Face à la menace du stress hydrique : Ce que prévoit le gouvernement

Les précipitions automnales tardent à venir. C’est jours-ci, la plupart des wilayas en Algérie font face à une chaleur étouffante, avec l’angoisse que la sécheresse soit une fois encore au rendez-vous cette année. La situation est, en effet, devenue de plus en plus préoccupante, d’autant plus qu’à l’horizon 2050, selon des études, le taux de précipitations en Algérie et en Afrique du Nord diminuera de 20% ! Face à ces inquiétantes perspectives le gouvernement a tôt fait de prendre des mesures pour y pallier. 

Par Akrem R.

L’Algérie se trouvant dans une zone semi-aride, dont le taux de la pluviométrie est très faible, est appelée à accélérer son plan d’action pour la sécurisation du pays en matière d’eau potable et investir dans de nouvelles techniques pour le développement d’une agriculture adaptée aux changements climatiques. Néanmoins, de l’avis de beaucoup d’experts, nous ne sommes qu’au début de l’automne, et il est prématuré de parler d’ores et déjà, de sécheresse.

Cependant, il faut s’y préparer et prendre les mesures nécessaires et adéquates pour la rationalisation de la consommation des ménages et la généralisation de l’irrigation moderne dans le secteur agricole. Ils soulignent la nécessité de l’élaboration d’un plan efficace permettant d’éviter toute catastrophe liée à l’approvisionnement en eau potable des citoyens, et comme une étape proactive.

Conscients de la cette réalité, les pouvoirs publics sont engagés dans une course contre la montre pour la finalisation des projets d’AEP et l’augmentation des capacités nationales en eau dessalée. Le ministre de l’hydraulique, Taha Derbal, a multiplié ses réunions et sorties sur le terrain ces dernières semaines. Le but est de s’enquérir de la situation de son secteur et de l’alimentation des populations en eau potable.

Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune avait donné, rappelle-t-on, des orientations claires dans ce sens, en insistant sur un approvisionnement en continu et rationnel. Un plan d’urgence a été lancé depuis 2022 pour l’augmentation des capacités nationales en eau, notamment, après le recul du taux de remplissage des barrages, avoisinant les 30% (moyenne nationale).

Des efforts ont été consentis, dans ce sens, en tapant fort sur la nappe phréatique. Des centaines de nouveaux puits ont été réalisés, ayant contribué d’une manière efficace au maintien de l’alimentation des citoyens en eau notamment dans les grandes villes. En outre, il a été décidé d’investir dans la réalisation de stations de dessalements de l’eau de mer. 

Des budgets conséquents ont été dégagés à cet effet. Avec l’entrée en production des différents projets de dessalement d’ici à la fin 2024, la capacité totale de production de l’eau dessalée en Algérie sera portée à 3,7 millions de m3/jour, soit un taux de 42% de couverture des besoins du pays.

Le gouvernement ne compte pas s’arrêter là : de nouvelles stations seront également réalisées sur le long du littoral, s’étendant sur une longueur de 1600 km. Il vise atteindre 60% de couverture de la demande nationale en eau à l’horizon 2030. À travers ces investissements, l’Algérie serait en mesure de garantir sa sécurité hydrique. 

La sécurité alimentaire passe par la sécurité hydrique 

Mais un grand travail reste encore à faire dans le domaine agricole. Un secteur consommateur d’eau. Selon les chiffres du ministère de l’hydraulique, près de 70% de l’ensemble des volumes d’eau consommés au niveau national sont absorbés par l’agriculture. Soit environ 7 milliards de m3 moyenne annuelle, alors que la consommation nationale est de 10,6 milliards de m3/an.

Un volume difficile à mobiliser, notamment, durant ces périodes de faibles précipitations et raretés des pluies. À cause de la sécheresse durant la saison écoulée, des dégâts énormes ont été causées à près de 90 000 agriculteurs de 34 wilayas, selon les chiffres du Premier ministre. Un chiffre qui montre l’ampleur du phénomène et la nécessité de prendre des mesures proactives avant le début d’une campagne agricole.

