Face au changement climatique : Quelle stratégie de semis du blé dur en Algérie ?

Champ de blé

Face à un changement climatique sévère potentiel, les agriculteurs dans les pays de l’Afrique du Nord expérimentent habituellement des stratégies d’adaptation basées sur la précocité du semis, l’utilisation de variétés précoces et la fertilisation. Cependant, l’information concernant l’efficacité de la précocité des semis comme stratégie d’adaptation de la culture du blé dur au changement climatique reste très limitée.

Synthèse Akrem R.

Dans un article publié dans les « cahiers Agricultures», sous le thème: « Quelle stratégie de semis du blé dur en Algérie pour s’adapter au changement climatique ?», deux chercheurs algériens en l’occurrence Nacira Chourghal et Tarik Hartani ont proposé des pratiques de semis plus efficaces.

En effet, deux options de semis sont examinées ; une date prescrite (fixe) et une date dynamique (dépendant du début des pluies utiles).

Pour faire face à l’aléa climatique, les agriculteurs expérimentent habituellement des stratégies d’adaptation basées sur la précocité du semis, l’utilisation de variétés précoces et la fertilisation.

Le semis précoce permet d’échapper aux périodes de stress hydrique et thermique survenant vers la fin du cycle de culture et de réduire l’effet du changement climatique.

Dans les hautes plaines algériennes où la céréale est cultivée en pluvial, les pratiques agricoles de semis sont ancestrales et débutent dès l’apparition des premières pluies, pendant les périodes traditionnelles du 10 novembre au 15 décembre si la variété est précoce et entre le 25 octobre et le 30 novembre si elle est tardive.

Poursuivant la démarche initiée par Chourghal et al. (2016), deux stratégies de semis ont été étudiées ici. Une stratégie de semis basée sur une date de semis prescrite (fixe) ne semble pas être avantageuse pour la culture du blé dur pour deux raisons.

D’une part, elle ne permet pas de tirer profit des conditions hydriques supposées être meilleures en début d’automne et, de l’autre, elle conduit à un raccourcissement important du cycle de culture durant la phase végétative, induisant une réduction de la matière sèche accumulée. Des résultats similaires ont été obtenus au Sud de l’Italie.

Dans d’autres pays, tels que la Turquie, le Maroc ou les pays des Balkans, où les températures sont supposées connaître une forte augmentation, le cycle du blé d’hiver peut être raccourci de 21 à 40 jours, exclusivement pendant la période végétative.

Dans cette situation de semis, le statut hydrique est négatif avec une diminution de l’évapotranspiration ETMc et une augmentation considérable de l’indice de stress hydrique, ce qui conduit inévitablement à une perte considérable en matière de rendement, comme établi notamment par les travaux de Zairi et al. (2003), Supit et al. (2010) et Lovelli et al. (2010).

En revanche, une stratégie de semis basée sur une date dynamique semble être avantageuse dans le climat futur, car elle permet de faire profiter la culture des augmentations de précipitations en début de saison.

Les possibilités de semis précoce sont meilleures et la date de récolte est décalée vers le début du printemps. La période végétative est considérablement raccourcie, fait régulièrement documenté, par exemple par Giannakopoulos et al. (2009), Moriondo et al. (2011) et Rezaei et al. (2018), mais avec un allongement de la phase reproductive, qui conduit à un raccourcissement moindre du cycle du blé dur.

Ces résultats rejoignent ceux de Wang et al. (2008) qui trouvent que l’accroissement des températures induit le raccourcissement de la période végétative du blé dur de 16,1 jours et l’allongement de la période reproductive de 8,2 jours.

La prolongation de la phase de reproduction peut être considérée comme étant un élément en faveur de l’adaptation au changement climatique.

En effet, cela peut donner plus de temps pour le remplissage des grains et, par conséquent, un poids de mille grains plus élevé en cas d’utilisation de variétés de blé dur à gros grains.

Le semis dynamique induit une précocité du cycle qui assure son achèvement avant l’occurrence des sécheresses de fin de saison, projetées être plus sévères et plus longues dans le climat futur en comparaison avec le climat présent.

Ainsi, le bilan hydrique est positif avec une augmentation de l’évapotranspiration et un indice de sécheresse plus faible, en comparaison avec le climat actuel ; le rendement réel reste sensiblement au même niveau que celui de la situation actuelle, malgré la diminution de la matière sèche accumulée. Ces résultats sont en accord avec ceux de Saadi et al.

(2015) qui affirment que « le raccourcissement du cycle du blé dur ne doit pas être considéré comme négatif si la culture peut éviter les périodes chaudes et sèches à la fin du printemps et au début de l’été et être effectuée principalement pendant la saison des pluies ».

C’est pourquoi un semis dynamique devrait être pratiqué plus tôt par rapport à la situation actuelle lorsque les conditions hydriques le permettent : la date de récolte avance alors vers le début du printemps et il s’ensuit un cycle du blé dur raccourci et un meilleur bilan hydrique conduisant à une perte de rendement limitée.

Au-delà des réponses agronomiques liées à la conduite de la culture du blé dur en prévision des changements climatiques, «notre analyse renseigne sur la façon dont une gestion intelligente de la date de semis pourrait être initiée pour préserver des niveaux de rendement équivalents à ceux d’aujourd’hui ; elle donne ainsi des clés aux gestionnaires et aux structures d’encadrement agricoles pour conseiller les agriculteurs et faire face aux défis alimentaires à venir ».

Le climat futur étant probablement plus pluvieux en été, il serait aussi pertinent de tester d’autres pratiques agronomiques telles que le mulch et/ou le semis direct pour valoriser la conservation de l’humidité du sol.

A.R.

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