants. Le monde dans lequel nous vivons est chargé d’informations et ne cesse de se complexifier. Ces informations sont très souvent envahissantes pour les ados. Des petits rappels bienveillants sur ce qui est essentiel et bénéfique dans leur vie sont indispensables pour leur équilibre mental.
En lisant votre livre, des enseignements, des «commandements» sont certes à tirer. Mais rédigés toutefois sous forme de roman. Pourquoi le choix d’un tel style d’écriture, en utilisant même «un langage d’adolescent» ?
Il y a certes plusieurs expressions et termes propres aux jeunes présents dans le roman, mais le langage utilisé demeure universel et accessible aux 11 ans et plus et à tous les francophones du monde. De plus, le langage ado fait partie de leur vie et ne pas le reconnaître ou le comprendre peut creuser encore plus le fossé intergénérationnel déjà existant entre les deux mondes, celui des «jeunes» et celui des «vieux». Le roman se veut une réconciliation entre ces deux mondes. Il s’adresse aux jeunes, aux parents et aux éducateurs, et invite le lecteur à faire une pause introspective sur le rôle assumé par chacun.
L’échec scolaire est la hantise de tous les parents. Ici, le personnage de Sofia, a été «sauvé» par sa tante, de surcroît enseignante. Quelle est alors la part de responsabilité de l’enseignant dans la réussite-échec d’un élève ?
Dans le roman, le contexte est différent du milieu scolaire. Ici on parle plutôt d’un enseignement individualisé, du «un pour un» dans un cadre hors école : un genre de coaching intensif où l’on voit l’évolution d’une jeune adolescente accompagnée et guidée par une experte en éducation. Une relation intergénérationnelle positive se crée et se fait de manière non-moralisatrice. Le personnage de la tante entraîne Sophia à avoir un discours interne motivateur nécessaire à sa reconstruction. Ce n’est pas dit de façon explicite dans l’histoire, mais la tante Meije est une «coach en éducation» en plus d’avoir été une enseignante d’expérience.
En ce qui concerne la réussite-échec d’un élève, il est clair que cela dépend de plusieurs facteurs. Parmi les facteurs prédominants mentionnés par la recherche en éducation, on retrouve l’Effet enseignant qui compte sur la qualité de la relation enseignant/élève, des interventions efficaces auprès des apprenants, le type d’enseignement utilisé… Cependant, l’enseignant ne peut à lui seul endosser en tout temps cette lourde responsabilité de l’échec de ses élèves. Il existe d’autres facteurs qui ne relèvent pas de l’enseignant, par exemple, le milieu socio-économique de l’élève ainsi que le désengagement de ce dernier.
Vous êtes ici depuis 2002. Une algérienne de Tizi-Ouzou qui fait partie de la diaspora algérienne qui marque, avec ses lettres d’or, sa présence sur le sol canadien. En tant qu’enseignante, pouvez-vous nous décrire quelles sont les raisons qui font que le système éducatif québécois est le plus performant dans le monde ?
Le système québécois présente des forces mais il reste encore des choses à améliorer. Sa force se situe au niveau de son ouverture sur les résultats issus des données probantes en éducation ainsi qu’une volonté d’appliquer des pratiques innovantes et efficaces. D’ailleurs, une des pratiques pédagogiques gagnantes issue de la recherche, on retrouve L’enseignement efficace qui est de plus en plus intégré dans les écoles. Cependant, les conditions de travail des enseignants sont décriées par ces derniers. On peut toujours faire mieux à ce niveau-là.
Quels conseils donnez-vous aussi bien aux parents, élèves et surtout les membres du personnel éducatif (enseignants, inspecteurs…) pour une meilleure contribution à la réussite de l’enseignement et de l’éducation en Algérie ?
On peut aisément comparer le domaine de l’éducation à celui de la médecine car ces deux domaines sont liés de par leur travail direct avec l’humain. Par exemple, on ne peut pas compter sur une médecine qui utilise des moyens et outils traditionnels pour guérir des maux de notre siècle. De même que pour l’éducation, nous ne pouvons pas utiliser les anciennes méthodes pédagogiques conçues pour l’ère industrielle pour enseigner à l’ère du numérique et de l’intelligence artificielle. Pour cela, la formation continue du personnel œuvrant dans des écoles se doit d’être à jour en ce qui a trait aux pratiques pédagogiques fondées sur les données probantes. Malheureusement, qui dit formation continue pense souvent à « un Savoir-faire» avec des outils informatiques, ce qui est, bien entendu, insuffisant. Un « Savoir-être » est nécessaire dans l’enseignement car c’est un métier «interactif». Ce savoir va permettre d’endiguer, entre autres, la Violence Éducative Ordinaire (VEO) dont parle le Dr. Catherine Gueguen dans plusieurs ouvrages. Cette violence est banalisée un peu partout dans le monde pourtant elle entrave l’apprentissage et l’épanouissement des enfants et des adolescents. Plusieurs se posent la question suivante : «doit-on alors tout permettre à nos enfants et ne plus rien dire?» Évidemment que non ! Il ne s’agit pas de tomber dans l’autre extrême non plus. La permissivité est tout aussi néfaste que la violence éducative ordinaire. Par contre, la bienveillance, l’empathie ainsi qu’une saine fermeté sont fortement recommandées envers les enfants et les adolescents.
En ce qui concerne l’Algérie, il est important que les responsables en éducation, les directeurs d’écoles ainsi que toute personne œuvrant auprès des enfants soient conscients de tous ces enjeux. Avec une forte population de jeunes, il est primordial que l’Algérie investisse davantage dans l’éducation en offrant aux personnels enseignants et éducateurs des formations de qualité, efficaces et en adéquation avec des méthodes pédagogiques approuvées par la recherche.
S. B.
Echec, revers, défaite, insuccès…des mots/maux à bannir !
Peu ou prou matheux, cet opus est pour vous.
« Echecs et Maths », est une invitation au succès.
Astuces, méthodes, conseils, tout y est.
Dans un style romancé pour une bonne délectation.
A consommer sans modération.
“Le succès, c’est l’échec de l’échec.”, ne l’oublions-pas !
Au bahut comme dans la vraie vie.
Bravo.
Bonne continuation !
H.RABAHI