La formation professionnelle est en train de connaître des réajustements importants à proportion des évolutions successives que connaît l’économie nationale. Ce secteur, formateur de la ressource humaine destinée à être employée au sein des entreprises économiques, compte ainsi rattraper les écarts et les retards qu’il avait accumulés, ayant fait de lui une entité peu en phase avec le marché du travail et les critères d’employabilité.
Par Amar Naït Messaoud
Au cours des deux rentrées de l’année scolaire 2024/2025 (octobre et février), le secteur a connu une offre de plus de 600 000 places pédagogiques au niveau de ses 1225 établissements de formation ré- partis sur l’ensemble du territoire national, avec les statuts d’instituts nationaux spécialisés (INSFP) et de centres de formation professionnelle (CFP). 22 autres établissements de formation bénéficieront incessamment de leur décision de création.
L’offre en places pédagogiques comprend aussi la formation destinée aux personnes à besoins spécifiques et aux femmes au foyer.
De même, des formations sont conçues pour les jeunes du milieu rural et ceux bénéficiant de l’allocation chômage. Cette dernière catégorie reçoit des formations qui lui permettront de s’insérer dans le milieu du travail et s’affranchir du « statut » de chômeur.
Le nombre de spécialités assurées au niveau des centres et des instituts de formation professionnelles est actuellement de 440 pour les formations diplômantes et de 146 pour les formations qualifiantes de courte durée.
En tout, ce sont 23 branches professionnelles orientées vers les spécificités économiques des régions du pays. La nomenclature des métiers évolue et s’enrichit continuellement selon les activités économiques et leurs besoins spécifiques en ressource humaine.
C’est ainsi que, au cours des ces dernières années, des spécialités nouvelles ont vu le jour, à l’image de l’intensification des semences de blé et de tournesol. Il en est de même de la culture du safran, dont la formation est assurée en mode de formation qualifiante de courte durée.
Ainsi, ce sont les nouvelles orientations en matière d’économie agricole, basées sur les cultures stratégiques (céréales, oléagineux, agroalimentaire,…) qui trouvent leur prolongement naturel sur le plan de la formation professionnelle.
Enrichissement de la nomenclature des métiers
Le secteur industriel n’est pas du reste, puisque deux spécialités nouvelles, et non des moindres, ont vu le jour dans la formation professionnelle : la maintenance des voies ferrées la maintenance des unités de dessalement de l’eau de mer.
Ce sont là deux axes importants sur lesquels repose une grande partie de la nouvelle stratégie économique du pays, celle du transport, et particulièrement du transport de produits finis, de semi-produits et de matière première, à l’image de la voie ferrée en construction actuellement pour desservir la mine d’extraction de fer de Ghar Djebilet, allant du sud de Tindouf jusqu’à Béchar.
Sur près de 1000 km. Il en est de même des stations de dessalement de l’eau de mer, celles qui sont en fonction et celles en construction permettant au pays de garantir sa sécurité hydrique dans un contexte sévère de changements climatiques.
Le ministère de l’Enseignement et de la Formation professionnels a défini les « branches professionnelles prioritaires » au regard des exigences de l’économie nationale et des besoins des entreprises.
On retrouve, en tête de liste, les métiers de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la numérisation, du bâtiment et les travaux publics, de l’électricité, de la restauration, de l’hôtellerie et de l’artisanat, des ressources hydriques et de l’environnement, ainsi que des énergies renouvelables.
Dans les wilayas du sud du pays, de nouvelles spécialités ont été introduites, comme les télécommunications, la maintenance industrielle, la maintenance de véhicules légers, l’hygiène et la sécurité industrielles, la pâtisserie, la couture dames, l’hôtellerie, la restauration, l’infographie maquette, l’isolation thermique et acoustique, le tourisme (guide touristique et gestion des agences de voyage), l’audiovisuel (option montage).
