Attendre 30 milliards de dollars d’exportations hors hydrocarbures à l’horizon 2030, ou encore, parvenir à financer l’économie dans son intégralité avec des fonds issus des recettes non pétrolières à la même échéance, comme viennent de l’exprimer que ce soit le Premier ministre ou les opérateurs économiques, lors du forum de l’export organisé à Alger par le CREA (Conseil du renouveau économique algérien) et dont les travaux ont pris fin jeudi, constituent d’importants challenges pour l’économie nationale.
Par Mohamed Naïli
Néanmoins, l’enjeu majeur de cette nouvelle approche est la maîtrise des coûts de production au sein de cette nouvelle économie hors hydrocarbure qui se développe et la part de la valeur ajoutée à créer à l’ombre de l’intensification des exportations hors pétrole.
En abordant à partir de cet angle la problématique des exportations hors hydrocarbures et l’amélioration de leur niveau pour en faire une alternative à la dépendance de l’économie nationale de l’or noir, les opérateurs économiques ayant pris part au forum du CREA ont formulé une série d’une trentaine de recommandations en mesure justement d’alléger les charges et faciliter la tâche aux producteurs nationaux ayant comme principale ambition la conquête du marché international et régional.
En d’autres termes, lorsque l’on sait que, sur les 35 à 50 milliards de dollars d’importations annuelles, une grande partie est destinée aux matières premières, semi-produits et équipements divers nécessaires au fonctionnement de la machine économique du pays, c’est la question du coût de revient des produits destinés à l’exportation et la marge bénéficiaire que dégagerait le fabriquant qui se pose. Que ce soient les produits issus des industries manufacturières, les produits agricoles ou transformés, le recours aux importations en amont (matières premières, intrants, machines, équipements de production, etc.) est courant, ce qui, d’ailleurs, ne fait qu’alourdir davantage les coûts de production et réduit par ricochet la valeur ajoutée des produits à exporter.
Pour libérer les opérateurs économiques tournés vers l’exportation de cette lacune, le développement de la production locale de matières premières et autres intrants dont les unités industrielles, producteurs agricoles et autres ont besoin doit être placé au sommet des priorités de la nouvelle politique de développement économique à mettre en place à moyen terme.
Toutefois, il ne s’agit pas de couper définitivement le recours aux importations, comme vient de le préciser le Premier ministre, « l’Etat ne s’oppose pas à l’importation qui complète la production nationale et qui permet à l’économie nationale d’accéder aux chaînes de valeurs et de contrôler les techniques de production, mais lutte contre l’importation qui épuise les devises et qui a failli entrainer le pays vers l’endettement international ».
30.000 importateurs à la trappe
Outre la dépendance du marché international des matières premières et des équipements de production, les charges dues à la logistique ne sont pas non plus sans effets sur l’essor de la production nationale destinée à l’exportation. En effet, pour ne citer que la lancinante question du transport maritime, des opérateurs économiques ont été nombreux par exemple à se plaindre de la situation qui prévaut au niveau des infrastructures portuaires. Faute de disponibilité et en raison de complexes démarches administratives et douanières pour procéder au dédouanement et déchargement des cargaisons au niveau des ports, les bateaux sont souvent contraints à rester en rade pendant plusieurs jours, voire dépassant un mois dans certains cas. Cette situation ne fait donc qu’accroitre les charges des entreprises locales lorsqu’il s’agit de matières premières ou d’équipements importés, sachant que le coût moyen de mise d’un bateau en rade, il y a quelques années déjà, était de près de 10 000 dollars/jour, selon des Organisations patronales.
C’est d’ailleurs pour contribuer à l’éradication des handicaps de cette nature qu’Aïmene Benabderrahmane, a souligné devant les opérateurs économiques que certaines structures à l’image des ports et aéroports devraient fonctionner selon les standards internationaux, avant d’annoncer que « le gouvernement passera à la vitesse supérieure les prochains jours à travers l’aménagement d’autres ports tels que Béjaia, Mostaganem et Djen-Djen », qualifiant ce dernier de « joyau qui n’est pas exploitée convenablement ». En guise de rappel de la volonté de son gouvernement à aller dans le sens d’éradication des embûches administratives et bureaucratiques caractérisant la gestion des affaires économiques du pays depuis plusieurs décennies, le Premier ministre a déclaré devant les opérateurs économiques présents à cette occasion que « la gestion de l’économie nationale ne se fait pas selon une approche administrative, mais plutôt sur la base d’une approche purement économique ».
Cette dernière déclaration se veut aussi une expression de la disposition des pouvoirs publics à écouter les doléances et attentes exprimées par les chefs d’entreprise, d’autant plus qu’entre autres recommandations formulées par les membres du CREA à l’issus du forum de l’export, la demande d’annulation du principe de pénalisation des retards de rapatriement des recettes financières d’exportation dans les délais fixés et son remplacement par l’imposition d’une amende financière, comme l’a annoncé le secrétaire général de ladite Organisation patronale, Fayçal Ouaguenouni.
L’accélération du processus d’ouverture d’agences bancaires dans des pays étrangers a été également sollicitée par les chefs d’entreprise ayant pris part audit forum, notamment dans les pays que les opérateurs locaux ciblent pour y placer le produit national, comme c’est le cas en Afrique.
En tout cas, si en 2021, le volume des exportations hors hydrocarbures a déjà atteint les 5 milliards de dollars, ce sont 7 milliards qui sont attendus à la fin de l’année en cours, 10 milliards en 2023 pour atteindre, selon le Premier ministre, les 30 milliards en 2030, en poursuivant cette cadence enclenchée ces deux dernières années.
Enfin, pour ce qui est des acteurs intervenant dans l’import/export, le Premier ministre a fait savoir que le nombre d’importateurs est passé de 43 000 à 13 000, tandis que les exportateurs, leur nombre est passé de 200 à 3 000, dont 50% réalisent des opérations effectives.
M.N.