«Il faut d’abord mobiliser les eaux nécessaires avant le lancement de la campagne de labours-semailles par les céréaliculteurs. On ne peut anticiper sur la venue des pluies ou pas. Donc, il ne faut pas s’aventurer dans le lancement d’une campagne, dont l’échec est connu d’avance», a déclaré Laala Boukhelfa, expert agricole.

Et d’ajouter : « Notre sécurité alimentaire passe d’abord par la garantie de la sécurité hydrique», en s’assurant qu’avec notre potentiel hydrique «énorme» et une utilisation optimale, «notre pays est en mesure de surmonter les effets du réchauffement climatique qui cause la sécheresse et le retard des pluies».

L’expert a également recommandé de lancer de vastes opérations de reboisement, notamment dans l’Ouest du pays qui connait les plus bas taux de pluviométrie au niveau national.

C’est dans cette optique que le ministère de l’Agriculture a modifié la cartographie nationale de l’agriculture. Des wilayas vont changer de statuts en passant de régions céréalières, par excellence, à des régions arbustives et cultures résistantes à la sécheresse. 

Ainsi, il a été décidé de s’orienter résolument vers l’agriculture saharienne avec la généralisation de l’irrigation d’appoint. Tous les espoirs sont orientés vers le Sahara, dont les terres et l’eau sont disponibles,  pour renforcer la sécurité  alimentaire du pays.

Cap sur l’exploitation des eaux usées épurées

Le ministre de l’agriculture, Mohamed Abdelhafid Henni, qui s’exprimait avant-hier lundi, lors de la célébration de la Journée mondiale de l’alimentation, célébrée cette année en Algérie sous le slogan : «l’Eau c’est la vie, l’eau nous nourrit. Ne laisser personne de côté», a mis en exergue les stratégies de mobilisation et de diversification de ressources hydriques, visant à augmenter la disponibilité de l’eau, en conformité avec les orientations et instructions du président de la République, Abdelmadjid Tebboune. 

«Les eaux non conventionnelles, comme les eaux usées épurées, se positionnent en tête des alternatives offertes pour assurer l’irrigation des cultures», a déclaré le ministre. 

Et de révéler que «le ministère travaille actuellement, en coordination avec le secteur des ressources en eau, à l’élaboration d’un projet sur la valorisation de la réserve d’eau utilisée par l’irrigation agricole de manière sécurisée, en introduisant des techniques modernes de filtration».

Au-delà de sécuriser la production agricole, «la valorisation des eaux non conventionnelles permettra de préserver les eaux souterraines», a-t-il souligné, en faisant savoir que le programme élaboré  par son secteur comprend deux axes principaux.

Le premier concerne l’expansion des superficies irriguées en préservant les capacités existantes, tout en développant de nouvelles superficies, dotées de techniques modernes d’irrigation et d’exploitation.

La seconde porte sur la sécurisation de la production céréalière nationale, en recourant à l’irrigation d’appoint complémentaire, voire globale dans les zones du Sud. Rappelant que nous sommes en plein campagne labours-semailles de la saison agricole 2023, le ministre a appelé à la rationalisation de l’utilisation de l’eau, en recourant à la «la généralisation des équipements innovants et les dispositifs d’irrigation économes».

La représente de la FAO), Irima Brihoud, a, pour sa part, évoqué les défis et les opportunités liées à la sécurité alimentaire. Elle a soulevé les nombreux problèmes liés à l’eau face à la  croissance démographique.

«Le développement économique, le changement climatique, la pollution… soumettent  les ressources hydriques à un stress grandissant». Comme recommandations, elle a insisté sur l’impératif de réduire la pollution, de  recourir aux technologies modernes afin d’économiser les ressources hydriques et l’investissement dans les cultures résistantes.

A. R.

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