Un partenariat avec les entreprises locales-pétrolières, parapétrolières, de génie civile, etc., est établi à travers des conventions signées entre les deux parties afin de renforcer le contenu de la formation et de créer les conditions d’une meilleure insertion des jeunes diplômés dans le milieu du travail.
Les exigences du nouveau modèle économique
Le nouveau modèle économique qu’ambitionne l’Algérie, basé sur la diversification des activités économiques et des recettes extérieures, ainsi que sur la réalisation de la sécurité alimentaire et hydrique, ne manquera pas de montrer progressivement ses exigences en matière de ressources humaines qualifiées, particulièrement dans le segment du personnel d’exécution, comprenant les ouvriers spécialisés, les opérateurs, les conducteurs de travaux, les chefs d’ateliers, les contremaîtres,…etc.
Sur ce plan, l’Algérie avait eu à faire, au début des années 2000, face à des écueils objectifs, qui sont l’héritage d’une économie rentière, mono-exportatrice d’une industrie purement extractive : le pétrole et de gaz.
Cet héritage était fait, non seulement d’une indolence qui avait affecté des secteurs entiers, laissés en friche, mais également d’une démotivation générale des acteurs qui avaient, auparavant, animé les filières et les spécialités de tous les métiers.
La ressource humaine – cadres d’exécution ou de conception, agents et ouvriers spécialisés- qui exerçait son activité avec l’art et le professionnalisme dispensés dans les écoles, n’avait pas pu opérer sereinement sa mue générationnelle, d’autant plus que le départ en retraite anticipée avait complètement chamboulé la gestion des ressources humaines et la préparation de la relève.
Le problème s’est posé avec une acuité particulière pour tous les métiers qui requièrent une formation spécialisée, supposée être acquise dans les centres de formation professionnelle.
Des porteurs de capitaux avaient investi des milliards de dinars dans des segments de l’agroalimentaire, de la petite industrie, de l’électronique, mais ils s’étaient trouvés devant la difficulté de recruter des profils adaptés à la nature de leur activité.
Les jeunes sortis des centres de formation trainaient des insuffisances de qualification ou bien des profils qui ne correspondaient pas encore à la composante de l’économie nationale.
La problématique la plus saillante dégagée à chaque fois, est cette nécessité de faire concorder les axes de la formation sous toutes ses déclinaisons avec les besoins de l’économie nationale qui sont appelés à se multiplier et se diversifier sous l’impulsion des nouveaux investissements et des innovations technologiques.
L’insistance sur ce point vient du constat que des activités professionnelles exercées par des entreprises algériennes ou des partenaires étrangers installés en Algérie ne trouvaient pas leur prolongement sur le plan de la formation.
Aujourd’hui, de plus en plus, la formation professionnelle et le système d’apprentissage sont sollicités dans le cadre de la nouvelle économie pour renforcer les capacités et les compétences des ressources humaines des entreprises.
Ces dernières, dans un contexte de compétitivité qui va crescendo, aussi bien à l’intérieur du pays que face aux partenaires étrangers, n’ont d’autre choix en la matière que d’investir scientifiquement dans la ressource humaine.
Les types de formation adaptées au contexte de l’entreprise algérienne se déclinent au moins en deux axes : la formation de base supposant un background acquis dans des centres spécialisés par les candidats au recrutement, et, par la suite, la formation continue assuré cycliquement pour les travailleurs, de façon à leur garantir un renouvellement des connaissances et une mise à niveau technique.
À analyser la situation actuelle des entreprises algériennes, il ressort que les nouveaux défis qui se posent au secteur de la formation et de l’apprentissage professionnels dans le contexte d’une économie qui s’ouvre sur le monde de l’entreprise privée et qui est appelée à s’ouvrir davantage sur le marché mondial, sont multiples et variés.
En effet, les différents investissements- aussi bien dans les secteurs de l’industrie et de l’agriculture que dans le secteur des services- réclament une main-d’œuvre spécialisée, des agents d’exécution compétents et un encadrement de qualité.
A. N. M.