L’Algérie, qui se positionne comme un acteur énergétique régional, fait face à de multiples défis, notamment la hausse de la consommation interne de gaz, qui représente jusqu’à présent près de 98 % de l’électricité produite.
Cela constitue en effet une véritable « menace » pour les exportations gazières à long terme, si des mesures adéquates ne sont pas prises par les pouvoirs publics pour freiner cette « boulimie », notamment dans le secteur résidentiel.
D’autant plus que le pays se dirige vers une diversification économique à grande échelle, ce qui nécessite davantage d’énergie. Cette question de rationalisation de la consommation d’énergie devient plus qu’une urgence pour le pays, d’autant que la consommation interne enregistre une croissance importante de 6% par an.
En 2022, 52 % de la production primaire d’énergie du pays a été consommée à l’échelle nationale, ce qui est préoccupant pour les exportations futures.
Cette question a été à l’ordre du jour de la réunion du Conseil des ministres d’avanthier, durant laquelle le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a souligné l’importance d’une démarche prospective et de la rationalisation de la consommation des différents types d’énergie, à travers l’adoption d’un nouveau mode de régulation et de contrôle reposant sur des études approfondies, capables de « nous fournir des solutions intégrées pour préserver l’énergie et l’exploiter dans le développement des différentes industries ».
Il a ainsi ordonné au gouvernement d’investir dans les énergies nouvelles, telles que l’hydrogène vert et l’énergie solaire, domaines dans lesquels l’Algérie dispose de grandes potentialités.
En outre, le Président a insisté sur la préservation du pouvoir d’achat des ménages dans l’élaboration de ce modèle de consommation. Donc, la vision du gouvernement doit être axée notamment sur l’augmentation des investissements énergétiques et la lutte contre le gaspillage sous toutes ses formes. La feuille de route est désormais tracée.
Des efforts sont à consentir dans le domaine de l’efficacité énergétique, la promotion des EnR et de l’hydrogène vert. Sur ce point, Rabah SELLAMI, Directeur Hydrogène et Énergies alternatives au CEREFE, a souligné qu’un grand pas est déjà franchi pour améliorer l’efficacité énergétique. Pour lui, cette dernière constitue un autre pilier de la transition énergétique.
S’exprimant lors de son passage sur les ondes de la radio nationale « Chaîne III », Sellami a mentionné plusieurs projets en cours pour rationaliser l’usage de l’énergie, dont la loi sur la maîtrise de l’énergie adoptée dès les années 2000. Il a détaillé ainsi des initiatives spécifiques, telles que l’amélioration de l’isolation des bâtiments, l’utilisation de l’éclairage LED, le développement des chauffe-eau solaires et des équipements électroménagers à haute efficacité énergétique.
Le secteur des transports est également engagé dans une démarche de transition avec, par exemple, la promotion du GPLC (Gaz de Pétrole Liquéfié pour Voitures) afin de réduire la consommation d’essence et de préserver la qualité de l’air. À cela s’ajoute une autre action importante dans le secteur de l’industrie : les audits énergétiques pour les gros consommateurs d’énergie.
Un modèle énergétique national en construction
Concernant le modèle énergétique national, le responsable a fait savoir qu’un groupe de travail multisectoriel a été mis en place pour élaborer un modèle énergétique national et définir un mix énergétique, en collaboration avec plusieurs ministères et acteurs du secteur.
Ce modèle vise à renforcer la sécurité énergétique du pays et à respecter les engagements climatiques et commerciaux à l’échelle internationale. Outre la rationalisation de la consommation, le gouvernement a élaboré un plan d’action pour le développement des EnR. Sellami a évoqué les projets en cours pour développer l’énergie solaire, un domaine dans lequel l’Algérie dispose d’un potentiel énorme.
« Le pays a lancé des appels d’offres pour construire des centrales solaires photovoltaïques et prévoit de déployer 15 000 MW d’énergie renouvelable d’ici 2035. Actuellement, la capacité installée en énergies renouvelables atteint environ 600 MW, avec une contribution de 472 MW provenant exclusivement des énergies renouvelables (hors hydroélectricité) », souligne-t-il, annonçant que le projet ambitieux de 3,2 GW, lancé en 2023, devrait porter la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique national à 13-14 %, contre environ 1 % actuellement. Interrogé sur le rôle du secteur privé dans la transition énergétique, Sellami a mis en avant son importance dans le développement des énergies renouvelables.
Le tissu industriel autour des EnR se développe avec la présence d’usines produisant des panneaux photovoltaïques, des batteries de stockage d’énergie, des câbles et des équipements d’éclairage public à basse consommation.
Par ailleurs, des investissements dans ce domaine sont encouragés, notamment avec l’entrée en vigueur du Code des investissements 2022 qui a introduit des incitations fiscales pour stimuler ces investissements, notamment en zone sud et dans les hauts plateaux.
Un autre mécanisme a également été introduit, ajoute-t-il, c’est l’encouragement de la délocalisation des industries étrangères pour investir en Algérie.
Un écosystème favorable à ce type d’investissement est en cours de création. Ce dernier est essentiel pour la réussite de la stratégie de transition énergétique.
Sellami a indiqué que, bien que des progrès aient été réalisés, la transition reste difficile et se heurte à des contraintes, notamment en termes de financement et de développement technologique. Un important travail reste à accomplir pour atteindre les objectifs ambitieux tracés par les pouvoirs publics.
Hydrogène vert : une ambition stratégique
En plus de l’énergie solaire, l’Algérie aspire à développer l’hydrogène vert, indique le Directeur Hydrogène et Énergies alternatives au CEREFE, soulignant que plusieurs partenariats ont été annoncés.
Le pays a signé des accords avec la Tunisie, l’Italie, l’Allemagne et l’Autriche pour le projet South H2 Corridor, destiné à transporter de l’hydrogène vert de la région maghrébine vers l’Europe.
Ce projet est encore en phase préparatoire, avec des études et des partenariats en cours, mais il pourrait constituer un levier stratégique pour l’Algérie, qui bénéficie d’un important potentiel en matière de production d’hydrogène.
Malgré le scepticisme de certains acteurs concernant la demande en hydrogène, l’intervenant a expliqué que le marché est en phase d’émergence, mais qu’il progresse rapidement.
Il a mentionné les « vallées d’hydrogène », des écosystèmes locaux où différents acteurs (producteurs, transporteurs et utilisateurs) se réunissent pour stimuler la demande. Il a également précisé que l’Union européenne prévoit une demande importante d’hydrogène à l’horizon 2030 (20 millions de tonnes, dont 10 millions importées).
Ce marché devrait se développer dans les prochaines années, et l’Algérie est bien positionnée pour en être un fournisseur clé, grâce à ses atouts naturels et sa stratégie nationale de développement de l’hydrogène.
Akrem R.