Depuis la visite du président français en Algérie la semaine dernière, le débat est relancé sur les ressources minières et potentialités dont dispose l’Algérie en la matière d’une manière globale. Ce retour au-devant de la scène de la question de l’exploitation minière est dû ainsi à la déclaration du chef de l’Elysée ayant évoqué «les métaux rares» et «la recherche et l’innovation» dans les efforts que consentiront la France et l’Algérie pour «favoriser la relance de leurs échanges et encourager le développement des partenariats entre leurs entreprises».
Par Mohamed Naïli
Au-delà de ce concept de «terres rares», l’emballement de ces derniers jours sur la question de l’exploitation des ressources minières souterraines, outre le gaz et le pétrole, est identique à celui du mois de juin 2020, lorsque le chef de l’Etat, Abdelmadjid Tebboune, annonçait, six mois après son accession à la magistrature suprême, avoir «ordonné l’établissement dans l’immédiat d’une carte géologique de tous les gisements exploitables et terres rares, phosphates» ainsi que divers minerais et produits issus de l’industrie extractive, dont l’Algérie renferme d’importantes disponibilités, comme le fer et le phosphate entre autres.
Néanmoins, loin d’être une découverte exclusive ou un potentiel nouveau dont l’Etat s’apprête à débuter l’exploitation, l’industrie d’extraction a toujours été active en Algérie depuis plusieurs décennies. A l’indépendance en effet, les pouvoirs publics ont repris entre 1962 et 1964 progressivement le contrôle de l’ensemble des gisements et sites miniers abandonnés par leurs concessionnaires sous le régime colonial.
Ainsi, dans un document où sont répertoriées l’ensemble des statistiques détaillés sur le secteur des mines en Algérie et reproduit en exclusivité dans un numéro spécial du magazine Le Monde Diplomatique en octobre 1965, toutes les données relatives aux potentialités du pays, la production et les exportations en produits miniers sont identifiées. Compte tenu de son importance stratégique, en tant que filière en mesure de contribuer fortement à l’essor de l’économie nationale, le secteur des mines est passé sous le contrôle de l’Etat à travers le BAREM (Bureau algérien de recherches et d’exploitations minières), créé en 1964 et «chargé de la mise en valeur des richesses minérales (et) doit permettre, grâce à la mise en œuvre d’importants programmes de recherches minières et géologiques (directement ou par des organismes étrangers sous contrat), un développement sensible des activités minières», est-il précisé d’emblée à l’entête du document en question.
Près de 60 ans plus tard, la question que d’aucuns se posent consiste à savoir si le recentrage des priorités économiques du pays privilégiant l’extraction minière véhicule avec lui des objectifs nouveaux, une valeur ajoutée supplémentaire, ou juste une reproduction de la feuille de route déjà mise en place il y a des décennies ayant pour but naturel la diversification de l’économie et des sources de revenu?
Lorsque l’Algérie exportait près de 3 millions tonnes/an
Pour avoir un aperçu sur l’intensité de l’activité minière dans la conjoncture de l’époque des années 1960, le document d’archive en question précise que «la reprise de la sidérurgie européenne, les contrats de vente passés avec les pays de l’Est (URSS, Bulgarie), la pression exercée sur les prix, ont permis une amélioration très sensible de la situation des mines de fer et la réouverture par l’Etat algérien des trois exploitations abandonnées par les concessionnaires (d’avant l’indépendance, ndlr). La production globale de 1964 est en hausse de 38,56% sur celle de 1963 et se situe au niveau de la moyenne des productions des vingt dernières années».
Par type de production, l’on apprendra que, durant cette période qui a suivi l’indépendance du pays, la production du minerai de fer s’est poursuivie d’une manière régulière en dépit de la transition qui s’opérait dans le pays dans tous les domaines. «La production de minerai de fer se situe au premier plan de la production minière algérienne, tant au point de vue tonnage que valeur. En 1964, elle a atteint 2.746.145 tonnes contre 1.976.000 tonnes en 1963. Les résultats du premier semestre 1965 laissent espérer encore une sensible amélioration», est-il souligné dans le document reproduit par le Monde Diplomatique en octobre 1965.
Au volet commercial, la même source fait état aussi d’une évolution positive des exportations en fer, en précisant que «les efforts consentis par les exportateurs algériens sur les prix de cession de leurs minerais, l’excellent climat social qui a régné en 1964 dans les mines», sont entre autres facteurs qui ont fait que, «parallèlement, les tonnages exportés ont, en 1964, augmenté de 44,40% (2.828.301 tonnes contre 1.958.898 en 1963).
Dans le descriptif des sites de production de fer, c’est la mine de l’Ouenza, dans l’est du pays, qui est mise en exergue, en précisant que cette société «à participation de l’Etat algérien exploite à ciel ouvert avec des moyens mécaniques puissants les gisements de l’Ouenza et Boukhadra (dont) le débouché sera assuré dans un proche avenir par la sidérurgie d’Annaba», en signalant aussi que «d’importants investissements en cours et prévus portent sur le renouvellement du matériel d’exploitation». Pour ce qui est des minerais non ferreux, ce sont le plomb, le zinc et le cuivre qui suscitaient plus d’intérêt à cette époque.
Outre, les minerais ferreux et non ferreux, l’industrie extractive de l’Algérie postindépendance a connu aussi ses moments de gloire dans la branche des phosphates et produits de carrières divers. Evoquant le site de Kouif, dans la wilaya de Tébessa, le même document de 1965 souligne que «la mine de phosphate du Kouif a été réouverte en mars 1964 et emploie quatre cents ouvriers. La production annuelle est de 100.000 tonnes, (dont 70% sont vendus) à la Société nouvelle algérienne de produits chimiques et d’engrais (SNAPCE) et le reste est exporté vers l’Italie, la France et l’Allemagne».
Autant de potentialités dont disposait donc le pays dans le domaine minier il y a près de 60 ans, mais, pour ce qui est du contexte actuel, il est impératif d’identifier les mutations qu’ont dû subir ces réserves (sites épuisés, nouvelles découvertes, leur accessibilité ou les coûts de leur exploitation) pour pouvoir mettre en place une politique de développement d’une industrie minière plus efficace et avec davantage de valeur ajoutée.
M. N.